Revue de réflexion politique et religieuse.

Fin d’une ten­ta­tive de conci­lia­tion

Article publié le 4 Jan 2022 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

[Note : le texte sui­vant a été publié dans le numé­ro 153. Un dys­fonc­tion­ne­ment d’im­pres­sion ayant élu­dé l’en­semble de ses notes de bas de page, il est ici publié en ver­sion inté­grale et réta­blie]

Tra­di­tio­nis cus­todes, la lettre apos­to­lique en forme de motu pro­prio du pape Fran­çois « sur l’usage de la litur­gie romaine anté­rieure à la réforme de 1970 », a frap­pé par les res­tric­tions pra­tiques dras­tiques qu’elle contient. La lettre aux évêques l’accompagnant énonce le terme visé : l’extinction de la messe célé­brée selon l’usus anti­quior, ce qui, plus que le ton abrupt que tous ont noté, fait de ces res­tric­tions un chan­ge­ment de cap radi­cal. Mais quel en est le fon­de­ment ? Nombre de réci­pien­daires, sou­vent pour s’en déso­ler ou s’en décla­rer exempts, se foca­lisent sur l’accusation d’une col­lu­sion entre mis­sel ancien et refus du concile Vati­can II et du magis­tère pos­té­rieur. C’est se trom­per sur l’importance de ce motif effec­ti­ve­ment invo­qué. Il est second et, pour le bien com­prendre dans la logique du motu pro­prio, il convient de rele­ver une pre­mière oppo­si­tion, plus fon­da­men­tale, à la source du rai­son­ne­ment de Tra­di­tio­nis cus­todes. Cela, qui n’apparaît qu’en fili­grane dans la lettre d’accompagnement adres­sée aux évêques, se trouve déve­lop­pé par celui qu’à bon droit on consi­dère comme l’un des ins­pi­ra­teurs du docu­ment papal et son inter­prète le plus auto­ri­sé, à savoir Andrea Grillo[1]. C’est ain­si un com­men­taire sur trois niveaux –  le motu pro­prio lui-même, la lettre qui l’accompagne, l’explicitation d’Andrea Grillo – que nous nous pro­po­sons d’entreprendre, avec pour centre l’article 1er du motu pro­prio, dans le par­ti pris assu­mé d’un accord sub­stan­tiel entre les deux pre­miers et le troi­sième niveau.

L’énoncé simple et lapi­daire de cet article ini­tial (les livres litur­giques issus de Vati­can II sont « la seule expres­sion de la lex oran­di du rite romain ») pour­rait n’apparaître que comme un contre-pied, sans por­tée par­ti­cu­lière, du motu pro­prio pré­cé­dent, Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum, publié en 2007 par Benoît XVI. Ce der­nier posait en effet deux expres­sions ou formes de l’unique rite romain, l’une ordi­naire, l’autre extra­or­di­naire. On pour­rait s’arrêter ici… sauf que vient une ques­tion : que signi­fie, pour le mis­sel pro­mul­gué par saint Pie V – l’ancien, ou vetus ordo –, cette dis­pa­ri­tion, dans la lex oran­di, d’une expres­sion, la seconde, l’extra­or­di­naire ? Car c’est un fait patent, et c’est de ceci dont nous vou­lons par­tir : le vetus ordo ne reçoit plus aucune qua­li­fi­ca­tion dans Tra­di­tio­nis cus­todes. Une ana­lyse assez rapide mon­tre­ra que, loin d’être le pro­duit d’une rédac­tion mal­adroite, fau­tive ou même volon­tai­re­ment bru­tale, cette omis­sion a un sens pré­cis. Elle porte en fait une signi­fi­ca­tion double, que nous vou­drions mettre au jour, pour – disons-le tout de suite – en contes­ter l’exactitude : pre­miè­re­ment, le mis­sel ancien n’aurait plus d’existence auto­nome, il serait dans une dépen­dance totale du nou­veau mis­sel, ce qui appelle sa dis­pa­ri­tion ; en second lieu, cette dépen­dance se dou­ble­rait d’une oppo­si­tion avec le prin­cipe qui a pré­si­dé à la réforme vou­lue par le concile Vati­can II. Com­man­dée par le mou­ve­ment ordi­naire de la tra­di­tion litur­gique, la dis­pa­ri­tion du mis­sel ancien serait aus­si ren­due posi­ti­ve­ment néces­saire par l’affirmation de la par­ti­ci­pa­tion de l’assemblée comme réa­li­té cen­trale de la litur­gie.

La lettre du pape Fran­çois accom­pa­gnant son motu pro­prio dénonce une inter­pré­ta­tion large de Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum – non conforme à l’intention de Benoît XVI, est-il écrit, ce qui est contes­table –, celle d’ « une uti­li­sa­tion paral­lèle » des deux mis­sels, d’une sorte d’équivalence auto­ri­sant un libre choix des prêtres ou des assem­blées. Cette situa­tion anar­chique – nous revien­drons plus loin sur ce terme –, pour­suit la lettre, a été l’occasion, voire a sus­ci­té des atteintes à la com­mu­nion dans l’Église, à tra­vers cri­tiques ou refus du concile Vati­can II. Après qua­torze années d’application de Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum, force est de consta­ter, conclut-elle, que la com­mu­nion dans l’Église exige la réaf­fir­ma­tion la plus claire que le novus ordo est, seul, l’expression ordi­naire de la litur­gie.

