Revue de réflexion politique et religieuse.

Revue en ligne

Depuis le mois de jan­vier 2022, la revue publie désor­mais régu­liè­re­ment en ligne des articles, notes de lec­tures, entre­tiens, ou contri­bu­tion spon­ta­nées qui lui sont adres­sées

29 Jan 2024

Fran­çois Hou, Cha­pitres et socié­té en Révo­lu­tion (lec­ture) par La Rédaction

L’histoire de la Révo­lu­tion ne déchaîne plus les dis­cus­sions pas­sion­nées d’il y a quelques décen­nies encore. D’aucuns y ver­ront les pro­grès, dans le public, d’une com­pré­hen­sion plus équa­nime de la période. Il nous cha­gri­ne­rait que ce soit plu­tôt l’ignorance qui fasse son œuvre. Car ce serait dom­mage : la période a encore beau­coup à nous apprendre. Témoin l’ou­vrage majeur*, tiré d’une thèse, écrite par un nor­ma­lien qui a sou­te­nu en 2019 à l’université Paris‑I sous la direc­tion de Phi­lippe Bou­try, spé­cia­liste de l’histoire reli­gieuse du XIXe siècle. L’auteur, Fran­çois Hou, a mené des recherches d’archives tita­nesques pour recons­ti­tuer le des­tin, avant et après la révo­lu­tion, des cha­noines d’une dou­zaine de dio­cèses fran­çais, choi­sis pour repré­sen­ter toute la diver­si­té de la France en termes de fer­veur, de socio­lo­gie, de poli­tique, etc.

La pre­mière par­tie recons­ti­tue tout le débat de l’époque autour de l’institution du cha­pitre, ce « sénat de l’Église » (Concile de Trente), « conseil-né » de l’évêque, qui n’en a pas moins un pou­voir monar­chique. La période consi­dé­rée est le moment d’un débat ecclé­sio­lo­gique majeur et de sa réso­lu­tion – thème qu’avait étu­dié, en son temps, l’abbé Plon­ge­ron. La rup­ture poli­tique vient radi­ca­li­ser les idées et sur­tout les for­cer à pas­ser à l’acte, c’est-à-dire à se confron­ter aux faits. (suite…)

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13 Jan 2024

Le Synode et la méthode pas­to­rale (par­tie 3) par Père Serafino Maria Lanzetta

Avec la décla­ra­tion Fidu­cia sup­pli­cans (FS) du 18 décembre 2023, le Dicas­tère pour la Doc­trine de la Foi, avec une cer­taine pré­ci­pi­ta­tion par rap­port aux récents résul­tats du Synode, a deman­dé au pape Fran­çois, ex audien­tia, d’ap­prou­ver de nou­velles béné­dic­tions, créées ad hoc « pour les couples en situa­tion irré­gu­lière » et « pour les couples de même sexe ». Dans les deux cas l’ac­cent est mis sur le « couple ». Pour pla­cer cela au niveau du prin­cipe, et ain­si en jus­ti­fier mora­le­ment les actes, on tente de sépa­rer l’as­pect litur­gique de la béné­dic­tion d’un aspect anté­cé­dent, « théo­lo­gique » mais non rituel. Avec quels résul­tats ? (suite…)

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29 Déc 2023

Synode sur la syno­da­li­té. Post-scrip­tum (par­tie 2) par Père Serafino Maria Lanzetta

L’article ci-des­sus a été publié avant la pre­mière ses­sion « syno­dale ». Nous avons deman­dé à l’auteur de bien vou­loir rédi­ger ce post-scrip­tum pour com­plé­ter le com­men­taire de cet épi­sode.

