Revue de réflexion politique et religieuse.

La jus­tice pénale, du droit natu­rel clas­sique à la post­mo­der­ni­té

Article publié le 4 Juil 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Un droit pénal post­mo­derne ? Telle est l’interrogation qui a aiguillon­né un groupe de cher­cheurs de l’Université de Poi­tiers en vue de mettre « en pers­pec­tive des évo­lu­tions et rup­tures contem­po­raines », selon le sous-titre de l’ouvrage. La post­mo­der­ni­té y est dési­gnée comme une période mar­quée par une « cer­taine perte de confiance en la science et la dés­illu­sion par rap­port au pro­grès », un déclin du droit et de la rai­son. Les auteurs envi­sagent les évo­lu­tions en cours non comme des rup­tures, qui résul­te­raient d’une démarche volon­ta­riste et ration­nelle visant la construc­tion d’un droit pénal dis­tinct des modèles pré­cé­dents, mais comme une « décons­truc­tion » du droit pénal exis­tant sans véri­table réflexion d’ensemble, s’accomplissant au gré d’évolutions obéis­sant à des consi­dé­ra­tions d’ordre prag­ma­tique.
Deux traits majeurs sont néan­moins iden­ti­fiés : « le décro­chage des prin­cipes qui avaient construit le droit pénal moderne, et son corol­laire, la mon­tée de l’idéologie du prag­ma­tisme ». Plu­sieurs thèmes sont étu­diés, avec des conclu­sions nuan­cées : si cer­taines évo­lu­tions peuvent être rat­ta­chées à la post­mo­der­ni­té, d’autres paraissent être la résur­gence de doc­trines du pas­sé, alors que sur d’autres points encore, le droit pénal demeure ins­crit dans une cer­taine tra­di­tion.
A la post­mo­der­ni­té peut être attri­buée l’évolution qui, depuis une ving­taine d’années, tend à la péna­li­sa­tion des hommes poli­tiques, à la levée de leurs immu­ni­tés. Un tel phé­no­mène peut se consta­ter à la fois au sein des Etats par rap­port aux gou­ver­nants, et dans l’ordre des rela­tions inter­éta­tiques avec la créa­tion de juri­dic­tions pénales inter­na­tio­nales. Ce double mou­ve­ment affecte ain­si la sou­ve­rai­ne­té des Etats qui est l’un des traits majeurs de la moder­ni­té. L’analyse est assez convain­cante, mais l’on peut sou­li­gner que, s’agissant des pour­suites lan­cées contre des diri­geants internes en rai­son de délits de droit com­mun, il n’y a là rien que de très nor­mal, et qu’une telle évo­lu­tion n’est pas par elle-même de nature à remettre en cause la sou­ve­rai­ne­té de l’Etat, mais seule­ment l’impunité des per­sonnes indi­vi­duelles qui peuvent être ame­nées à exer­cer des fonc­tions publiques. La péna­li­sa­tion de la poli­tique elle-même (affaire du sang conta­mi­né), qui n’a cepen­dant pas été ana­ly­sée par les auteurs, est peut-être l’illustration d’une évo­lu­tion en ce sens plus signi­fi­ca­tive encore. Mais, d’un point de vue his­to­rique, cela n’est pas tota­le­ment sans pré­cé­dent, si l’on com­pare la situa­tion actuelle à la dis­ci­pline impo­sée par l’Eglise catho­lique aux rois chré­tiens au cours du Moyen Age, qui pou­vait par­fois être très effi­cace. […]

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