Numéro 156 : La fabrique des droits
Les 16 et 17 février derniers, un colloque a été tenu à notre initiative, avec l’aide bienveillante de l’Institut catholique d’études supérieures (ICES), à son siège de La Roche-sur-Yon, et de quelques-uns de ses collaborateurs et enseignants[1]. Le thème de cette rencontre était ainsi libellé : « La machine et les rouages. Mutations dans le domaine du pouvoir en période « post postmoderne » ». Il faisait ainsi allusion directe au titre d’un livre de l’historien dissident russe Michel Heller, qui, étant alors installé en France et enseignant en Sorbonne, avait publié une analyse particulièrement saisissante du système soviétique et des transformations anthropologiques qu’il avait pour finalité de produire, et qu’il a effectivement produites en son temps : La machine et les rouages. La formation de l’homme soviétique[2]. L’ouvrage était très systématique, passant en revue les différents moyens de destruction de l’homme naturel et religieux pour le transformer en bon homo sovieticus.
Lorsqu’on lit comment cette opération a été réalisée depuis 1917, on peut penser que la méthode employée relevait d’une montée aux extrêmes de la modernité dans sa version marxiste révolutionnaire, brutale et systématique, aujourd’hui reléguée dans le passé, et de toute manière non applicable à l’identique en Occident.
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Père Serafino Maria Lanzetta : Un synode qui vient de très loin
Le texte suivant, dont l’original en italien vient de paraître dans le dernier numéro de la revue Fides catholica, est présenté ici dans une traduction effectuée par nos soins, agréée par son auteur.
Il n’était jamais arrivé qu’un synode discute du synode, c’est-à-dire de lui-même. C’est le cas aujourd’hui, avec un long synode encore en cours, qui a commencé en 2021 et devrait se conclure en 2024 par deux assemblées romaines. Il s’agit d’une réflexion sur la « synodalité », qui est un processus, un programme d’action et une construction de l’Église en marche, passant d’une Église statique, hiérarchique et pyramidale à une Église en mouvement, qui se construit au fur et à mesure, mais en partant de la base et en inversant l’ordre : ceux qui sont en haut doivent être en bas et ceux qui sont en bas doivent être en haut. Le pape François l’a dit dans son discours à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques (17 octobre 2015) : (suite…)
Voici un ouvrage curieux, traduit par Paul de Lacvivier sur l’original japonais, publié en 2012 par Yûichirô Ôoka. L’évocation de la figure d’Henri Bernard, qui fut le juge envoyé par le gouvernement français pour participer au Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient (connu sous le nom de Tribunal de Tokyo) pour juger les crimes imputés à vingt-huit hauts responsables militaires et politiques japonais, est l’occasion de riches réflexions qui se situent aux confins du droit pénal, du droit international, et de la philosophie du droit. L’itinéraire intellectuel de l’auteur, journaliste de la télévision japonaise, et visiblement francophile, l’a porté à s’intéresser à l’histoire de son propre pays, dont il estime que les Japonais d’après-guerre ont été délibérément privés, à la faveur de l’épuration intellectuelle et universitaire ayant suivi la défaite du Japon, de la censure stricte et de la « rééducation démocratique » mises en œuvre pendant la période d’occupation par le gouvernement militaire américain (1945-1952)[1], et poursuivies depuis. Le Tribunal de Tokyo, qui a siégé à partir de 1946 et a rendu son verdict en 1948, a été l’objet de travaux de recherche en nombre bien moins important que ceux suscités par le Tribunal de Nuremberg qui a jugé les dirigeants civils et militaires du Troisième Reich. (suite…)
Bernard Dumont : Métamorphose du synode
Recension de Carlo Fontappiè, Metarmofosi della sinodalità, Dal Vaticano II a papa Francesco, Marcianum Press (Studium), Venise, 2023, 117 p., 13 €
L’auteur enseigne le droit canon à l’Université Roma Tre et est membre associé de l’EHESS (Droit et Société). Il commence par la genèse de la promotion de l’idée de synodalité, un concept « devenu aujourd’hui vague et indéterminé, ou si l’on préfère, quelque chose d’extrêmement élastique et de passe-partout ». Dans son acception contemporaine, il en voit l’origine lointaine dans l’Action catholique, avec sa « promotion du laïcat », ou plutôt d’un certain laïcat de « militants », au sein d’une structure axée en principe sur le « religieux d’abord » plutôt que sur l’insertion dans le temporel. C’est en s’appuyant sur le tremplin de la collégialité conciliaire que sont apparues progressivement, notamment à partir de la Hollande des années 1966-70, des assemblées tendant à implanter certaines formes de débats démocratiques dans l’Église, et, parallèlement, une importante production théologique sur la question. Carlo Fontappiè en offre un tableau très complet, dans le temps comme dans l’espace, depuis la faveur pour l’esprit communautaire oriental (sobornost) jusqu’à la reprise de l’idée profane de gouvernance, c’est-à-dire d’arrangement glissant suppléant le gouvernement revêtu de l’autorité. (suite…)
Louis-Marie Lamotte : Hervé Madelin : La conspiration imaginaire. Brèves remarques sur la Révolution
Agrégé d’anglais, ancien professeur en classes préparatoires, Hervé Madelin se propose dans La conspiration imaginaire ** de livrer une réflexion générale sur le phénomène révolutionnaire moderne en partant d’un fait précis, la condamnation en 1794 pour conspiration d’une famille de négociants malouins, les Magon, qui doit permettre d’éclairer l’ « emballement des choses » (p. 9) qui conduit à la Terreur.
Dans les faits, l’ouvrage d’H. Madelin est double, le rapport entre l’étude du cas des Magon et les réflexions sur la signification des révolutions modernes n’étant pas toujours évident. En s’appuyant principalement sur les travaux d’érudition existants, l’auteur reconstitue l’itinéraire des membres des différentes branches de la famille Magon, devenue depuis le xviie siècle la famille la plus prestigieuse de l’élite marchande de Saint-Malo, alliée à la fin de l’Ancien Régime à d’anciens lignages de la noblesse bretonne. (suite…)