La pre­mière assem­blée romaine du Synode sur la syno­da­li­té s’est tenue du 4 au 29 octobre 2023. Offi­ciel­le­ment, elle s’est défi­nie comme  « XVIe Assem­blée ordi­naire du Synode des évêques », mais ce n’est pas pour rien qu’elle n’a fina­le­ment pas été appe­lée ain­si. En effet, il ne s’a­gis­sait pas seule­ment d’un synode où les évêques ont eu le droit de vote sur les ques­tions concer­nant la foi, la morale et la pra­tique pas­to­rale de l’É­glise, mais où ce même droit de vote a été éga­le­ment éten­du aux laïcs, qui étaient ain­si assi­mi­lés de jure aux évêques. Tel est l’ob­jec­tif de la nou­velle logique syno­dale qui vise à recons­ti­tuer l’É­glise sur le modèle de la syno­da­li­té, modi­fiant aus­si de la sorte la nature même du Synode des évêques. Dans le Rap­port de syn­thèse de la pre­mière ses­sion, publié le 28 octobre 2023[1], on aurait pu s’at­tendre à quelque chose de très per­tur­bant, étant don­né qu’à l’ordre du jour figu­raient des sujets pro­vo­cants tels que la béné­dic­tion des couples de même sexe, le dia­co­nat et le sacer­doce fémi­nin, le déclas­se­ment du céli­bat sacer­do­tal, etc. (suite…)

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14 Sep 2023

Un synode qui vient de très loin (par­tie 1) par Père Serafino Maria Lanzetta

Le texte sui­vant, dont l’original en ita­lien vient de paraître dans le der­nier numé­ro de la revue Fides catho­li­ca, est pré­sen­té ici dans une tra­duc­tion effec­tuée par nos soins, agréée par son auteur.

Il n’était jamais arri­vé qu’un synode dis­cute du synode, c’est-à-dire de lui-même. C’est le cas aujourd’hui, avec un long synode encore en cours, qui a com­men­cé en 2021 et devrait se conclure en 2024 par deux assem­blées romaines. Il s’agit d’une réflexion sur la « syno­da­li­té », qui est un pro­ces­sus, un pro­gramme d’action et une construc­tion de l’Église en marche, pas­sant d’une Église sta­tique, hié­rar­chique et pyra­mi­dale à une Église en mou­ve­ment, qui se construit au fur et à mesure, mais en par­tant de la base et en inver­sant l’ordre : ceux qui sont en haut doivent être en bas et ceux qui sont en bas doivent être en haut. Le pape Fran­çois l’a dit dans son dis­cours à l’occasion du 50e anni­ver­saire de l’institution du Synode des évêques (17 octobre 2015) : (suite…)

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30 Août 2023

Yûi­chi­rô Ôoka : Le Pro­cès de Tokyo. Le plai­doyer du juge fran­çais pour l’innocence par Pierre-Emmanuel Dupont

Voi­ci un ouvrage curieux, tra­duit par Paul de Lac­vi­vier sur l’original japo­nais, publié en 2012 par Yûi­chi­rô Ôoka. L’évocation de la figure d’Henri Ber­nard, qui fut le juge envoyé par le gou­ver­ne­ment fran­çais pour par­ti­ci­per au Tri­bu­nal mili­taire inter­na­tio­nal pour l’Extrême-Orient (connu sous le nom de Tri­bu­nal de Tokyo) pour juger les crimes impu­tés à vingt-huit hauts res­pon­sables mili­taires et poli­tiques japo­nais, est l’occasion de riches réflexions qui se situent aux confins du droit pénal, du droit inter­na­tio­nal, et de la phi­lo­so­phie du droit. L’itinéraire intel­lec­tuel de l’auteur, jour­na­liste de la télé­vi­sion japo­naise, et visi­ble­ment fran­co­phile, l’a por­té à s’intéresser à l’histoire de son propre pays, dont il estime que les Japo­nais d’après-guerre ont été déli­bé­ré­ment pri­vés, à la faveur de l’épuration intel­lec­tuelle et uni­ver­si­taire ayant sui­vi la défaite du Japon, de la cen­sure stricte et de la « réédu­ca­tion démo­cra­tique » mises en œuvre pen­dant la période d’occupation par le gou­ver­ne­ment mili­taire amé­ri­cain (1945–1952)[1], et pour­sui­vies depuis. Le Tri­bu­nal de Tokyo, qui a sié­gé à par­tir de 1946 et a ren­du son ver­dict en 1948, a été l’objet de tra­vaux de recherche en nombre bien moins impor­tant que ceux sus­ci­tés par le Tri­bu­nal de Nurem­berg qui a jugé les diri­geants civils et mili­taires du Troi­sième Reich. (suite…)

