Revue de réflexion politique et religieuse.

L’offre de paix sépa­rée de Charles 1er d’Au­triche

Article publié le 7 Fév 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Czer­nin fait allu­sion aux pour­par­lers Armand/Revertera de l’é­té pré­cé­dent qui avaient eu lieu à sa propre ini­tia­tive. Devant des allé­ga­tions aus­si fausses, la réponse de Cle­men­ceau — qui n’a­vait for­mé son gou­ver­ne­ment que le 16 novembre 1917 — est cin­glante : « Le comte Czer-nin a men­ti ! » S’en suit une guerre par jour­naux inter­po­sés qu’au­cune des par­ties n’a la sagesse d’ar­rê­ter et qui abou­tit à la publi­ca­tion par Cle­men­ceau de la pre­mière lettre impé­riale, mal­gré la parole d’hon­neur qu’a­vaient don­née tant Poin­ca­ré que Ribot de ne pas la divul­guer. Une cam­pagne de presse, géné­reu­se­ment sub­ven­tion­née par Luden­dorff — à l’ex­cep­tion notable de la presse socia­liste et radi­cale — se déchaîne contre l’empereur — auquel on reproche entre autres d’a­voir eu recours à un enne­mi comme émis­saire — et la Monar­chie. La situa­tion de Charles devient pré­caire ((Le prince von Hohen­lohe, ambas­sa­deur de Charles à Ber­lin, avait, le 13 juin 1917, aver­ti Vienne que Guillaume mena­çait d’en­va­hir l’Au­triche et d’oc­cu­per Prague à cause des « <i>menées secrètes autri­chiennes contre l’al­liance aus­tro-alle­mande </i>» (Kovacs, <i>op. cit., </i>p. 178).)) . Il réus­sit, le 14 avril, à se débar­ras­ser de Czer­nin qui pré­pa­rait un coup d’E­tat et ren­contre Guillaume II à Spa le 12 mai auquel il rap­pelle qu’il l’a­vait régu­liè­re­ment mis au cou­rant de ses démarches sans tou­te­fois lui révé­ler le nom de ses inter­lo­cu­teurs, ce que l’empereur alle­mand ne peut nier. Les consé­quences de la publi­ca­tion de la lettre impé­riale ((Le secré­taire d’E­tat amé­ri­cain, Robert Lan­sing, écri­vit dans un mémo­ran­dum à Wil­son du 12 avril 1918, de cette publi­ca­tion qu’elle était « a piece of the most astoun­ding stu­pi­di­ty, for which no suf­fi­cient excuse can be made. […] His dis­clo­sure has thrown Aus­tria-Hun­ga­ry bodi­ly into the arms of Ger­ma­ny. […] Even if Karl wished to act other­wise, the stu­pi­di­ty of Cle­men­ceau and the fear of Ger­ma­ny prevent. […] As an example of stu­pid diplo­ma­cy this per­for­mance is almost without paral­lel. [… ] How any sta­tes­man could throw away a stra­te­gic advan­tage without any equi­va­lent other than the per­so­nal satis­fac­tion of cau­sing cha­grin to an adver­sa­ry is beyond com­pre­hen­sion. […] It is unfor­tu­nate that “The Tiger” of France does not pos­sess a bet­ter control over his impulses, unfor­tu­nate for his coun­try as well as for the cobel­li­ge­rents of France. There was always the pos­si­bi­li­ty of some­thing resul­ting from the evident desire of the Aus­trian Empe­ror for peace almost at any price. That pos­si­bi­li­ty the fol­ly of Cle­men­ceau has des­troyed. » (repro­duit dans Kovacs, <i>op. cit., </i>tome 2, pp. 343–344).))  sont dra­ma­tiques pour l’Au­triche qui doit don­ner des garan­ties à l’Al­le­magne en envoyant des régi­ments sur le front occi­den­tal et perd une grande par­tie de ce qui lui res­tait de liber­té vis-à-vis de l’Al­le­magne.

L’offre de paix de l’empereur Charles, qui a tou­jours cher­ché « en toute chose la volon­té de Dieu, à la recon­naître et à la suivre » ((Comme il le dira, mou­rant, à l’im­pé­ra­trice Zita, ce que Jean-Paul II rap­pe­lait dans son homé­lie de la messe de béa­ti­fi­ca­tion du bien­heu­reux Charles d’Au­triche (Rome, 3 octobre 2004).)) , est moti­vée par des convic­tions pro­fondes de jus­tice et d’é­qui­té, d’hu­ma­ni­té, de sou­ci constant des peuples de la Monar­chie, et de res­pect du jus gen­tium clas­sique, fon­dé sur le droit natu­rel. Par oppo­si­tion à ces prin
cipes chré­tiens, relayés par les appels en faveur de la paix de Benoît XV et les mis­sions de Mgr Pacel­li, alors nonce à Munich, ceux qui refusent la main ten­due par l’empereur le font pour des consi­dé­ra­tions idéo­lo­giques diverses. Ils veulent abattre la monar­chie catho­lique des Habs­bourg, même si la guerre doit durer un an de plus et coû­ter, du seul côté fran­çais, 300 000 vies sup­plé­men­taires, et éta­blir un nou­vel ordre euro­péen en tra­çant des fron­tières arbi­trai­re­ment au nom du droit des peuples — qu’on se garde bien, la plu­part du temps, de consul­ter — et qui auront notam­ment pour consé­quence les guerres bal­ka­niques récentes. Quelle dif­fé­rence avec celui qui écri­vait deux ans plus tard : « Le monarque est seul res­pon­sable devant l’his­toire. [… ] Je ne regrette pas une seconde la lettre à Sixte, et j’a­gi­rais aujourd’­hui exac­te­ment de la même manière si je me trou­vais dans la même situa­tion. C’est <i>moi, </i>l’empereur, qui dois déci­der de la guerre et de la paix, et <i>je </i>porterais devant <i>Dieu </i>la res­pon­sa­bi­li­té de toute occa­sion qui aurait été man­quée de mettre un terme à cette effu­sion de sang inutile. […] Chaque jour, du matin au soir, j’ai fait tout ce qui était en mon pou­voir pour don­ner la paix à mes peuples et sau­ver les fils et les parents des gens » ((« Réflexions poli­tiques » de l’Em­pe­reur, Pran­gins, 1920, repro­duites dans Kovacs, <i>op. cit., </i>tome 2, pp. 554–55.)) .

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