Revue de réflexion politique et religieuse.

Mas­si­mo Cac­cia­ri : Il potere che fre­na. Sag­gio di teo­lo­gia poli­ti­ca

Article publié le 25 Juin 2013 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le phi­lo­sophe (et ancien maire de Venise, sa ville natale) n’aborde pas la ques­tion de la théo­lo­gie de l’histoire pour la pre­mière fois. Ses posi­tions sont certes ambi­guës, sans doute en rai­son de l’ensemble très par­ti­cu­lier de ses réfé­rences (Marx, Nietzsche, Schmitt, la phi­lo­so­phie alle­mande en géné­ral mais aus­si les Pères de l’Eglise). C’est un théo­lo­gien du dehors qui se pré­tend non chré­tien, et pour­tant… Ce nou­veau petit ouvrage vient à peine d’être publié, à un moment où les rap­ports entre l’Eglise et le « monde » sont ten­dus comme jamais depuis long­temps, et où les effets per­vers des cin­quante der­nières années s’avèrent bien amers. Le thème prin­ci­pal, sur fond escha­to­lo­gique, est celui du kate­chon, cet obs­tacle mis à la pro­pa­ga­tion des œuvres de l’Antéchrist, le « pou­voir qui freine » son triomphe momen­ta­né avant le moment final de l’Avènement du Sei­gneur de l’histoire. Le sujet n’est pas inex­plo­ré, il a pu don­ner lieu à des inter­pré­ta­tions diverses, depuis sa laï­ci­sa­tion (Carl Schmitt) jusqu’à l’apparition pério­dique de nou­velles formes de mon­ta­nisme, cette héré­sie loin­taine qui pous­sait à cher­cher le mar­tyre – ten­dance qui revient aujourd’hui dans la fou­lée d’une cer­taine « théo­lo­gie poli­tique » bien peu poli­tique. L’intérêt de ce qu’écrit, de manière fort savante, Mas­si­mo Cac­cia­ri réside dans la crainte de voir l’Eglise post­con­ci­liaire s’abstenir de jouer son rôle, après le vide créé par la décom­po­si­tion du poli­tique, lais­sant libre cours à l’apostasie. Quelques for­mules donnent à pen­ser. Ain­si à pro­pos de l’Impie, « il est pos­sible de croire lui résis­ter, le conte­nir d’autant plus que l’on en accom­pagne l’élan, ou qu’on le dilue dans la durée. Ou encore d’autant plus qu’on l’imite, comme en se mode­lant sur lui. […] Le signe le plus ter­rible de l’apostasie n’est pas l’abandon par les mul­ti­tudes de l’empire et de l’Eglise, mais la rup­ture [seces­sio] qui s’opère en leur inté­rieur d’avec leur mis­sion propre, leur fonc­tion et la foi qu’ils auraient dû incar­ner. » (p. 80) L’auteur appuie cette idée dans le court cha­pitre dédié au « Nomos de l’Adversaire », qui se confond avec la volon­té per­ver­tie du modèle anthro­po­lo­gique des maîtres de notre époque, ce « der­nier homme » annon­cé par Nietzsche, un esclave par­fait se croyant ou aimant se dire libé­ré de toute contrainte. Cac­cia­ri voit arri­ver, dans l’état de crise per­ma­nente qui a com­men­cé, non pas une tyran­nie féroce mais une lutte inces­sante entre les puis­sances finan­cières, juri­diques, éco­no­miques, tech­no-scien­ti­fiques livrées à leurs démons res­pec­tifs mais unies entre elles par un même refus rageur du chris­tia­nisme. De cette lec­ture au style insis­tant et abs­trait – aug­men­tée d’extraits des Pères de l’Eglise (et de quelques autres, dont Cal­vin) – on retire, outre l’utilité de rat­ta­cher l’avènement du chaos mon­dial actuel à une vision théo­lo­gique, l’impression que cer­tains intel­lec­tuels peuvent être réel­le­ment per­plexes devant l’évolution d’un monde qui leur paraît loin d’être appe­lé à l’avenir radieux pro­mis depuis l’époque des pré­ten­dues Lumières.

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