Un détour  est ici néces­saire pour entendre comme il convient ce der­nier adjec­tif. Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum n’était pas d’une grande clar­té concep­tuelle en rai­son jus­te­ment de l’ambiguïté du sens à don­ner à  cet adjec­tif « ordi­naire » et à son cor­res­pon­dant « extra­or­di­naire », pour qua­li­fier les deux formes évo­quées du rite romain. Fal­lait-il entendre le pre­mier comme un syno­nyme de « com­mun » ? Dès lors, la dis­tinc­tion des deux formes aurait ren­voyé à un usage plus ou moins répan­du de l’un ou l’autre mis­sel. Ou, plus proche de l’étymologie latine, « ordi­naire » fai­sait-il réfé­rence à l’ordo, à ce qui lui est conforme ? La forme « extra­or­di­naire » aurait ain­si été ce qui se trou­vait sur les bords, à la marge de l’ordo. Mais alors la for­mule du pre­mier article de Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum : « expres­sion extra­or­di­naire de la lex oran­di », son­ne­rait presque comme un oxy­more en asso­ciant « extra­or­di­naire » à « lex ». À moins que, par anti­phrase, cela ne dési­gnât un autre ordo… D’ailleurs, en pra­tique, la récep­tion du motu pro­prio de Benoît XVI a oscil­lé, selon les lieux et les évêques, entre, au plus large, un qua­si « paral­lé­lisme rituel » (Grillo, 21 juillet 2021), et, au plus strict, une logique de conces­sion aus­si peu géné­reuse que durant la période pré­cé­dente. Tra­di­tio­nis cus­todes, en reje­tant qu’il y ait deux formes, pose que le mis­sel de Paul VI est ordi­naire dans les deux sens du terme, et ce de manière exclu­sive, sans qu’une place – quelle qu’elle soit – puisse être accor­dée à une autre expres­sion. Disons-le autre­ment : le récent motu pro­prio super­pose exac­te­ment, sans jeu de l’une vis-à-vis d’une autre, trois réa­li­tés : la lex oran­di, le rite romain, le novus ordo. Certes, l’existence d’autres rites est recon­nue, y com­pris dans l’Église latine ; tou­te­fois, dans le cadre du rite romain, le recou­vre­ment des trois réa­li­tés ne souffre aucun écart.

Il en est ain­si, est-il écrit en sub­stance, parce que le concile Vati­can II, exer­çant en son plus haut degré la fonc­tion magis­té­rielle, a reçu et trans­mis la Tra­di­tion, ici litur­gique. Les prin­cipes de res­tau­ra­tion et de réforme de la litur­gie énon­cés par la consti­tu­tion Sacro­sanc­tum conci­lium ont conduit, quelques années plus tard, par le tra­vail des com­mis­sions nom­mées par Paul VI, à la pro­mul­ga­tion de nou­veaux livres litur­giques. Le motu pro­prio, selon la lettre d’accompagnement, entend « réta­blir cette uni­té de toute l’Église de rite romain », en don­nant au novus ordo de pou­voir exer­cer sa « fonc­tion uni­fi­ca­trice dans l’Église ». Les res­tric­tions appor­tées à l’usage du mis­sel ancien lèvent les obs­tacles à cet exer­cice et pré­parent l’unité effec­tive dans la célé­bra­tion selon un seul mis­sel.

Les déve­lop­pe­ments qu’Andrea Grillo apporte per­mettent de révé­ler, dans cette des­crip­tion papale, la double oppo­si­tion, évo­quée plus haut, entre les deux mis­sels. En pre­mier lieu, le vetus ordo, affirme le pro­fes­seur de Saint-Anselme, n’est pas seule­ment une forme anté­rieure du rite romain dont le mis­sel de Paul VI est l’expression actuelle : il est « cette forme du rite romain que le Concile Vati­can II a déci­dé de réfor­mer » (Grillo, 21 juillet 2021), d’où il découle qu’il « n’a plus d’existence auto­nome » (Grillo, 16 juillet 2021), qu’il existe en dépen­dance du nou­veau, comme une sur­vi­vance tem­po­raire qu’explique la bien­veillance des pas­teurs face à cer­taines réti­cences de fidèles et de prêtres, mais qui ne sau­rait per­du­rer au regard de l’histoire de la litur­gie. Dès lors, ne pas accep­ter ce mou­ve­ment, c’est s’opposer au concile et à l’Église. C’est le mal­heur de Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum que d’avoir été l’occasion et, à cer­tains égards, la matrice de ce refus. Ain­si, le pro­blème fon­da­men­tal, dans cette optique, n’est pas que des per­sonnes atta­chées au mis­sel ancien se montrent oppo­sées au concile Vati­can II ; il est que l’attachement, plus pré­ci­sé­ment l’attachement indé­fec­tible, au mis­sel ancien porte en soi un refus du concile. S’y sont accro­chées ensuite d’autres réti­cences et cri­tiques, selon une cer­taine conni­vence – qui se res­semble s’assemble… – dont, peut-être[2], ni Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum, ni ceux qui aujourd’hui font pro­fes­sion d’adhésion totale au concile Vati­can II, n’ont eu conscience.

