Revue de réflexion politique et religieuse.

Le rite désa­cra­li­sé

Article publié le 10 Jan 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ce n’est pas une moindre contra­dic­tion que cet usage de l’artifice au moment même où l’on désire libé­rer la spon­ta­néi­té. La remarque pour­rait s’appliquer à une cer­taine « péda­go­gie » en caté­chèse qui ne fait rien d’autre que reprendre le pro­jet mani­pu­la­teur des théo­ri­ciens de la socia­li­sa­tion et de leurs pères fon­da­teurs. La phi­lo­so­phie sous-jacente est celle du « bon sau­vage » — alors que les « sau­vages » sont en géné­ral beau­coup plus « civi­li­sés » que les Occi­den­taux post-chré­tiens puisque, à la dif­fé­rence de ces der­niers, ils sou­mettent l’homme au sacré et n’envisagent rien en dehors des contraintes du rite. L’idéologie de la nature pure, non tou­chée par la socié­té, est un indi­vi­dua­lisme abso­lu, où l’enfant ne doit rien à ses parents ni à qui­conque pour être « bon ». Sous pré­texte de liber­té, qui en réa­li­té ne peut être qu’un don de l’amour, on rejette de l’institution des enfants le fon­de­ment même de l’amour. Etrange impos­ture, bien sou­vent incons­ciente, qui exalte la spon­ta­néi­té et sus­cite les inter­ven­tions « infor­melles » mais ne peut se pas­ser un seul ins­tant des tech­niques de groupe et des moyens de la mani­pu­la­tion idéo­lo­gique !
Un autre rap­pro­che­ment avec le tota­li­ta­risme poli­ti­co-social peut être fait en ce qui nous semble résu­mer toute la ten­ta­tive anti­chris­tique depuis les grands dogmes des pre­miers Conciles énon­cés en réponse aux sys­tèmes qui, niant l’incarnation, niaient en même temps de ce fait la des­ti­née sur­na­tu­relle de l’homme et par là sa liber­té, en pas­sant par la sté­ri­li­sa­tion intel­lec­tuelle de la théo­lo­gie au XIVe siècle pour abou­tir au ratio­na­lisme abs­trait du XVIe siècle, à l’individualisme désa­cra­li­sant des Lumières, à l’idéalisme mora­li­sa­teur et au scien­tisme de l’époque roman­tique jusqu’aux uto­pismes avi­lis­sants (issus du XVIIIe siècle) du XXe siècle, tan­dis que, du XIVe au XXIe siècle, court le fil rouge du sys­tème usu­rier pro­cla­mant les droits de l’homme et pra­ti­quant impi­toya­ble­ment la sélec­tion soi-disant natu­relle en démo­lis­sant l’organisme des com­mu­nau­tés authen­ti­que­ment natu­relles.
Ce qui résume cette oppo­si­tion for­ce­née à la Révé­la­tion du Dieu-Tri­ni­té, c’est-à-dire de l’Amour, et à sa mani­fes­ta­tion dans l’Eglise une et catho­lique, c’est le refus de l’apophase. Dans la pen­sée, il est éli­mi­na­tion du mys­tère. La dimen­sion apo­pha­tique est tra­di­tion­nelle depuis saint Jean Chry­so­stome jusqu’à saint Tho­mas en pas­sant par le Pseu­do-Denys. Ména­ger un aper­çu vers l’ineffable qui est incom­men­su­ra­ble­ment plus haut et plus vaste que ce qui peut être dit, c’est aus­si recon­naître à l’homme le droit d’entrer dans le domaine contem­pla­tif, essen­tiel à tout rite digne de ce nom. Or, ce que le maté­ria­lisme capi­ta­liste ou socia­lo­ca­pi­ta­liste ver­rouille et pour­chasse jusqu’à l’intime des consciences, c’est bien la pos­si­bi­li­té même de toute contem­pla­tion. Mais ce que le spi­ri­tua­lisme anti­chré­tien (d’une cer­taine ten­dance éso­té­rique par exemple) détruit, c’est le res­pect du mys­tère, c’est une fausse pro­fon­deur don­nant libre cours au nar­cis­sisme intel­lec­tuel et esthé­tique qui, à la bonne vieille mode gnos­tique, se com­plaît dans les sym­boles culti­vés pour eux-mêmes.