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30 Août 2023

Méta­mor­phose du synode par Bernard Dumont

Recen­sion de Car­lo Fon­tap­piè, Metar­mo­fo­si del­la sino­da­li­tà, Dal Vati­ca­no II a papa Fran­ces­co, Mar­cia­num Press (Stu­dium), Venise, 2023, 117 p., 13 €

L’auteur enseigne le droit canon à l’Université Roma Tre et est membre asso­cié de l’EHESS (Droit et Socié­té). Il com­mence par la genèse de la pro­mo­tion de l’idée de syno­da­li­té, un concept « deve­nu aujourd’hui vague et indé­ter­mi­né, ou si l’on pré­fère, quelque chose d’extrêmement élas­tique et de passe-par­tout ». Dans son accep­tion contem­po­raine, il en voit l’origine loin­taine dans l’Action catho­lique, avec sa « pro­mo­tion du laï­cat », ou plu­tôt d’un cer­tain laï­cat de « mili­tants », au sein d’une struc­ture axée en prin­cipe sur le « reli­gieux d’abord » plu­tôt que sur l’insertion dans le tem­po­rel. C’est en s’appuyant sur le trem­plin de la col­lé­gia­li­té conci­liaire que sont appa­rues pro­gres­si­ve­ment, notam­ment à par­tir de la Hol­lande des années 1966–70, des assem­blées ten­dant à implan­ter cer­taines formes de débats démo­cra­tiques dans l’Église, et, paral­lè­le­ment, une impor­tante pro­duc­tion théo­lo­gique sur la ques­tion. Car­lo Fon­tap­piè en offre un tableau très com­plet, dans le temps comme dans l’espace, depuis la faveur pour l’esprit com­mu­nau­taire orien­tal (sobor­nost) jusqu’à la reprise de l’idée pro­fane de gou­ver­nance, c’est-à-dire d’arrangement glis­sant sup­pléant le gou­ver­ne­ment revê­tu de l’autorité. (suite…)

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4 Mar 2023

Her­vé Made­lin : La conspi­ra­tion ima­gi­naire. Brèves remarques sur la Révo­lu­tion par Louis-Marie Lamotte

Agré­gé d’anglais, ancien pro­fes­seur en classes pré­pa­ra­toires, Her­vé Made­lin se pro­pose dans La conspi­ra­tion ima­gi­naire ** de livrer une réflexion géné­rale sur le phé­no­mène révo­lu­tion­naire moderne en par­tant d’un fait pré­cis, la condam­na­tion en 1794 pour conspi­ra­tion d’une famille de négo­ciants malouins, les Magon, qui doit per­mettre d’éclairer l’ « embal­le­ment des choses » (p. 9) qui conduit à la Ter­reur.

Dans les faits, l’ouvrage d’H. Made­lin est double, le rap­port entre l’étude du cas des Magon et les réflexions sur la signi­fi­ca­tion des révo­lu­tions modernes n’étant pas tou­jours évident. En s’appuyant prin­ci­pa­le­ment sur les tra­vaux d’érudition exis­tants, l’auteur recons­ti­tue l’itinéraire des membres des dif­fé­rentes branches de la famille Magon, deve­nue depuis le xviie siècle la famille la plus pres­ti­gieuse de l’élite mar­chande de Saint-Malo, alliée à la fin de l’Ancien Régime à d’anciens lignages de la noblesse bre­tonne. (suite…)

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4 Mar 2023

Pour une approche réa­liste de l’art. La réa­li­té maté­rielle et spi­ri­tuelle contre l’infirmité natu­ra­liste par Henri de Montety

 « Heu­reux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20:29)

La véri­té est invi­sible. L’art, en par­ti­cu­lier la pein­ture, en est la preuve. Encore faut-il s’entendre sur le sens des mots. Ce qui est invi­sible, c’est la foi, la liber­té, la vie éter­nelle, tout ce qui déplace les mon­tagnes, en un mot la beau­té. La beau­té est invi­sible, car elle relève pour une large part du domaine spi­ri­tuelle.