Ici, deux pas­sages de la lettre accom­pa­gnant Tra­di­tio­nis cus­todes sonnent avec un éclat par­ti­cu­lier. D’un côté, les évêques reçoivent la mis­sion de « pour­voir au bien de ceux qui sont enra­ci­nés dans la forme de célé­bra­tion pré­cé­dente et ont besoin de temps pour reve­nir au Rite romain pro­mul­gué par les saints Paul VI et Jean-Paul II » ; de l’autre côté, fidèles et prêtres atta­chés à l’ancien mis­sel doivent recon­naître que « [q]uiconque désire célé­brer avec dévo­tion selon la forme litur­gique anté­cé­dente n’aura aucune dif­fi­cul­té à trou­ver dans le Mis­sel Romain réfor­mé selon l’esprit du Concile Vati­can II, tous les élé­ments du Rite romain, en par­ti­cu­lier le canon romain, qui consti­tue un des élé­ments les plus carac­té­ris­tiques »[3].

L’ampleur de la rup­ture entre 2007 et aujourd’hui ne tient donc pas à un seul rai­dis­se­ment dis­ci­pli­naire pre­nant le pas sur une réelle libé­ra­li­té. L’écart entre les deux dis­po­si­tifs juri­diques est plus pro­fond. Les mesures pra­tiques en découlent. La pre­mière d’entre elles est, pour les prêtres, la dégra­da­tion d’un droit uni­ver­sel­le­ment recon­nu en une conces­sion (art. 5), dont la tona­li­té du texte indique qu’elle sera accor­dée avec par­ci­mo­nie. Plus encore, pour les prêtres ordon­nés après l’entrée en vigueur de Tra­di­tio­nis cus­todes, c’est-à-dire après le 16 juillet 2021, la conces­sion de l’évêque ne suf­fi­ra pas et un avis sera deman­dé au Siège romain (art. 4). L’interdiction de la créa­tion de nou­veaux groupes (art. 3 §6) sous-entend d’ailleurs qu’on n’aura pas besoin de prêtres nom­breux. Com­ment en irait-il autre­ment, puisque ce mis­sel ancien est appe­lé à dis­pa­raître, étant la forme que le concile a réfor­mée ?

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L’obsolescence, voi­là le pre­mier sens de l’omission du mis­sel ancien dans l’article 1er de Tra­di­tio­nis cus­todes. Il nous faut pour­suivre vers la seconde signi­fi­ca­tion de la for­mu­la­tion lapi­daire d’une « seule expres­sion de la lex oran­di du rite romain ». Le cadre concep­tuel de Tra­di­tio­nis cus­todes ne déclare en effet pas uni­que­ment qu’il va (ou devrait aller) de soi que les formes anciennes d’un rite cèdent la place à la nou­velle. Ne ferait-il que cela qu’en théo­rie on en tom­be­rait d’accord : la pré­sence conjointe de deux états qui auraient dû se suc­cé­der dans le temps est un cas unique dans l’histoire de la litur­gie romaine. Il y a tou­te­fois davan­tage, c’est-à-dire non pas une coexis­tence incon­grue, mais ce qu’il faut appe­ler, même sous un mode mineur, une oppo­si­tion – c’est la seconde annon­cée. En effet, peut-on lire, le prin­cipe fon­da­men­tal de la réforme deman­dée par les pères conci­liaires a été « celui de la par­ti­ci­pa­tion pleine, consciente et active de tout le Peuple de Dieu à la litur­gie » (lettre accom­pa­gnant le motu pro­prio)[4]. C’est aus­si, conti­nue Andrea Grillo, sur le plan de cette par­ti­ci­pa­tion que les deux états du mis­sel romain se contre­disent l’un l’autre. L’ancien, dit-il, était cen­tré sur le prêtre, à tra­vers notam­ment les pres­crip­tions d’un ritus ser­van­dus qui vou­lait évi­ter erreurs et abus qui enta­che­raient la messe d’invalidité, de sacri­lège ou de négli­gence fau­tive. Le nou­veau, lui, est struc­tu­ré par un ritus cele­bran­di de l’assemblée, qui ne se réduit pas à des rubriques : « Le NO [novus ordo] intro­duit des “usages plus com­plexes“ du rite romain, qui font appel à l’action, à la res­pon­sa­bi­li­té et à la parole non seule­ment du “prêtre”, mais de toute l’assemblée. D’où, struc­tu­rel­le­ment, la non-com­pa­ra­bi­li­té entre VO [vetus ordo] et NO. Il s’agit de deux phases de déve­lop­pe­ment du rite romain, qui ne peuvent se pro­duire simul­ta­né­ment, sauf dans des cas excep­tion­nels, et qui sont vouées à l’extinction. » (Grillo, 24 juillet 2021) Le concile a invi­té, et les nou­veaux livres litur­giques la mettent en œuvre, à une « sagesse de la célé­bra­tion [qui] ne peut être plei­ne­ment prise en compte, si l’on laisse sub­sis­ter une lec­ture clé­ri­cale, sépa­rée et for­ma­liste de la litur­gie. Le rejet du VO est un impé­ra­tif du Concile Vati­can II, afin qu’un nou­vel “ars cele­bran­di”, qui ne concerne pas seule­ment les prêtres, mais en son fon­de­ment aus­si l’assemblée, façonne de manière nou­velle la prière et l’Église » (ibid). Trans­pa­raît, dans cette der­nière cita­tion, quelque chose comme l’influence, chez les prêtres, de la manière de célé­brer deman­dée ou induite par le vetus ordo, sur la manière de célé­brer dans le novus, que ce soit chez ceux qui usent des deux mis­sels ou chez ceux qui rem­plissent les blancs du ritus ser­van­dus du prêtre dans le nou­veau mis­sel par les normes et pra­tiques de l’ancien, au nom de la cou­tume. Cette double exem­pla­ri­té n’est pas accep­table, assène Grillo, parce qu’elle contre­dit l’opposition entre deux com­pré­hen­sions de la messe, cen­trée sur le Sacri­fice rédemp­teur d’un côté, comme assem­blée célé­brante sous la pré­si­dence d’un prêtre de l’autre.