Refus de l’apophatisme ou faux apo­pha­tisme carac­té­risent de même les dévia­tions litur­giques des chré­tiens. Mais l’apophase concerne éga­le­ment la conduite morale et peut s’exprimer ain­si : « Ce qui n’est pas inter­dit est per­mis » (on nous dit ce qu’il ne faut pas faire mais on ne nous donne que des orien­ta­tions géné­rales sur tout le champ des actions pos­sibles et donc per­mises). Or on sait bien que, tant dans la socié­té sovié­tique que dans cer­tains « plans pas­to­raux » au niveau dio­cé­sain ou parois­sial (ou « sec­to­riel »), tout ce qui n’est pas per­mis est inter­dit, non­obs­tant les exhor­ta­tions constantes, là à faire preuve de zèle pro­duc­tif, ici à nous ouvrir au « souffle de l’Esprit ». La loi perd ain­si son effet libé­ra­teur et, en toute eupho­rie confu­sion­nelle et col­lec­tive, devient oppres­sive et mor­ti­fère, sté­ri­li­sant les liber­tés et châ­tiant toute ini­tia­tive.
Un capo­ra­lisme incom­men­su­rable donne la main au créa­ti­visme théo­rique, cette créa­ti­vi­té dont on se gar­ga­rise n’ayant plus d’autre champ d’opération que dans le choix, par exemple, entre deux can­tiques d’inspiration aus­si inégale l’un que l’autre, tout comme dans la socié­té civile entre des vacances sur le lit­to­ral ou à la mon­tagne. Encou­ra­ger l’initiative où elle n’a aucu­ne­ment sa place (c’est-à-dire dans le rite) revient le plus sou­vent à la négli­ger, quand ce n’est pas la décou­ra­ger, là où elle est d’une néces­si­té vitale (la caté­chèse, l’évangélisation et les œuvres de misé­ri­corde, ain­si que le tra­vail sur les struc­tures poli­tiques, sociales et éco­no­miques dans le sens de la doc­trine sociale de l’Eglise).

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Pour en reve­nir à notre auteur, si l’on suit bien son pro­pos, on doit conclure que le rite tend à se dé ritua­li­ser. Il a per­du son carac­tère objec­tif (cette objec­ti­vi­té qui tient à ce que nul ne se le donne à soi-même ni ne le donne aux autres, à ce que, tout au contraire, il est reçu afin d’être vécu en dehors de la condi­tion préa­lable d’être exa­mi­né et jus­ti­fié dis­cur­si­ve­ment) et il a cédé aux exi­gences intrai­tables de la conscience indi­vi­duelle ou col­lec­tive qui veut le sai­sir en termes de connais­sance intel­lec­tuelle, et donc a constam­ment besoin d’explications. Si sacré veut dire ritua­li­té, il y a effec­ti­ve­ment perte du sacré, puisqu’il demande une obéis­sance et pos­tule une pro­fon­deur inac­ces­sible direc­te­ment à la rai­son rai­son­nante, et qui ne peut être que vécue, et par une confor­ma­tion du corps. Pas­cal n’est pas loin, qui dénie com­pé­tence à « l’esprit de géo­mé­trie » en matière reli­gieuse, mais demande l’attitude cor­po­relle (préa­lable à une foi clai­re­ment recon­nue) pour que se révèle le « Dieu sen­sible au cœur ». « Faites comme si » (vous aviez la foi) : met­tez-vous à genoux. Et vous croi­rez.