Le para­doxe n’est pas nou­veau. Il a occu­pé de nom­breux pen­seurs, notam­ment ceux qui ont mis au point la théo­lo­gie néga­tive, les­quels sou­tiennent que si Dieu n’appartient pas au monde sen­sible, et que tout ce qui Le carac­té­rise (en l’occurrence la beau­té par­faite) est inac­ces­sible à nos sens, c’est, dès lors, par l’exubérance du sen­sible, par la peti­tesse et la lai­deur, que l’on peut, a contra­rio, sai­sir ce que peut signi­fier la per­fec­tion de la beau­té, l’incommensurable immen­si­té du domaine divin. En un sens, ils pensent pou­voir trans­for­mer le plomb en or.

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30 Jan 2023

Église en sor­tie, sor­tie de l’Église ? (n. 156) par Dom Giulio Meiattini

[En rai­son d’une erreur d’im­pres­sion, nous publions ici cet article du numé­ro 156 de la revue au for­mat inté­gral]

Dom Giu­lio Meiat­ti­ni, osb, est moine de l’abbaye Madon­na del­la Sca­la, située à Noci, près de Bari. Il est éga­le­ment pro­fes­seur de théo­lo­gie fon­da­men­tale à l’Athénée pon­ti­fi­cal Saint-Anselme (Rome) ain­si qu’à la Facul­té théo­lo­gique des Pouilles (Mol­fet­ta). Il s’est notam­ment inté­res­sé à l’apport spi­ri­tuel d’un jésuite et prêtre-ouvrier belge néer­lan­do­phone, auquel il a consa­cré un petit ouvrage inti­tu­lé Evan­ge­liz­zare con l’amicizia. Mis­ti­ca e mis­sione in Egied van Broeck­ho­ven. Il était donc bien pla­cé pour répondre aux ques­tions que nous lui avons posées, concer­nant la dérive consta­tée tou­jours plus dans l’Église tou­chant sa mis­sion fon­da­men­tale de faire connaître et aimer le Christ Jésus, qui tend aujourd’hui à se réduire à la recherche de « l’amitié » avec le monde hos­tile contem­po­rain, en met­tant sous le bois­seau « l’évangélisation ».

Catho­li­ca – Dans une étude sur la rela­tion entre moder­ni­té et sécu­la­ri­sa­tion à l’époque vic­to­rienne, un uni­ver­si­taire ange­vin, Jean-Michel Yvard, reprend la thèse de Mar­cel Gau­chet dans Le désen­chan­te­ment du monde[1], celle d’une « reli­gion de la sor­tie de la reli­gion », concrè­te­ment, d’une récu­pé­ra­tion laïque du chris­tia­nisme, spé­cia­le­ment dans les œuvres de cha­ri­té. (suite…)

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8 Sep 2022

Europe et Rus­sie : frag­ments pour une com­pré­hen­sion mutuelle par Boris Lejeune

Le texte qui suit nous a été pro­po­sé par Boris Lejeune, qui a plu­sieurs fois col­la­bo­ré à notre revue. Rap­pe­lons qu’il est artiste peintre, sculp­teur et poète, et, point impor­tant pour com­prendre ce qu’il écrit ici, qu’il est né à Kiev, alors capi­tale de la Répu­blique socia­liste sovié­tique d’Ukraine, en 1947. Contraint de quit­ter l’URSS en 1980, il est depuis ins­tal­lé en France. On peut donc aisé­ment com­prendre que le conflit actuel en Ukraine lui soit par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible. Sa réflexion est empreinte de tris­tesse devant la ver­sion actuel­le­ment offi­cia­li­sée en Europe, qui a bru­ta­le­ment reje­té le monde russe dans les ténèbres orien­tales.