Peut-on cepen­dant concé­der au vetus ordo quelque chose, dont le novus pour­rait tirer pro­fit ? Oui, répond le théo­lo­gien : la mise en œuvre du mis­sel de Paul VI, en rai­son de la géné­ra­li­sa­tion de la langue ver­na­cu­laire, a négli­gé le non-ver­bal dans le culte, ce qui a appau­vri sa dimen­sion sym­bo­lique et rituelle. Les célé­bra­tions selon l’usus anti­quior accor­daient de fac­to – la langue latine n’étant plus com­prise du com­mun des fidèles – une place plus grande aux gestes et au silence, aux atti­tudes cor­po­relles, aux cou­leurs et aux odeurs, etc. Cepen­dant, qu’on y prenne garde : il n’y a pas à recher­cher quelque enri­chis­se­ment mutuel que ce soit entre les deux mis­sels ; il s’agit de recon­naître que le rite romain dans son expres­sion unique se déploie­rait plei­ne­ment, du point de vue de sa richesse sym­bo­lique comme au regard de la requête ecclé­siale et pas­to­rale de par­ti­ci­pa­tion, s’il arti­cu­lait davan­tage « “forme ver­bale” et “forme rituelle” ». La lumière du pas­sé en pro­ve­nance du vetus ordo peut y contri­buer, à titre de rap­pel, moins que d’exemple d’ailleurs. En effet, « la sagesse ecclé­siale [pré­pa­re­ra] de nou­veaux ins­tru­ments théo­riques et de bonnes pra­tiques com­munes » de « l’unique forme du rite romain, indi­vise et cohé­rente en elle-même », bien que « ni uni­voque ni mono­corde » (Grillo, 20 juillet 2021). On rejoint les « usages plus com­plexes » appe­lés par le mis­sel de Paul VI. Ceux-ci sont ain­si consti­tu­ti­ve­ment empreints d’adaptation et de créa­ti­vi­té. Le mis­sel en com­prend d’ailleurs la matrice par une plu­ra­li­té récur­rente dans les textes (lec­tion­naire, pré­faces, prières eucha­ris­tiques, etc.) ouvrant un choix assez libre et même, pour cer­taines moni­tions, par la pos­si­bi­li­té d’improviser lais­sée au prêtre ; ces deux aspects étant gui­dés par le soin pas­to­ral envers l’assemblée réunie sur le moment. Une autre assem­blée condui­rait à d’autres choix. Et ain­si de suite.

Si la par­ti­ci­pa­tion et la célé­bra­tion de l’assemblée doivent être telles, au nom d’un prin­cipe cen­tral et intan­gible de la réforme vou­lue par le concile Vati­can II, il est alors clair que le mis­sel ancien ne sau­rait y être plié. On ne voit pas quels amé­na­ge­ments pour­raient être mis en œuvre pour ce faire. C’est aus­si cette oppo­si­tion fon­cière que contient l’article 1er de Tra­di­tio­nis cus­todes, inter­pré­té par la lettre d’accompagnement et les réflexions d’Andrea Grillo. Elle pose une incom­pa­ti­bi­li­té, dans la lex oran­di, entre le mis­sel ancien et un prin­cipe majeur de la litur­gie mis en avant par Vati­can II. Elle ren­force la pre­mière des oppo­si­tions rele­vées, celle entre ce même mis­sel comme état ancien et réfor­mé du rite romain et la conti­nui­té du rite romain que porte le mis­sel nou­veau en tant qu’il a été deman­dé par le concile.

