Revue de réflexion politique et religieuse.

Synode sur la syno­da­li­té. Post-scrip­tum (par­tie 2)

Article publié le 29 Déc 2023 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

L’article ci-des­sus a été publié avant la pre­mière ses­sion « syno­dale ». Nous avons deman­dé à l’auteur de bien vou­loir rédi­ger ce post-scrip­tum pour com­plé­ter le com­men­taire de cet épi­sode.

La pre­mière assem­blée romaine du Synode sur la syno­da­li­té s’est tenue du 4 au 29 octobre 2023. Offi­ciel­le­ment, elle s’est défi­nie comme  « XVIe Assem­blée ordi­naire du Synode des évêques », mais ce n’est pas pour rien qu’elle n’a fina­le­ment pas été appe­lée ain­si. En effet, il ne s’a­gis­sait pas seule­ment d’un synode où les évêques ont eu le droit de vote sur les ques­tions concer­nant la foi, la morale et la pra­tique pas­to­rale de l’É­glise, mais où ce même droit de vote a été éga­le­ment éten­du aux laïcs, qui étaient ain­si assi­mi­lés de jure aux évêques. Tel est l’ob­jec­tif de la nou­velle logique syno­dale qui vise à recons­ti­tuer l’É­glise sur le modèle de la syno­da­li­té, modi­fiant aus­si de la sorte la nature même du Synode des évêques. Dans le Rap­port de syn­thèse de la pre­mière ses­sion, publié le 28 octobre 2023[1], on aurait pu s’at­tendre à quelque chose de très per­tur­bant, étant don­né qu’à l’ordre du jour figu­raient des sujets pro­vo­cants tels que la béné­dic­tion des couples de même sexe, le dia­co­nat et le sacer­doce fémi­nin, le déclas­se­ment du céli­bat sacer­do­tal, etc. Au milieu des tiraille­ments syno­daux, les orga­ni­sa­teurs ont ren­con­tré des dis­sen­sions non négli­geables sur ces ques­tions déran­geantes, de sorte que le docu­ment final a été affa­di. L’a­cro­nyme LGBTQ+ si cher au par­ti du père James Mar­tin, pour­tant majo­ri­taire, n’est même pas men­tion­né. Il est dit que les recherches sur l’ac­cès des femmes au dia­co­nat se pour­suivent et, par une ques­tion rhé­to­rique et déli­bé­ré­ment ambi­guë, il est éga­le­ment dit que cer­tains se demandent si la conve­nance théo­lo­gique du céli­bat devrait aus­si se tra­duire par une obli­ga­tion dis­ci­pli­naire. Comme si la dis­ci­pline ne dépen­dait pas de la théo­lo­gie et sur­tout de la doc­trine.

Est-ce une marche arrière par rap­port aux desi­de­ra­ta atten­ti­ve­ment étu­diés, selon une méthode lis­sée dans les moindres détails ? Cela ne semble pas être le cas. Il s’agit plu­tôt d’une réorien­ta­tion. En effet, le docu­ment confirme la vision de fond désor­mais connue, que nous ana­ly­se­rons plus avant : le Synode est une méthode qui opère à long terme pour déclas­ser la foi au pro­fit de la pra­tique pas­to­rale, cela sur des ques­tions intou­chables si on les consi­dère dans leur cadre dog­ma­tique, mais qui, par rap­port à l’époque et aux exi­gences du moment, peuvent don­ner lieu à des dis­po­si­tions nou­velles, quoique hété­ro­doxes. Une expres­sion de cette méthode, qui résume le sens des docu­ments pré­cé­dents, est ce qui est dit au para­graphe 15 ali­néa g du Rap­port de syn­thèse : la grande tra­di­tion théo­lo­gi­co-morale et magis­té­rielle n’est plus en mesure de com­prendre les chan­ge­ments anthro­po­lo­giques actuels, et donc, c’est avec l’aide des sciences qu’il est néces­saire de s’ou­vrir à de nou­velles études, sans céder à des juge­ments sim­pli­fi­ca­teurs qui pour­raient être offen­sants. En quelques lignes, toute la sagesse du Magis­tère sur les ques­tions éthi­co-morales, seule capable de se pro­non­cer sur la bon­té ou la faus­se­té morale des actes humains, est mise de côté pour s’ou­vrir à une nou­velle métho­do­lo­gie, celle d’une théo­lo­gie qui accueille en son sein les don­nées des autres sciences, en se lais­sant chan­ger par elles. C’est d’ailleurs ce que dit le nou­veau motu pro­prio Ad theo­lo­giam pro­mo­ven­dam du 1er novembre 2023, et ce qui est déjà appa­ru dans deux actes d’une grande per­ti­nence : les réponses de Fran­çois aux cinq nou­veaux dubia qui lui ont été sou­mis par cinq car­di­naux[2], et ce qu’a dit le récent Dicas­tère pour la Doc­trine de la Foi à pro­pos de la pos­si­bi­li­té, entre autres, qu’un trans­sexuel soit bap­ti­sé[3] et qu’un couple homo-affec­tif pré­sente « son » enfant au bap­tême. Ce qui est éton­nant, dans ces deux der­niers cas, au-delà des réponses elles-mêmes, c’est l’ou­ver­ture à la béné­dic­tion des couples homo­sexuels (avant même que cela ne soit dis­cu­té pen­dant le Synode) et l’ac­cep­ta­tion de termes issus de la culture radi­cale contem­po­raine, incor­po­rés de force dans le patri­moine théo­lo­gique et donc bap­ti­sés eux-mêmes, don­nant effet dans la pra­tique à ce que le Synode et son esprit exi­geaient. Une syno­da­li­té qui, même si elle n’est pas très claire et reste encore inex­pri­mée au niveau théo­rique, le devient de plus en plus au niveau pra­tique. Avec des déci­sions ex offi­cio qui ne sont pas non plus très syno­dales.

[1]. Cf. https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2023/11/Rapport_synthese_-Synode_synodalite_oct2023.pdf

[2]. Cf. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_risposta-dubia-2023_fr.pdf. Ces réponses font tou­te­fois abs­trac­tion d’une autre demande d’éclaircissement for­mu­lée par les Car­di­naux à la suite des réponses du Pape parce qu’elles sont consi­dé­rées éva­sives et trom­peuses par rap­port aux pro­blèmes sou­le­vés. Texte com­plet : https://www.ilpensierocattolico.it/new/wp-content/uploads/2023/10/I‑nuovi-Dubia-ed-il-Sinodo-della-discordia.pdf

[3]. Réponses ren­dues publiques le 3 novembre 2023. Cf. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_ddf_20231031-documento-mons-negri.pdf.

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