Numéro 157 : La machine et les rouages
Si le populisme sert encore très fréquemment d’épouvantail dans les milieux intellectuels et médiatiques, le caractère oligarchique de cette présentation réflexe commence à susciter des réactions teintées d’agacement. Gertrude Lübbe-Wolff, professeur émérite de droit à l’Université de Bielefeld, qui fut membre de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, consacre ainsi un bref ouvrage à la « démophobie »[1]. Reprenant très systématiquement les critiques habituellement formulées contre la démocratie directe, elle les retourne contre la démocratie représentative, montrant que les défauts imputés à la première sont également au moins aussi présents chez la seconde, y compris dans ses avatars délibératifs. Sans être révolutionnaires, certains développements de ce bref essai sont rafraîchissants : évoquant par exemple le risque de manipulation du peuple dans la démocratie directe, l’auteur insiste sur l’influence des intérêts financiers et du lobbying sur les décisions prises par les institutions représentatives : « Là où les parlements et les gouvernements prennent des décisions, les cercles puissants exercent une influence particulièrement importante sur les décisions politiques[2] », et rappelle que les premières procédures de démocratie directe contemporaines ont été précisément introduites pour faire échec aux dérives oligarchiques des partis en place.
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La Rédaction : François Hou, Chapitres et société en Révolution (lecture)
L’histoire de la Révolution ne déchaîne plus les discussions passionnées d’il y a quelques décennies encore. D’aucuns y verront les progrès, dans le public, d’une compréhension plus équanime de la période. Il nous chagrinerait que ce soit plutôt l’ignorance qui fasse son œuvre. Car ce serait dommage : la période a encore beaucoup à nous apprendre. Témoin l’ouvrage majeur*, tiré d’une thèse, écrite par un normalien qui a soutenu en 2019 à l’université Paris‑I sous la direction de Philippe Boutry, spécialiste de l’histoire religieuse du XIXe siècle. L’auteur, François Hou, a mené des recherches d’archives titanesques pour reconstituer le destin, avant et après la révolution, des chanoines d’une douzaine de diocèses français, choisis pour représenter toute la diversité de la France en termes de ferveur, de sociologie, de politique, etc.
La première partie reconstitue tout le débat de l’époque autour de l’institution du chapitre, ce « sénat de l’Église » (Concile de Trente), « conseil-né » de l’évêque, qui n’en a pas moins un pouvoir monarchique. La période considérée est le moment d’un débat ecclésiologique majeur et de sa résolution – thème qu’avait étudié, en son temps, l’abbé Plongeron. La rupture politique vient radicaliser les idées et surtout les forcer à passer à l’acte, c’est-à-dire à se confronter aux faits. (suite…)
Père Serafino Maria Lanzetta : Le Synode et la méthode pastorale (partie 3)
Avec la déclaration Fiducia supplicans (FS) du 18 décembre 2023, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, avec une certaine précipitation par rapport aux récents résultats du Synode, a demandé au pape François, ex audientia, d’approuver de nouvelles bénédictions, créées ad hoc « pour les couples en situation irrégulière » et « pour les couples de même sexe ». Dans les deux cas l’accent est mis sur le « couple ». Pour placer cela au niveau du principe, et ainsi en justifier moralement les actes, on tente de séparer l’aspect liturgique de la bénédiction d’un aspect antécédent, « théologique » mais non rituel. Avec quels résultats ? (suite…)
Père Serafino Maria Lanzetta : Synode sur la synodalité. Post-scriptum (partie 2)
L’article ci-dessus a été publié avant la première session « synodale ». Nous avons demandé à l’auteur de bien vouloir rédiger ce post-scriptum pour compléter le commentaire de cet épisode.
La première assemblée romaine du Synode sur la synodalité s’est tenue du 4 au 29 octobre 2023. Officiellement, elle s’est définie comme « XVIe Assemblée ordinaire du Synode des évêques », mais ce n’est pas pour rien qu’elle n’a finalement pas été appelée ainsi. En effet, il ne s’agissait pas seulement d’un synode où les évêques ont eu le droit de vote sur les questions concernant la foi, la morale et la pratique pastorale de l’Église, mais où ce même droit de vote a été également étendu aux laïcs, qui étaient ainsi assimilés de jure aux évêques. Tel est l’objectif de la nouvelle logique synodale qui vise à reconstituer l’Église sur le modèle de la synodalité, modifiant aussi de la sorte la nature même du Synode des évêques. Dans le Rapport de synthèse de la première session, publié le 28 octobre 2023[1], on aurait pu s’attendre à quelque chose de très perturbant, étant donné qu’à l’ordre du jour figuraient des sujets provocants tels que la bénédiction des couples de même sexe, le diaconat et le sacerdoce féminin, le déclassement du célibat sacerdotal, etc. (suite…)
Père Serafino Maria Lanzetta : Un synode qui vient de très loin (partie 1)
Le texte suivant, dont l’original en italien vient de paraître dans le dernier numéro de la revue Fides catholica, est présenté ici dans une traduction effectuée par nos soins, agréée par son auteur.
Il n’était jamais arrivé qu’un synode discute du synode, c’est-à-dire de lui-même. C’est le cas aujourd’hui, avec un long synode encore en cours, qui a commencé en 2021 et devrait se conclure en 2024 par deux assemblées romaines. Il s’agit d’une réflexion sur la « synodalité », qui est un processus, un programme d’action et une construction de l’Église en marche, passant d’une Église statique, hiérarchique et pyramidale à une Église en mouvement, qui se construit au fur et à mesure, mais en partant de la base et en inversant l’ordre : ceux qui sont en haut doivent être en bas et ceux qui sont en bas doivent être en haut. Le pape François l’a dit dans son discours à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques (17 octobre 2015) : (suite…)