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On le voit, les motifs qui amènent à faire dis­pa­raître le mis­sel ancien, dans l’article 1er, puis – les autres articles ayant pro­duits leurs effets – dans la vie et la prière de l’Église, sont d’une ampleur consi­dé­rable. Ils pré­tendent à un conte­nu théo­lo­gique et litur­gique rigou­reux, au regard duquel cer­taines réac­tions au motu pro­prio paraissent faibles, irre­ce­vables même. Non qu’elles soient dénuées de toute valeur : elles mettent en évi­dence notam­ment des élé­ments posi­tifs de la période pas­sée, que passe sous silence le récent motu pro­prio, ajou­tant par là à sa dure­té. Tou­te­fois elles res­tent dans les caté­go­ries de Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum, sans s’apercevoir ou prendre réso­lu­ment acte qu’elles ont été bou­le­ver­sées de fond en comble. Citons-en quelques-unes, de trois sortes.

Mettre en avant, comme cela est fait, les fruits nom­breux des com­mu­nau­tés atta­chées au vetus ordo, les situa­tions apai­sées dans les dio­cèses où elles se trouvent, pro­cla­mer que l’unité de l’Église est ain­si déjà chose effec­tive, puis insi­nuer ou décla­rer que le récent motu pro­prio est inutile et néfaste, voi­là un constat qu’on ne peut contes­ter de but en blanc, mais qui, réduit à lui-même, c’est-à-dire pla­çant l’analyse sur un plan pra­tique et prag­ma­tique, ignore la dimen­sion concep­tuelle du docu­ment visé. Dans un pre­mier temps, certes, il sera de bonne tac­tique d’agir ain­si et le soin pas­to­ral deman­dé semble lui-même pas­ser par cette étape-là. Mais ce n’est qu’un pre­mier stade. Cer­tains estiment que, la bonne volon­té épis­co­pale s’exerçant et la déter­mi­na­tion des fidèles et des prêtres s’affichant, les situa­tions locales, pour la plu­part, ne chan­ge­ront pas. C’est oublier les articles 6 et 7, celui-là pla­çant les ins­ti­tuts de vie consa­crés et les socié­tés de vie apos­to­lique atta­chés au mis­sel sous la com­pé­tence de la Congré­ga­tion pour la vie consa­crée, celui-ci ins­ti­tuant la com­pé­tence de la Congré­ga­tion pour le culte divin sur le vetus ordo : qu’en sera-t-il des actions de ces deux dicas­tères ? Pour l’heure, elles sont plu­tôt craintes… Serait-on ras­su­ré sur ce point que n’en res­te­rait pas moins le prin­cipe fon­da­men­tal, avec sa force de néga­tion. Enfin, ce serait oublier que le motu pro­prio de Benoît XVI ins­ti­tuait une situa­tion cen­sée être, elle aus­si, inter­mé­diaire et tem­po­raire, celle de la coexis­tence de deux mis­sels, si l’on en croit cer­tains textes pri­vés[5]. Avec une réponse toute dif­fé­rente, Fran­çois se place dans le même hori­zon : un seul mis­sel pour le rite romain.

De même, il ne suf­fit pas de ren­voyer à la décla­ra­tion connue de la lettre accom­pa­gnant Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum : « Ce qui était sacré pour les géné­ra­tions pré­cé­dentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrou­ver tota­le­ment inter­dit, voire consi­dé­ré comme néfaste. » Le pro­fes­seur de Saint-Anselme reproche à cet argu­ment de ren­ver­ser et détruire le prin­cipe de la tra­di­tion litur­gique, parce qu’on trou­ve­ra tou­jours des per­sonnes nos­tal­giques d’une forme plus ancienne, qu’on devrait alors recon­naître comme intou­chable pour ce motif. Et de citer les auto­ri­sa­tions qui furent don­nées de célé­brer la Semaine Sainte avec les céré­mo­nies d’avant la réforme de Pie XII. En fait, affirme-t-il, le prin­cipe d’un pas­sé sacré posé par Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum est faible sur un plan théo­lo­gique et dan­ge­reux sur un plan ecclé­sial, il est un prin­cipe d’anarchie, que ne rachète pas le fait d’avoir été énon­cé par l’autorité suprême : il s’agit alors, si l’on peut dire, d’une « anar­chia dell’alto », une anar­chie par le haut (Grillo, 19 juillet 2021). A cer­tains égards, l’argument d’un pas­sé sacré intou­chable reste à un plan affec­tif, res­pec­table, mais dont on convien­dra qu’il ne sau­rait être déci­sif. D’ailleurs, cette pers­pec­tive d’un pas­sé sacré n’est pas sans rap­pe­ler la thé­ma­tique de l’enrichissement des deux mis­sels, à quoi invi­tait Benoît XVI. Or, elle n’est pen­sable que si l’on accorde une cer­taine exis­tence auto­nome à cha­cun des deux mis­sels, ce qui, dixit Tra­di­tio­nis cus­todes, n’est pas le cas, du fait que les livres anciens sont ceux que le concile a vou­lu réfor­mer, réforme dont le mis­sel de Paul VI, les autres rituels et le bré­viaire sont le résul­tat. On ne peut, dès lors, se sous­traire à l’étude de la signi­fi­ca­tion de l’article 1er.