En 1968 l’article « Réflexions sur le pro­grès, la coexis­tence paci­fique et la liber­té intel­lec­tuelle » écrit par Andreï  Sakha­rov, trois fois Héros du Tra­vail socia­liste, lau­réat des prix Sta­line et Lénine, futur lau­réat du Prix Nobel de la paix, cir­cu­lait en samizdat.Il y affir­mait de façon pro­phé­tique : « Le manque de proxi­mi­té de l’humanité la menace de mort. Menace la civi­li­sa­tion : guerre nucléaire géné­ra­li­sée ; une famine catas­tro­phique pour la plus grande par­tie de l’humanité ; bêtise par l’ivresse de la “culture de masse” et dans le vice du dog­ma­tisme bureau­cra­ti­sé ; les mythes de masse qui jettent des peuples entiers et des conti­nents aux mains de déma­gogues cruels et insi­dieux ; la dis­pa­ri­tion et la  déchéance dues aux résul­tats impré­vi­sibles de chan­ge­ments rapides des condi­tions de vie sur la pla­nète.  (suite…)

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30 Avr 2022

La fin de la Chré­tien­té, de Chan­tal Del­sol par Philippe de Labriolle

Après dix ans d’une thèse d’État rédi­gée sous l’égide de Julien Freund – Tyran­nie, dic­ta­ture, des­po­tisme : pro­blèmes de la mono­cra­tie dans l’An­ti­qui­té –, Chan­tal Del­sol a inflé­chi sa pas­sion spé­cu­la­tive vers la pen­sée de la cité contem­po­raine, dans la lignée d’Hannah Arendt[1]. Elle en par­tage la dénon­cia­tion des sys­tèmes tota­li­taires, et le goût des syn­thèses, sans en éga­ler la per­ti­nence. Sa façon de tendre à la véri­té et simul­ta­né­ment d’en redou­ter le pres­tige conduit cette « libé­rale-conser­va­trice », et s’affirmant telle, à trou­ver à l’agnosticisme rela­tif un charme inat­ten­du, fau­teur d’une sécu­ri­té bien incer­taine.

Ayant reçu une édu­ca­tion catho­lique dans le sérail favo­ri­sé du lyon­nais, cette obser­va­trice de nos sem­blables et de leurs tro­pismes sera un sou­tien fidèle pour des choix de socié­té cru­ciaux tels que le refus du mariage pour tous, ou la dénon­cia­tion de l’effondrement géné­ral du niveau sco­laire. Sous l’influence d’un père bio­lo­giste et maur­ras­sien, elle agrée le cadre reli­gieux de sa for­ma­tion, redoute les pro­mé­théens, mais reven­dique une démiur­gie d’esprit affran­chi. (suite…)

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4 Avr 2022

Église et moder­ni­té. Les inter­pré­ta­tions para­doxales de George Wei­gel par Louis-Marie Lamotte

Remettre en cause les idées reçues sur la ren­contre dif­fi­cile entre l’Église catho­lique et la moder­ni­té : tel est le but que se pro­pose l’essayiste catho­lique amé­ri­cain George Wei­gel dans L’ironie du catho­li­cisme moderne[1]. L’auteur n’entend pas y livrer un récit exhaus­tif des rap­ports entre l’Église et le monde moderne, mais dépla­cer le regard por­té sur des rela­tions trop sou­vent envi­sa­gées comme une lutte à mort ou un jeu à somme nulle. La thèse fon­da­men­tale de l’auteur est que la moder­ni­té a aidé l’Église à redé­cou­vrir des véri­tés fon­da­men­tales long­temps oubliées ou négli­gées (p. 18). L’histoire du catho­li­cisme post­ré­vo­lu­tion­naire est donc pour G. Wei­gel celle d’une prise de conscience pro­gres­sive par l’Église de sa véri­table mis­sion, qui ne consiste pas à com­battre la moder­ni­té, mais à la conver­tir de l’intérieur. Après une période de lutte fron­tale entre le catho­li­cisme et le monde moderne issu des Lumières et de la Révo­lu­tion, le pon­ti­fi­cat de Léon XIII ouvre une pre­mière ten­ta­tive d’ « explo­ra­tion par­fois scep­tique, par­fois intri­guée de la moder­ni­té » que l’auteur désigne comme une véri­table « révo­lu­tion léo­nine » (p. 99–100). (suite…)

