Revue de réflexion politique et religieuse.

Yves Chi­ron : His­toire des conciles

Article publié le 10 Fév 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ecrit dans un style très agréable, cet ouvrage borde de manière acces­sible à tous, néo­phytes comme spé­cia­listes, l’histoire et le dérou­le­ment de cha­cun de ces vingt et un conciles oecu­mé­niques qui ont consti­tué « autant de pierres mil­liaires de l’histoire de l’Eglise », des plus connus (Nicée, Constan­ti­nople, Ephèse, Chal­cé­doine, Latran IV, Trente, Vati­can I et II) aux plus obs­curs (Vienne, Lyon, Latran I, II, III et V). Le pre­mier inté­rêt réside dans la mise en évi­dence de l’élaboration pro­gres­sive du cor­pus dog­ma­tique, et en par­ti­cu­lier des défi­ni­tions tri­ni­taires, dont la pré­ci­sion ne peut que por­ter à la contem­pla­tion, mais éga­le­ment tout ce qui concerne le sacri­fice eucha­ris­tique, Trente consti­tuant à cet égard un modèle indé­pas­sable.
En ce sens, cet ouvrage ne peut qu’inciter à (re)lire les textes de cer­tains des anciens conciles, mal­gré la dif­fi­cul­té. Les débats avec les Orien­taux sépa­rés sont éga­le­ment bien mis en valeur, mani­fes­tant com­bien a pu être proche, plus d’une fois, une récon­ci­lia­tion pleine et entière entre « les Grecs » et l’Occident (la der­nière ten­ta­tive, qua­si réus­sie, ayant lieu au concile de Flo­rence, concer­nant les Grecs, et les Armé­niens, Syriens, Coptes, Chal­déens et Maro­nites de Chypre), ce qui, inver­se­ment, met en évi­dence la fai­blesse de l’oecuménisme récent. Un autre inté­rêt de cette publi­ca­tion réside dans le trai­te­ment détaillé des débats ayant eu lieu au cours des siècles à l’occasion de la pré­pa­ra­tion des conciles, vieillis­sant d’autant cer­taines ques­tions actuel­le­ment mises en avant de manière récur­rente par cer­tains groupes de pres­sion ou abor­dées lors du der­nier concile, qu’il s’agisse du mariage des prêtres, des divor­cés rema­riés, ou de l’usage de la langue ver­na­cu­laire dans la litur­gie. On peut consta­ter éga­le­ment le sou­ci per­ma­nent des pon­tifes et des évêques assem­blés – avec sou­vent une impres­sion d’écrasement, de la part des acteurs, devant la lour­deur de la tâche – de réfor­mer l’Eglise, in capite et in mem­bris, tout en gar­dant pré­sent à l’esprit la néces­si­té de ména­ger les êtres faibles.
Le der­nier concile, quant à lui, se mani­feste comme étant net­te­ment « hors du com­mun », même si l’auteur traite le sujet en his­to­rien pru­dent, rela­tant en détail les mul­tiples « coups » d’une mino­ri­té deve­nue majo­ri­té, pro­fi­tant du sou­tien dis­cret des pon­tifes avant un rétro­pé­da­lage déses­pé­ré pour « modé­rer » cer­tains textes face à l’arrogance pro­gres­siste afin de les faire accep­ter par la mino­ri­té conser­va­trice, pré­lude à près de qua­rante ans de crise de l’autorité. Hors normes, il l’est déjà par le nombre de par­ti­ci­pants, mais éga­le­ment par les per­son­na­li­tés exté­rieures (obser­va­teurs non catho­liques, jour­na­listes) invi­tées à suivre les débats et qui finissent par peser sur la rédac­tion de cer­tains textes. Mais aty­pique, Vati­can II le fut éga­le­ment par l’esprit qui l’a ani­mé et que Paul VI devait résu­mer le 7 décembre 1965 en évo­quant « le culte de l’homme » et la « sym­pa­thie sans bornes » pour l’humanité. Y. Chi­ron retient que « [l]e concile a usé de cha­ri­té plu­tôt que de sévé­ri­té, il n’a pas vou­lu condam­ner des erreurs, don­ner des défi­ni­tions, il s’est vou­lu “pas­to­ral”. […] Il est aty­pique aus­si parce qu’il s’est refu­sé à condam­ner solen­nel­le­ment des erreurs, à la dif­fé­rence de ce qu’avaient fait tous les conciles oecu­mé­niques anté­rieurs ». L’auteur s’interroge ain­si inci­dem­ment : « Ce carac­tère “pas­to­ral” du concile Vati­can II a sus­ci­té, jusqu’à aujourd’hui, un débat : ce concile a‑t-il déli­vré un ensei­gne­ment “obli­ga­toire” ou pas ? » (p. 267). Il fau­dra bien que la ques­tion soit tran­chée un jour, res­tant à espé­rer que cette situa­tion ban­cale ne per­du­re­ra pas indé­fi­ni­ment.

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