Enfin, d’autres réac­tions font pro­fes­sion de fidé­li­té au concile Vati­can II et au magis­tère pos­té­rieur, décla­rant ne pas se recon­naître dans les « beau­coup » dénon­cés par le pape. Là encore, quoi qu’il en soit de leur sin­cé­ri­té, ces approches négligent le niveau le plus fon­da­men­tal du rap­port entre le rite romain et le concile pro­mu par Tra­di­tio­nis cus­todes : l’attachement au vetus ordo ne peut être que tem­po­raire, et non pas indé­fec­tible. Sinon, quand bien même on aurait fait tel choix, par exemple, sur des sujets débat­tus comme la liber­té reli­gieuse (pour le concile) ou la morale conju­gale (pour le magis­tère pos­té­rieur), l’attachement au mis­sel ancien témoi­gne­rait du double refus dont nous avons par­lé.

Pour finir, une récep­tion du motu pro­prio Tra­di­tio­nis cus­todes ne peut man­quer de consi­dé­rer la réforme litur­gique qui a sui­vi Vati­can II, car elle est la pierre d’angle de l’argumentation qui l’inspire et le sup­porte.

 

Nous voi­ci par­ve­nus, dira-t-on, devant un champ de réflexions et de débats, d’opinions diverses et d’argumentations oppo­sées, trop vaste pour que nous en ten­tions ici ne serait-ce qu’un résu­mé. Mais peu importe pour notre pro­pos : ce que nous enten­dons contes­ter – pour consi­dé­rer la seconde des oppo­si­tions rele­vées, celle entre mis­sel ancien et prin­cipe de la réforme à Vati­can II –, ce n’est pas tant la posi­tion sur la par­ti­ci­pa­tion adop­tée par Andrea Grillo[6] que sa pré­ten­tion à une évi­dence qui conduise de soi et impose une délé­gi­ti­ma­tion du mis­sel ancien comme celle à laquelle on abou­tit dans Tra­di­tio­nis cus­todes. On peut alors se conten­ter de rap­pe­ler qu’il existe un débat ancien et non encore réso­lu sur cette par­ti­ci­pa­tion. Et puisque ce motu pro­prio en abo­lit un autre, notons que Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum – plus pré­ci­sé­ment la lettre l’accompagnant – s’appuyait lui aus­si sur une concep­tion de la par­ti­ci­pa­tion, dans la men­tion que le mou­ve­ment litur­gique avait été un ter­reau de l’attachement aux livres litur­giques d’avant la réforme : cet atta­che­ment de beau­coup « s’est pro­duit avant tout dans les pays où le mou­ve­ment litur­gique avait don­né à de nom­breuses de per­sonnes une remar­quable for­ma­tion litur­gique, ain­si qu’une fami­lia­ri­té pro­fonde et intime avec la Forme anté­rieure de la Célé­bra­tion litur­gique ». Mani­fes­te­ment, la par­ti­ci­pa­tion à laquelle on est som­mé de sous­crire n’est pas celle pré­sen­tée par Benoît XVI. Y a‑t-il un argu­ment s’imposant à tous qui déci­de­rait de l’une contre l’autre ? On ne le croit pas. En tout cas, la dicho­to­mie abso­lue posée par Andrea Grillo entre le mis­sel ancien qua­li­fié par un ritus ser­van­dus « clé­ri­cal » et le mis­sel nou­veau se déployant en un ars cele­bran­di de la com­mu­nau­té, appa­raît par­tielle et par­tiale. Sur­tout si l’on note que, en bien des situa­tions, cette par­ti­ci­pa­tion s’épuise dans une mul­ti­pli­ci­té d’interventions de per­sonnes dont, par ailleurs, on cri­tique le sépa­ra­tisme clé­ri­cal vis-à-vis des membres ano­nymes et pas­sifs de l’assemblée à qui l’on impose les déci­sions, non des rubriques d’un mis­sel, mais d’une réunion, un same­di matin, de pré­pa­ra­tion de la messe du len­de­main. À cari­ca­ture, cari­ca­ture et demie…