Une série de contra­dic­tions carac­té­rise la nou­velle litur­gie. Le livre conclut avec le para­doxe iro­nique entre une insis­tance com­mu­nau­taire et le rejet des élé­ments tra­di­tion­nels qui en étaient les plus puis­sants moyens. Mais il appelle de ses vœux et escompte un aban­don du céré­bra­lisme et un retour à l’intelligence des rites. Il cite en ce sens Cal­de­cott ((. David Tore­vell, op. cit., p. 206.)) . En fait, il nous semble qu’on était bien par­ti pour une revi­vi­fi­ca­tion des rites, pour une redé­cou­verte du sym­bole et du corps, et fina­le­ment de la réa­li­té sacra­men­telle et sacrale. Nous avan­çons l’hypothèse que la hâte de lan­cer un modèle renou­ve­lé de litur­gie cou­pa l’élan, cueillant des fruits verts, arrê­tant des matu­ra­tions. Une chose est sûre : le rite ancien semble bien avoir été condam­né d’avance. Il était péri­mé par hypo­thèse. La cause était enten­due avant que d’être plai­dée. Il fal­lait en finir avec ce pelé, ce galeux dont, comme l’âne de la fable, venait tout le mal. L’axiome de départ semble avoir été que, tout ce que l’on vou­lait redé­cou­vrir, ce ne pou­vait être en aucun cas dans l’ancien rite. Ain­si donc pour faire droit à la cor­po­réi­té, pour pra­ti­quer une reli­gion « incar­née », on ne trou­va rien de mieux qu’aggraver l’emprisonnement cog­ni­tif, céré­bral, abs­trait carac­té­ris­tique de l’aliénation moderne. Le résul­tat, le voi­ci : on n’arrête pas de s’adresser au men­tal réflexif, fai­sant de la litur­gie une suc­ces­sion inin­ter­rom­pue de leçons, réflexions et consignes, sup­pri­mant age­nouille­ments et pros­ter­na­tions pour le corps, encens pour les narines, orne­ments et matières pré­cieuses pour les yeux, son­ne­ries, orgue et dou­ceur har­mo­nique ou modale pour les oreilles, signes de croix et contact du banc de com­mu­nion et de sa nappe pour le tou­cher — auquel, il est vrai, on a res­ti­tué un (ain­si nom­mé) « bai­ser de paix », mais accom­pli d’une manière presque tou­jours si inadé­quate qu’il fait plu­tôt pen­ser dans trop de cas à un geste pro­fane et banal, ou trop mal­adroit pour être rituel et de toutes façons pro­dui­sant un désordre, une confu­sion, une éva­po­ra­tion, au moment même où il n’y a qu’une chose à faire si l’on a un peu de cœur et de foi : fixer nos regards sur notre grand Roi d’amour, l’Agneau immo­lé qui va s’offrir en nour­ri­ture pour la faim de nos âmes et la vie de nos corps (même si le prêtre et le diacre, ou les concé­lé­brants, échangent le bai­ser de paix à ce moment pré­cis, mais de la manière hié­ra­tique qui s’impose quand on se trouve à l’autel), et en ce qui concerne la com­mu­nion des fidèles sur la paume de la main, de la main gauche, c’est un exemple typique de fic­tion théâ­trale, d’irréalisme psy­cho­lo­gique ou tout sim­ple­ment pra­tique, de bévue dans la sym­bo­lique ges­tuelle, d’inexactitude his­to­rique par rap­port à cer­tain usage antique invo­qué pour les besoins de la cause et pour finir de mécon­nais­sance de la réa­li­té du tou­cher comme sens spi­ri­tuel (puisqu’il s’agit de tou­cher tout le corps du Sau­veur de tout notre être).
D’une manière géné­rale, alors qu’on exige que le « corps du Christ » se mani­feste dans l’assemblée célé­brante, on pousse chaque indi­vi­du dans les retran­che­ments de sa sub­jec­ti­vi­té iso­lée où il doit s’efforcer à tout ins­tant de se situer par rap­port aux autres, exa­mi­ner sa conscience, réflé­chir sur ce qu’il est en train de faire…
La litur­gie n’est plus le cri qui vient du cœur de l’Eglise dont parle Jean-Paul II dans sa lettre apos­to­lique pour le vingt-cin­quième anni­ver­saire de la pro­mul­ga­tion du décret Sacro­sanc­tum Conci­lium sur la litur­gie ((. Ibid., p.186.)) , mais le bavar­dage et l’agitation qui de l’intérieur de cha­cun se trans­met ensuite entre indi­vi­dus han­tés par le besoin ou l’objurgation de se sen­tir « en Eglise ». Quelle dif­fé­rence alors avec les sectes ou (à tout le moins) avec les grands ras­sem­ble­ments des par­tis poli­tiques ? On veut une foi vécue, mais on empêche qu’elle le soit dans la litur­gie au sein de laquelle au contraire il est deman­dé de réflé­chir sa foi de façon à la vivre dans le