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4 Avr 2022

L’invention d’un mythe par Guy Hermet

En fait un peu anté­rieur à l’étude de Rafael Sán­chez Saus[1], por­tant éga­le­ment sur le  mythe de l’Andalousie musul­mane comme modèle de coha­bi­ta­tion heu­reuse entre l’islam, le catho­li­cisme et le judaïsme dans un ter­ri­toire de sou­ve­rai­ne­té musul­mane, l’ouvrage de Serafín Fan­jul[2] le com­plète oppor­tu­né­ment. Il s’agit de même d’un livre « poli­ti­que­ment incor­rect », à contre-cou­rant de la ten­dance de nos jours domi­nante consis­tant à célé­brer ce qui n’est pour­tant qu’un mythe démen­ti par le gros de la lit­té­ra­ture his­to­rique sur le sujet. Membre de l’Académie royale d’histoire espa­gnole et pro­fes­seur de lit­té­ra­ture arabe à l’Université auto­nome de Madrid, Sera­fin Fan­jul s’érige donc contre le tra­ves­tis­se­ment de la longue période de domi­na­tion musul­mane de l’Espagne. Période qui s’étend de l’agression ara­bo-ber­bère ful­gu­rante des années 711–754  à la dis­pa­ri­tion du Royaume de Gre­nade en 1492, en pas­sant par le moment triom­phal du cali­fat de Cor­doue (929‑1031), pré­sen­tée comme règne sup­po­sé d’une Arca­die illus­trée par la coha­bi­ta­tion har­mo­nieuse et paci­fique des trois cultures ara­bo-musul­mane, catho­lique et juive. Pour l’auteur en revanche, « Le bon sau­vage n’a jamais exis­té, pas plus en al-Anda­lus qu’ailleurs. Ce que l’Islam a per­du n’est en rien un para­dis ori­gi­nel » (p. 669). (suite…)

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4 Avr 2022

Islam, entre ima­gi­naire et réa­li­té par Jean-Pierre Ferrier

Com­ment peut-on aujourd’hui oser  écrire un livre  sur l’islamisme et ses rap­ports avec l’islam sans encou­rir les vio­lentes cri­tiques de la classe bien-pen­sante ?  C’est un véri­table spé­cia­liste de l’islamologie,  Marie-Thé­rèse Urvoy, qui s’y est atta­qué, en col­la­bo­ra­tion avec Domi­nique Urvoy, comme sou­vent, dans Islam et isla­misme[1]. La pre­mière et prin­ci­pale dif­fi­cul­té est la défi­ni­tion de ces deux termes, qui est essen­tielle et ne peut être neutre. À reprendre quelques ouvrages et  articles de ces cin­quante der­nières années, on com­prend vite com­ment la défi­ni­tion rete­nue déter­mine le conte­nu ou, inver­se­ment, com­ment la concep­tion qu’on se fait de l’islam et de l’islamisme pré­dé­fi­nit leur conte­nu. Pour sa part, Marie-Thé­rèse Urvoy a choi­si d’y voir deux frères. Le sous-titre heu­reux de son livre court et très dense est lui-même source de dif­fi­cul­tés ou de ques­tions ; la reli­gion de l’islam  est-elle com­plé­tée, dédou­blée, contra­riée ou mena­cée dans son exis­tence même par cet isla­misme qui fait peur ?

Avec pru­dence, l’auteur a adop­té une stra­té­gie pro­gres­sive ;  sans la contes­ter,  elle part de la filia­tion pos­sible de la pro­phé­tie de Maho­met (on gar­de­ra la gra­phie tra­di­tion­nelle en France) en un duo fra­ter­nel, et  donc de la dis­tinc­tion appa­rue au XIXe siècle pour ten­ter de dif­fé­ren­cier, dans ce que l’on englo­bait jusqu’alors dans « l’islam » ce qui est vrai­ment reli­gieux et ce qui est vrai­ment social ou poli­tique. (suite…)

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22 Mar 2022

L’Église de France, la per­sé­cu­tion des juifs et le Vati­can (1940–1944) par Limore Yagil