Sous-jacentes à ces situa­tions ren­con­trées dans cer­taines paroisses, qui débordent du champ litur­gique sur le gou­ver­ne­ment et la vie de celles-ci – avec des accu­sa­tions réci­proques d’abus de pou­voir que se lancent par­fois prêtres d’une géné­ra­tion pos­té­rieure et agents pas­to­raux d’âge plus avan­cé –, se situent des ques­tions autour du sacer­doce bap­tis­mal et minis­té­riel[7], de la hié­rar­chie et du peuple de Dieu et, main­te­nant, de la syno­da­li­té. Ques­tions d’autant moins réso­lues qu’elles sont prises dans une ten­sion pro­blé­ma­tique entre doc­trine et pas­to­rale, inau­gu­rée ou tout au moins pro­mue au pre­mier plan par le concile Vati­can II. Les mises en œuvre et les actes du magis­tère pos­té­rieurs ont balan­cé d’un côté plus doc­tri­nal à un autre, plus pas­to­ral. L’actuel pon­ti­fi­cat s’inscrit réso­lu­ment dans une logique où prime la syno­da­li­té et la pas­to­rale. Tra­di­tio­nis cus­todes doit être lu dans cette dyna­mique par­ti­cu­lière. Le pre­mier article ne peut être alors inter­pré­té que comme la mani­fes­ta­tion d’une rup­ture assu­mée, non seule­ment entre les deux mis­sels, mais entre deux corps de doc­trine sur l’Église, le sacer­doce minis­té­riel, la messe. Rap­pe­lons que, pour sa part, le motu pro­prio de Benoît XVI affir­mait, en-deçà des dif­fé­rences de céré­mo­nies, une uni­té dans la lex oran­di et la lex cre­den­di : « Ces deux expres­sions de la lex oran­di de l’Église n’induisent aucune divi­sion de la lex cre­den­di de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain. »

Cette rup­ture va jusqu’à appa­raître comme un coup de force pro­di­gieux si l’on réin­tro­duit dans la des­crip­tion de la rela­tion entre les deux mis­sels le fait que l’ancien n’a jamais été juri­di­que­ment abro­gé. Andrea Grillo, on l’a vu, réfute que le carac­tère sacré du pas­sé litur­gique et l’attachement de cer­tains à ce pas­sé en jus­ti­fient la per­ma­nence, alors qu’un état pos­té­rieur des livres litur­giques a été pro­mul­gué. On s’accorderait avec lui si l’état anté­rieur ne s’inscrivait aujourd’hui que dans une telle nos­tal­gie affec­tive, esthé­tique. Mais… ce n’est pas le cas du vetus ordo : sa per­ma­nence est fon­dée d’abord sur sa vali­di­té juri­dique, ce que men­tion­nait expli­ci­te­ment Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum. Certes, il aurait dû en aller autre­ment, au regard de l’histoire des livres litur­giques. Le fait est pour­tant là. C’est une grave fai­blesse argu­men­ta­tive de Tra­di­tio­nis cus­todes que de ne pas le men­tion­ner, non pour l’ignorer, mais pour le reje­ter. Mais le rejet impli­cite qu’il opère bute sur le même obs­tacle que la non-décla­ra­tion expli­cite d’abrogation du mis­sel ancien lors de la pro­mul­ga­tion du nou­veau mis­sel par Paul VI : l’implicite n’a pas force de loi. Que Fran­çois décide d’un usage res­treint du mis­sel ancien est une chose, mais la décla­ra­tion qu’il n’est plus une expres­sion de la lex oran­di de l’Eglise, ou que, obso­lète, il ne l’est qu’en dépen­dance du nou­veau mis­sel, en est une autre, bien mal fon­dée (le mis­sel ancien n’est pas abro­gé) ou gra­ve­ment insuf­fi­sante, sans consis­tance ni por­tée (elle ne déclare pas l’abrogation).

De plus, n’étant pas abro­gés – ni hier ni aujourd’hui –, les livres litur­giques anciens per­mettent une admi­nis­tra­tion valide et licite des sacre­ments dans le cadre juri­dique où on les place. Or, comme l’a rap­pe­lé avec grande clar­té le car­di­nal Burke dans sa décla­ra­tion fai­sant suite au motu pro­prio : « Il faut se rap­pe­ler que, d’un point de vue théo­lo­gique, toute célé­bra­tion valide d’un sacre­ment, du fait même qu’il s’agit d’un sacre­ment, est aus­si, au-delà de toute légis­la­tion ecclé­sias­tique, un acte de culte et, par consé­quent, aus­si une pro­fes­sion de foi. En ce sens, il n’est pas pos­sible d’exclure le Mis­sel romain, selon l’Usus Anti­quior, en tant qu’expression valide de la lex oran­di et, par consé­quent, de la lex cre­den­di de l’Église. Il s’agit d’une réa­li­té objec­tive de la grâce divine qui ne peut être chan­gée par un simple acte de la volon­té même de la plus haute auto­ri­té ecclé­sias­tique. »[8]

Le pri­mat de la pas­to­rale a atteint ici un point extrême. L’emphase sur le nou­veau mis­sel qui est l’objet propre du motu pro­prio en est une tra­duc­tion. La répu­dia­tion abso­lue du mis­sel ancien opé­rée indû­ment a pour but d’interdire toute alter­na­tive : le mis­sel ancien direc­te­ment, une inter­pré­ta­tion du mis­sel nou­veau qui n’ordonnerait pas tout à la par­ti­ci­pa­tion (actuo­sa par­ti­ci­pa­tio), c’est-à-dire au pri­mat de la com­mu­nau­té célé­brante.