quo­ti­dien. Cepen­dant, on affirme l’importance pri­mor­diale de la ren­contre litur­gique, source et abou­tis­se­ment de la vie chré­tienne. Mais l’heure venue, cette ren­contre n’est plus pro­po­sée que comme une réplique déco­lo­rée et confec­tion­née de toutes pièces de ces autres ren­contres sou­hai­tées dans le « tuf » de l’existence où est cen­sée se révé­ler — davan­tage en prin­cipe, il faut croire, qu’à l’église ! ? — la pré­sence du Res­sus­ci­té. Ce n’est pas tout : il est deman­dé en outre de vivre la litur­gie de façon « simple », « natu­relle », « dans le réel », bref « spon­ta­née », mais d’une spon­ta­néi­té livrée à l’anarchie de notre affec­ti­vi­té ou aux réflexes sociaux de notre milieu et de notre temps : Kava­nagh constate l’invasion d’un esprit classe moyenne fait de manières agréables et de conten­te­ment de soi-même) ((. Ibid., p. 167.))  ; Archer a remar­qué éga­le­ment la géné­ra­li­sa­tion d’un goût « middle class » ((. Ibid., p. 163. )) . Ain­si, la fron­tière entre l’espace sacré et l’espace pro­fane est presque effa­cée, et pour cause puisqu’en prin­cipe il ne devrait sub­sis­ter plus rien de pro­fane. Mais le monde qui n’est plus consi­dé­ré comme pro­fane n’est pas deve­nu sacré pour autant. Il est vu phan­tas­ma­ti­que­ment comme le lieu de l’amour, de la décou­verte et du par­tage. Le hic, c’est que la décou­verte et le par­tage risquent de tour­ner court puisqu’ils sont pri­vés de ce qui les ren­drait pré­cieux, c’est-à-dire le mys­tère, mys­tère que l’on s’est mis à nom­mer le moins pos­sible et sur­tout auquel on ne laisse aucune chance de mani­fes­ta­tion. L’espace litur­gique devrait être le lieu de cette mani­fes­ta­tion, mais il ne le peut, puisqu’il n’est pas sépa­ré du monde envi­ron­nant mais est conçu idéo­lo­gi­que­ment (donc d’une manière qui paraît évi­dente et allant de soi) comme fai­sant par­tie de ce monde.
Cathe­rine Pick­stock fait remar­quer cette erreur d’aiguillage qui a consis­té à vou­loir adap­ter le rite, la culture sacrée, à la culture du monde ambiant, alors qu’il s’agirait de mon­trer leur dif­fé­rence de plus en plus radi­cale (puisque l’unité socio-reli­gieuse de la chré­tien­té médié­vale a été bri­sée) ((. Cathe­rine Pic­stock, op. cit., p. 160.)) . Le résul­tat est que le monde pro­fane reste pro­fane et que le monde sacré devient lui-même de plus en plus pro­fane, comme si l’un ou l’autre avaient à y gagner quoi que ce soit. La litur­gie ne rem­plit plus alors sa fonc­tion vitale, sans laquelle l’homme étouffe, de pro­cu­rer, dit Sea­soltz, « un contexte dans lequel les célé­brants (the cele­brants) peuvent décou­vrir ou redé­cou­vrir qui ils sont dans le monde et ce qu’est la nature du monde (« who they are in the world and what the nature of the world is) » ((. Ibid., p. 187.)) .
Cette erreur anthro­po­lo­gique, M. Tore­vell la décrit en long et en large. Mais l’anthropologie doit se fon­der méta­phy­si­que­ment et se situer théo­lo­gi­que­ment. La notion de sacré revêt alors une signi­fi­ca­tion essen­tielle
et non plus « cultu­relle ». Le sacré n’est autre que le fon­de­ment trans­cen­dant de l’existence, il n’est pas l’option esthé­tique facul­ta­tive à côté de l’éthique qui, elle, serait seule obli­ga­toire. Le sacré est le seul fon­de­ment de la morale comme il est le domaine propre de l’amour. Com­pris autre­ment qu’à cette hau­teur et à cette pro­fon­deur, il ne vaut pas une minute de peine. Le sens du sacré s’exprime dans le res­pect des rites parce que le rite signi­fie concrè­te­ment et non intel­lec­tuel­le­ment, cor­po­rel­le­ment et non men­ta­le­ment, socia­le­ment et non indi­vi­duel­le­ment, ce lien vital entre moi et l’origine, entre moi et mes sem­blables, entre mon temps et les temps qui pré­cèdent et suivent le mien. Je n’ai pas choi­si le rite, et per­sonne n’en a déci­dé, pas plus que du lan­gage. Il ne dépend pas de la volon­té géné­rale et pas non plus d’un vou­loir par­ti­cu­lier. Si une auto­ri­té peut le fixer, c’est à condi­tion qu’elle s’exerce comme auto­ri­té, c’est-à-dire en dépen­dance de cet uni­vers sacré, trans­cen­dant, échap­pant à toutes nos mesures, d’où pro­vient aus­si bien que le rite toute auto­ri­té authen­tique.