La grande majo­ri­té de l’Église de France, sur­tout la hié­rar­chie épis­co­pale, accueillit avec enthou­siasme et espoir les pro­po­si­tions de « réno­va­tion natio­nale » énon­cées par le maré­chal Pétain, chef du gou­ver­ne­ment de Vichy. Dès le len­de­main de sa consti­tu­tion, le nou­veau régime édic­ta quelques décrets qui lais­saient clai­re­ment pré­sa­ger ses inten­tions concer­nant les juifs. La hié­rar­chie catho­lique, à quelques excep­tions près, n’a pas encou­ra­gé l’antisémitisme offi­ciel du régime de Vichy. Par tra­di­tion, l’Église affirme que l’obéissance à l’autorité est pour les fidèles une obli­ga­tion de conscience. Si la majo­ri­té des évêques ont été concrè­te­ment fidèles à Pétain, cer­tains ont dis­tin­gué entre la légi­ti­mi­té de l’État et la vali­di­té de sa légis­la­tion, et encou­ra­gé leurs fidèles, en par­ti­cu­lier les reli­gieuses et les prêtres de leurs dio­cèses, à agir pour secou­rir des juifs, et ceci bien avant l’été 1942. Face aux rafles des juifs en été 1942, six évêques ont ripos­té publi­que­ment, cha­cun avec un style dif­fé­rent.

Ce qui est inté­res­sant, c’est que d’autres pré­lats res­tés silen­cieux ne sont pas res­tés pas­sifs dans leur dio­cèse. « Les évêques avaient su main­te­nir intactes les exi­gences de la conscience chré­tienne sur les enjeux fon­da­men­taux concer­nant la per­sonne humaine et notam­ment la per­sé­cu­tion anti­sé­mite », a pré­ci­sé le car­di­nal Lus­ti­ger[1]. (suite…)

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2 Mar 2022

Le motu pro­prio Tra­di­tio­nis cus­todes et ses suites. Occa­sion pro­vi­den­tielle ou vic­toire à la Pyr­rhus ? par Laurent Jestin

Le motu pro­prio Tra­di­tio­nis cus­todes (16 juillet 2021) a eu pour objet d’annuler celui de Benoît XVI, Sum­mo­rum Pon­ti­fi­cum, publié qua­torze années aupa­ra­vant. Le pro­pos de ce der­nier était d’arriver à une paci­fi­ca­tion des ten­sions entre par­ti­sans des litur­gies post­con­ci­liaires et fidèles à la litur­gie héri­tée des siècles pas­sés, dite de saint Pie V mais assu­ré­ment bien anté­rieure, posant pour cela que cha­cune de ces deux « formes » expri­maient la même concep­tion de la litur­gie. L’acte du 16 juillet der­nier a été sui­vi de plu­sieurs autres, for­mant un ensemble répres­sif bru­tal, incom­pris, esti­mé abu­sif par beau­coup, dont divers évêques et car­di­naux. À l’inverse, divers autres se sont bruyam­ment réjouis de la dis­pa­ri­tion de ce qu’ils consi­dé­raient comme une ano­ma­lie affec­tant non seule­ment la dis­ci­pline litur­gique, et sur­tout une contra­dic­tion inac­cep­table. Selon eux, la dif­fé­rence va au-delà des formes, elle tra­duit plu­tôt une rup­ture de fond : non une dif­fé­rence céré­mo­nielle, mais une oppo­si­tion radi­cale entre une théo­lo­gie de la messe anté­rieure à 1969, révo­quée, et une autre théo­lo­gie, incom­pa­tible avec la pré­cé­dente. (suite…)

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25 Jan 2022

Entre­tien sur le concept d’É­tat pro­fond par La Rédaction

“Nous sommes en pré­sence de deux phé­no­mènes paral­lèles, l’un qui est la réac­tion de défense sani­taire au sein de chaque État , jus­ti­fiant un « état d’exception » tem­po­raire, pro­por­tion­né à la gra­vi­té réelle d’une menace à l’encontre d’une popu­la­tion, et déli­mi­té par la nature médi­cale de celle-ci, l’autre qui consiste en l’implantation, à la faveur de l’événement, des bases d’un régime poli­tique appa­rem­ment nou­veau, ayant une allure tyran­nique.

