Revue de réflexion politique et religieuse.

Fran­çoise Choay : La terre qui meurt

Article publié le 10 Juil 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ce petit ouvrage étonne d’entrée de jeu par son titre – le même que celui d’un roman de René Bazin sur la France rurale, dont il n’est bizar­re­ment fait men­tion à aucun moment. L’auteur, his­to­rienne et phi­lo­sophe, une des meilleures spé­cia­listes de l’histoire urbaine, y pré­sente un mani­feste alar­miste face à ce qu’elle consi­dère comme deux menaces majeures pour les socié­tés actuelles : la mon­dia­li­sa­tion et l’irruption du patri­moine dans la sphère mar­chande et de consom­ma­tion. L’ensemble se struc­ture en deux par­ties net­te­ment dif­fé­rentes : la réédi­tion d’un essai paru dans les années 1970, « Espa­ce­ments », sui­vi d’un autre essai, inédit, sur le patri­moine. Le pre­mier est magis­tral de clar­té et d’érudition, retra­çant quatre grandes séquences d’histoire urbaine : la ville médié­vale, fon­dée sur la conti­guï­té et la proxi­mi­té (« espace de contact »), la ville de la Renais­sance, trans­cri­vant dans l’espace urbain le chan­ge­ment de regard aux ori­gines de la moder­ni­té, celui d’une socié­té qui s’émancipe pro­gres­si­ve­ment sur le plan intel­lec­tuel (« espace de spec­tacle ») ; puis la ville de la moder­ni­té pro­pre­ment dite, adap­tée aux impé­ra­tifs fonc­tion­nels (cir­cu­la­tion et com­merce) ain­si qu’aux idéo­lo­gies hygié­nistes en vigueur dans les corps d’ingénieurs (« espace de cir­cu­la­tion ») et sou­mise aux grandes réformes urbaines du XIXe siècle. Enfin, l’« espace de connexion » qui voit les enti­tés urbaines se frag­men­ter en mor­ceaux auto­nomes iso­lés, pris pour cer­tains dans des logiques locales, pour d’autres ins­crits dans les seuls liens de la mon­dia­li­sa­tion et reliés à dis­tance par des sys­tèmes de connexion, de flux imma­té­riels. D’où cet appel, avec la nos­tal­gie que l’on connaît chez Fran­çoise Choay, en faveur d’une sorte de retour aux espaces de la conti­guï­té, cher­chant à recons­ti­tuer des formes de « bonnes vieilles villes ». Au-delà de cette pos­ture un tant soit peu nos­tal­gique, l’historienne déve­loppe un impres­sion­nant « Trai­té de l’urbain » en six dizaines de pages, mais ne s’arrête pas sur le fait que la réforme urbaine n’est pas tant une ques­tion d’architecture, de style, que de mode d’organisation fon­da­men­tal des socié­tés, donc une ques­tion cultu­relle et sur­tout poli­tique. […]

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