Le défi était dif­fi­cile à rele­ver en pleine désa­gré­ga­tion sociale, pri­va­ti­sa­tion de la reli­gion, dis­so­cia­tion des com­mu­nau­tés natu­relles, et une fois consom­mée la bri­sure entre la socié­té poli­tique et la socié­té reli­gieuse. Le rap­port des gens au rite allait de moins en moins de soi. N’aurait-ce pas été la tâche de l’initiation chré­tienne que de faire entrer pro­gres­si­ve­ment les caté­chu­mènes — et les néo-caté­chu­mènes qu’une majo­ri­té de fidèles sont deve­nus — dans un tout har­mo­nieux que serait de plus en plus un rite intel­li­gem­ment vécu — c’est à dire rituel­le­ment — et par là mieux « com­pris » ? A la place de cette démarche inté­gra­tive (l’intégrisme était sans doute trop proche et mena­çant ! !), on a deman­dé à la litur­gie de tenir lieu de tout : caté­chèse, accueil des néo­phytes, évan­gé­li­sa­tion du tout-venant, ini­tia­tion biblique, occa­sion d’expression libre (acces­sible à ceux qui se poussent ou sont pous­sés en avant, impos­sible, for­cé­ment, à tous les autres), concert de chants (assez sou­vent dans le genre chan­son de varié­tés), brève ses­sion d’expression cor­po­relle, petit par­le­ment (« car­re­four » de groupes d’échanges avec remon­tée en « pan­nel »), répar­ti­tion des acti­vi­tés parois­siales, appro­fon­dis­se­ment biblique et théo­lo­gique, sans oublier, mais en lui lais­sant inévi­ta­ble­ment la part pauvre, le sacre­ment pro­pre­ment dit.
Pour évi­ter d’être néga­tif et injuste, recon­nais­sons que, même dans le rite post-conci­liaire, la dévo­tion au Corps du Christ arrive à être vécue. Il faut se deman­der loya­le­ment si cela ne tient pas au fait qu’un cer­tain sen­sus fidei, tout en appli­quant for­mel­le­ment le rite « mis à jour », le fait dans le fond selon un esprit qui, au moyen de nom­breuses petites touches, l’infléchit vers le rite ancien.
Que faire à pré­sent ? M. Tore­vell déclare ne pas deman­der un retour au rite ancien. Pour notre part, nous trou­vons que ce serait une ques­tion d’honnêteté intel­lec­tuelle autant que de pru­dence pas­to­rale que de rendre à ce rite toutes ses chances tan­dis que, paral­lè­le­ment, se pour­sui­vrait le tra­vail du mou­ve­ment litur­gique lan­cé par dom Gué­ran­ger et pour­sui­vi entre autres au Mont-César et à Maria Laach, bru­ta­le­ment inter­rom­pu par la fixa­tion à un stade qui appa­raît de plus en plus aux cher­cheurs comme à plus d’un ecclé­sias­tique ou laïc comme tran­si­toire et insa­tis­fai­sant mal­gré la science et le mérite des ouvriers de cette réforme. Ce n’est que par une humble dis­po­ni­bi­li­té au Saint-Esprit qu’à l’école de nos pères qui cise­lèrent peu à peu le joyau de la litur­gie nous pour­rons envi­sa­ger la mise en œuvre vivante et sage d’une tra­di­tion non muti­lée, sauve de toute conta­mi­na­tion de la part d’un monde sécu­la­ri­sé et anthro­po­cen­trique.

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