Revue de réflexion politique et religieuse.

No War

Article publié le 29 Oct 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Tagué en glo­bish sur le mur d’une ville quel­conque, le slo­gan n’a pas de sens pré­cis : pro­tes­ta­tion contre la guerre en géné­ral ? contre une inter­ven­tion mili­taire par­ti­cu­lière ? stu­pide confor­misme du pein­tur­lu­reur ? Mais la for­mule est bien choi­sie pour illus­trer la cou­ver­ture d’un petit écrit col­lec­tif ita­lien, au titre inter­ro­ga­tif mais dont on pressent d’avance la réponse : Par­ler de guerre juste a‑t-il encore un sens ? ((. C. Bres­cia­ni, L. Euse­bi (dir.), Ha anco­ra sen­so par­lare di guer­ra gius­ta ? Le recen­ti ela­bo­ra­zio­ni del­la teo­lo­gia morale, EDB, Bologne, 2010, 153 p., 15 €.))  La ligne géné­rale des auteurs est expli­ci­tée à la fin, autour du cri de Paul VI à l’ONU, « plus jamais la guerre », et du Pro­jet de paix per­pé­tuelle de Kant. Un autre petit ouvrage, ita­lien lui aus­si, dû à un jeune cher­cheur romain, Andrea Sal­va­tore, offre une clas­si­fi­ca­tion très fine des paci­fismes, de l’utopie et de l’anarchisme à l’utilitarisme ((. A. Sal­va­tore, Il paci­fis­mo, Caroc­ci, Rome, 2010, 112 p., 10 €. V. du même auteur Gius­ti­zia in contes­to. La filo­so­fia poli­ti­ca di Michael Wal­zer, Liguo­ri edi­tore, Naples, 2010, 260 p., 23,90 €. Le cha­pitre IV de ce der­nier ouvrage détaille la théo­rie de la guerre juste du pen­seur amé­ri­cain.)) . Le « paci­fisme déon­to­lo­gique » (c’est-à-dire ins­pi­ré de manière proche ou éloi­gnée par des prin­cipes reli­gieux) n’en consti­tue qu’une espèce par­ti­cu­lière, mino­ri­taire et sou­vent liée à des sectes ou groupes poli­tiques (Vau­dois, tol­stoïens, Eglise confes­sante alle­mande…) ; lorsqu’il est radi­cal, il condamne abso­lu­ment tout recours à la force mili­taire. A. Sal­va­tore remarque à juste titre que depuis Vati­can II, les prises de posi­tion offi­cielles sur la ques­tion se sont rap­pro­chées de façon asymp­to­tique du paci­fisme abso­lu, sans tou­te­fois fran­chir le pas.
Les rédac­teurs du pre­mier ouvrage men­tion­né illus­trent assez ce para­doxe, qui mani­fes­te­ment les gêne. Ils constatent que sub­siste dans des textes comme le Caté­chisme de l’Eglise catho­lique ou le Com­pen­dium de la doc­trine sociale de l’Eglise – plus récem­ment, dans You­cat – une accep­ta­tion de la guerre juste – au sens moral et non idéo­lo­gique – et à ses condi­tions de licéi­té ((. You­cat, le caté­chisme dis­tri­bué aux JMJ de 2011 à Madrid, est par­ta­gé entre paci­fisme (n. 397 : « Jésus valo­rise beau­coup l’action non vio­lente ») et accep­ta­tion de la guerre juste, dans des termes assez para­doxaux. « Les chré­tiens doivent-ils être paci­fistes ? – L’Eglise lutte pour la paix, mais elle ne prône pas un paci­fisme radi­cal. On ne peut dénier aux citoyens ni aux gou­ver­nants le droit fon­da­men­tal de se défendre légi­ti­me­ment par les armes. Mais la guerre n’est mora­le­ment jus­ti­fiable qu’en der­nier recours. L’Eglise dit un non sans équi­voque à la guerre » (n. 398) ; « Le recours à la force mili­taire n’est admis­sible qu’en cas de légi­time défense. Pour qu’une guerre soit “juste”, il faut qu’elle réponde aux cri­tères sui­vants […] » (n. 399 ; ren­voi est fait au Caté­chisme de l’Eglise catho­lique, 2307–2309 ; on remarque les guille­mets entou­rant le mot juste ; on remarque éga­le­ment que le droit des armes est recon­nu même aux citoyens, ce qui légi­time impli­ci­te­ment le prin­cipe des guerres civiles).)) . Leur effort va donc consis­ter à accen­tuer les res­tric­tions, mais aus­si à joindre à un paci­fisme fon­cier une accep­ta­tion de l’usage de la force armée dans cer­tains cas, au prix, on peut le devi­ner, d’un cer­tain nombre de para­doxes. Ain­si pro­cède le P. Lui­gi Loren­zet­ti, direc­teur de la Rivis­ta di Teo­lo­gia morale (Bologne), avec son très sub­til dis­tin­guo entre « guerre » et « usage des armes ». La théo­rie de la guerre juste est, d’après cet auteur, un signe du condi­tion­ne­ment de l’Eglise par le paga­nisme gré­co-romain. Elle a été sou­te­nue, dit-il, quinze siècles durant, jusqu’à Vati­can II qui l’a aban­don­née en consi­dé­ra­tion des hor­reurs du der­nier conflit mon­dial et de la mon­tée aux extrêmes en matière d’armements. Il ajoute qu’il y a lieu de se repen­tir de l’avoir fait si tard. […]

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