Dans ce cli­mat opaque, on parle d’hybridation pour dési­gner cette inter­pé­né­tra­tion entre ins­tances légales et inter­ve­nants clan­des­tins, qui rend indis­cer­nable la loca­li­sa­tion des déten­teurs du pou­voir réel”

Entre­tien avec le direc­teur de la rédac­tion à retrou­ver en ligne : https://www.hommenouveau.fr/3900/politique-societe/allons-nous-vers-un-etat-profond-planetaire—br-entretien-avec-bernard-dumont–directeur-de-catholica.htm (site de l’Homme Nou­veau)

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4 Jan 2022

Fin d’une ten­ta­tive de conci­lia­tion par Laurent Jestin

[Note : le texte sui­vant a été publié dans le numé­ro 153. Un dys­fonc­tion­ne­ment d’im­pres­sion ayant élu­dé l’en­semble de ses notes de bas de page, il est ici publié en ver­sion inté­grale et réta­blie]

Tra­di­tio­nis cus­todes, la lettre apos­to­lique en forme de motu pro­prio du pape Fran­çois « sur l’usage de la litur­gie romaine anté­rieure à la réforme de 1970 », a frap­pé par les res­tric­tions pra­tiques dras­tiques qu’elle contient. La lettre aux évêques l’accompagnant énonce le terme visé : l’extinction de la messe célé­brée selon l’usus anti­quior, ce qui, plus que le ton abrupt que tous ont noté, fait de ces res­tric­tions un chan­ge­ment de cap radi­cal. Mais quel en est le fon­de­ment ? Nombre de réci­pien­daires, sou­vent pour s’en déso­ler ou s’en décla­rer exempts, se foca­lisent sur l’accusation d’une col­lu­sion entre mis­sel ancien et refus du concile Vati­can II et du magis­tère pos­té­rieur. C’est se trom­per sur l’importance de ce motif effec­ti­ve­ment invo­qué. Il est second et, pour le bien com­prendre dans la logique du motu pro­prio, il convient de rele­ver une pre­mière oppo­si­tion, plus fon­da­men­tale, à la source du rai­son­ne­ment de Tra­di­tio­nis cus­todes. Cela, qui n’apparaît qu’en fili­grane dans la lettre d’accompagnement adres­sée aux évêques, se trouve déve­lop­pé par celui qu’à bon droit on consi­dère comme l’un des ins­pi­ra­teurs du docu­ment papal et son inter­prète le plus auto­ri­sé, à savoir Andrea Grillo[1]. C’est ain­si un com­men­taire sur trois niveaux –  le motu pro­prio lui-même, la lettre qui l’accompagne, l’explicitation d’Andrea Grillo – que nous nous pro­po­sons d’entreprendre, avec pour centre l’article 1er du motu pro­prio, dans le par­ti pris assu­mé d’un accord sub­stan­tiel entre les deux pre­miers et le troi­sième niveau. (suite…)

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10 Nov 2021

Les réponses non pro­por­tion­nées d’une théo­lo­gie morale « pro­por­tion­nelle » par Dom Giulio Meiattini


Le texte qui suit est la tra­duc­tion d’un cha­pitre du livre col­lec­tif 
Mors tua vita mea, publié sous la direc­tion de Mas­si­mo Viglione (Manie­ro del Mir­to, Alba­no Laziale, 2021, 332 p.), repris ici dans notre tra­duc­tion avec l’autorisation de l’éditeur et de l’auteur. Le long sous-titre de l’ouvrage en indique l’objet pré­cis : « La fin ne jus­ti­fie pas les moyens. Sur l’illicéité morale des vac­cins qui uti­lisent les lignes cel­lu­laires de fœtus vic­times d’avortements volon­taires ».[1]

Le débat sur l’utilisation de lignées cel­lu­laires pro­ve­nant d’avortements volon­taires pour tes­ter et/ou pro­duire des vac­cins (ou « pré­ten­dus vac­cins ») est deve­nu une affaire très contro­ver­sée et très dis­cu­tée, même dans les milieux catho­liques, uni­que­ment à la suite des pro­blèmes de san­té cau­sés par la pro­pa­ga­tion du Sars-Cov‑2. Jusqu’alors, le sujet était trai­té presque exclu­si­ve­ment par des experts en bioé­thique et en théo­lo­gie morale, ou trai­té dans très peu de textes magis­té­riels. Ce sont les cir­cons­tances récentes entou­rant une vac­ci­na­tion de masse inédite qui ont mis la ques­tion sous les feux de la rampe et lui ont don­né une toute nou­velle réso­nance.

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