 

[1]. Andrea Grillo est pro­fes­seur de théo­lo­gie sacra­men­taire à l’u­ni­ver­si­té pon­ti­fi­cale Saint-Anselme. Nous cite­rons ici des textes publiés sur son blog (https://www.cittadellaeditrice.com/munera/come-se-non/ ) après la publi­ca­tion du motu pro­prio. Pour ne pas alour­dir les réfé­rences, nous indi­que­rons sim­ple­ment la date de cha­cun des textes cités.

[2]. Andrea Grillo ne fait pas cré­dit de ce « peut-être » à Sum­mo­rum pon­ti­fi­cum.

[3]. Cette affir­ma­tion d’élé­ments plus ou moins épars, dont l’en­semble devrait satis­faire les fidèles atta­chés au mis­sel ancien, même s’il est struc­tu­ré selon des prin­cipes autres – ceux du nou­veau mis­sel –, est assez stu­pé­fiante. Que le canon romain soit pré­sent dans le mis­sel réfor­mé suf­fit-il ? Les rubriques de ce mis­sel ont sup­pri­mé un nombre consé­quent de signes de croix et de génu­flexions ; elles demandent qu’il soit dit à voix haute. Quant à la sta­tion face au peuple, si elle n’est pas exi­gée, on peut se sou­ve­nir des réac­tions for­te­ment néga­tives à la pro­po­si­tion du car­di­nal Sarah de célé­brer ad orien­tem pour dou­ter qu’on per­met­trait à des prêtres de le faire de manière exclu­sive.

[4]. Ren­voi au para­graphe 48 de la consti­tu­tion Sacro­sanc­tum conci­lium : « Aus­si l’Église se sou­cie-t-elle d’ob­te­nir que les fidèles n’as­sistent pas à ce mys­tère de la foi comme des spec­ta­teurs étran­gers et muets, mais que, le com­pre­nant bien dans ses rites et ses prières, ils par­ti­cipent consciem­ment, pieu­se­ment et acti­ve­ment à l’ac­tion sacrée ».

[5]. « Je crois que dans l’avenir l’Église romaine devra avoir à nou­veau un seul rite : l’existence de deux rites offi­ciels est dans la pra­tique dif­fi­ci­le­ment “gérable” pour les évêques et les prêtres. Le rite romain de l’avenir devrait être un seul rite, célé­bré en latin ou en langue popu­laire, mais entiè­re­ment fon­dé dans la tra­di­tion du rite ancien ; il pour­rait inté­grer quelques nou­veaux élé­ments, qui ont fait leurs preuves, comme de nou­velles Fêtes, quelques nou­velles Pré­faces dans la messe, un Lec­tion­naire élar­gi — un plus grand choix qu’avant, mais pas trop – une Ora­tio fide­lium, c’est-à-dire une lita­nie de prières d’intercession après l’Ore­mus de l’Offertoire, où jadis il avait sa place. » (Lettre au pro­fes­seur Heinz-Lothar Barth, 23 juin 2003 ; trad. franc. introibo.fr/Lettre-au-Dr-Barth-2003).

[6]. On pour­rait se poser encore les ques­tions sui­vantes : La par­ti­ci­pa­tion est-elle le prin­cipe majeur de la réforme vou­lue par le concile ? Sacro­sanc­tum conci­lium devait-il abou­tir au mis­sel de Paul VI ou aurait-il pu conduire à un autre résul­tat ? Les pres­crip­tions du concile et les normes du mis­sel réfor­mé per­mettent-elles de sépa­rer le bon grain de l’i­vraie dans les mises en œuvre actuelles ?

[7]. En matière sacra­men­telle et litur­gique, cela se tra­duit entre autres par la pré­va­lence récente de la qua­li­fi­ca­tion de “pré­si­dence” pour dési­gner l’ac­tion du prêtre tant au regard des concé­lé­brants que de l’as­sem­blée. De même, la nou­velle for­mu­la­tion de l’ac­tion du prêtre qui agit “in per­so­na Chris­ti capi­tis” semble induire que le Christ est essen­tiel­le­ment consi­dé­ré en son Corps mys­tique, c’est-à-dire du point de vue de l’Église, et moins du point de vue de la cau­sa­li­té ins­tru­men­tale dans le sacre­ment qu’est le prêtre, en pro­lon­ge­ment de l’ins­tru­ment que fut la Sainte Huma­ni­té du Sau­veur sur la croix (on par­lait et parle alors d’une action in per­so­na Chris­ti). Cette inflexion a son ori­gine magis­té­rielle dans le décret sur le minis­tère et la vie des prêtres Pres­by­te­ro­rum ordi­nis du concile Vati­can II (cf. n. 2).

[8]. Car­di­nal Burke, « Sta­te­ment on the motu pro­prio Tra­di­tio­nis cus­todes », 22 juillet 2021, https://www.cardinalburke.com/presentations/traditionis-custodes, où l’on trouve la ver­sion ori­gi­nale en anglais, ain­si que le tra­duc­tion en six langues.

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