Revue de réflexion politique et religieuse.

Homo reli­gio­sus

Article publié le 18 Nov 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

L’homme per­çoit dans le sym­bole, exprime dans le mythe, agit dans le rite, l’homme dans son huma­ni­té inté­grale, et non un pri­mi­tif, un sous-déve­lop­pé qui n’a pas accé­dé aux lumières de la rai­son laïque et scien­ti­fique. Voi­là un acquis de l’ethnographie, de l’anthropologie, de la paléon­to­lo­gie, de la socio­lo­gie, de l’histoire des reli­gions, mais aus­si de la psy­cho­lo­gie fon­da­men­tale et cog­ni­tive, de la lin­guis­tique, et l’on pour­rait pour­suivre lon­gue­ment… Il est impos­sible d’étudier l’homme sans enquê­ter sur le sym­bole, qui se trouve à la source de son huma­ni­té dès qu’elle se mani­feste comme telle. Ce que l’on appelle la com­mu­nau­té scien­ti­fique a quit­té depuis long­temps le point de vue ratio­na­liste et maté­ria­liste qui, naï­ve­ment, voyait dans les cultures pri­mi­tives la mani­fes­ta­tion d’une défi­cience scien­ti­fique et dans le com­por­te­ment reli­gieux de nos ancêtres, sous le vocable géné­rique et mépri­sant de super­sti­tion, la crainte irra­tion­nelle devant les forces de la nature dont on ne savait pas encore qu’elles n’étaient que phé­no­mènes d’électricité ou convul­sions géo­lo­giques !
Ce point de vue issu de la suf­fi­sance moderne n’a plus cours que dans le grand public, tou­jours très long à aban­don­ner des a prio­ri datant du XIXe siècle et res­sas­sés indé­fi­ni­ment par des pro­duc­tions ciné­ma­to­gra­phiques oscil­lant entre la fic­tion-science et la science-fic­tion (que l’on songe par exemple au thème des hommes pré­his­to­riques ou aux rap­ports entre les singes et les humains dans un ave­nir inter­pla­né­taire). La science qui se veut digne de ce nom recon­naît dans les phé­no­mènes étu­diés ici des don­nées fon­da­men­tales de l’esprit. Même des repré­sen­tants sérieux de la science phy­sique cherchent aujourd’hui dans le mythe une sorte de nou­velle fon­da­tion.
Le troi­sième volume d’une tri­lo­gie est paru cette année, oeuvre de Julien Ries, un grand éru­dit qui a ensei­gné toute sa vie l’histoire des reli­gions ((. Julien Ries, Sym­bole mythe et rite. Constantes du sacré, Cerf, coll. Patri­moines, jan­vier 2012, 696 p., 49 €.)) . L’intérêt majeur de cet ouvrage est de nous four­nir une impres­sion­nante banque de don­nées sur les reli­gions et les mythes du monde entier, ain­si que sur les auteurs qui ont cher­ché à ras­sem­bler ces don­nées, à les ordon­ner, à élu­ci­der leur signi­fi­ca­tion, tout en optant quant à lui déli­bé­ré­ment pour une clef de recherche qui se situe dans la ligne de l’homo reli­gio­sus. Notre auteur consi­dère, avec Mir­cea Eliade, que c’est la recon­nais­sance immé­diate du divin, du sacré, de la trans­cen­dance, pui­sée à l’origine dans la contem­pla­tion de la voûte céleste, du soleil et des astres, qui carac­té­rise l’expérience fon­da­men­tale de l’humanité, expé­rience à par­tir de laquelle vont s’élaborer une struc­tu­ra­tion de la réa­li­té par le sym­bole et une struc­tu­ra­tion de l’ensemble de l’existence, indi­vi­duelle et sociale, par le mythe, récit vrai qui se rap­porte à un temps pri­mor­dial et dont le but est de réac­tua­li­ser cet âge d’or en opé­rant une rup­ture avec le temps pro­fane, afin de sacra­li­ser l’existence, de la situer logi­que­ment et effec­ti­ve­ment dans le réel trans­cen­dant. Le mythe, c’est le réel : telle est la conclu­sion à laquelle abou­tit ce grand connais­seur de l’histoire des reli­gions qu’est le célèbre cher­cheur rou­main. […]

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