Revue de réflexion politique et religieuse.

Numé­ro 140 : Un temps pour par­ler

Article publié le 1 Juil 2018 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

La « réforme » assume aujourd’hui dans l’Église une fonc­tion com­pa­rable à celle qu’a exer­cée l’aggior­na­men­to il y a plus d’un demi-siècle. L’ensemble de la période ayant immé­dia­te­ment pré­cé­dé et sur­tout sui­vi le concile Vati­can II se déroule en effet selon un pro­ces­sus de longue durée, qui a connu des phases actives, des ralen­tis­se­ments (alors qua­li­fiés d’invo­lu­tion), puis aujourd’hui une nou­velle phase de reprise accé­lé­rée. Cette der­nière cause des ravages mais pré­sente l’intérêt de cla­ri­fier le sens géné­ral du mou­ve­ment ; en même temps, le délai écou­lé per­met de juger sur pièces le carac­tère inopé­rant de l’interprétation mini­ma­liste des effets pro­duits, inter­pré­ta­tion qui se ter­mine en impasses, telle l’herméneutique de la conti­nui­té, de peu d’intérêt pra­tique désor­mais faute de pou­voir s’imposer d’elle-même et de dis­qua­li­fier défi­ni­ti­ve­ment son oppo­sée, l’herméneutique de la rup­ture. L’actuelle réforme consti­tue une mise en confor­mi­té plus com­plète avec les exi­gences de la moder­ni­té tar­dive, laquelle mène néces­sai­re­ment au-delà de celles de la moder­ni­té dans sa phase anté­rieure, celle qui était en train de s’achever au moment de Vati­can II. Cepen­dant tout se passe comme si cette nou­velle étape d’adaptation au milieu devait pour­suivre inexo­ra­ble­ment sa course, au sein d’un corps lent à réagir, sauf notables mais très mino­ri­taires excep­tions, demeu­rant comme médu­sé en pré­sence des menaces les plus pres­santes.

Cet état de choses est carac­té­ri­sée par une sorte d’autocensure des plus lucides, une len­teur extrême à les voir prendre posi­tion, dénon­cer publi­que­ment l’inacceptable, se limi­tant dans la meilleure des hypo­thèses à une réac­tion à la cri­tique de points secon­daires ou déri­vés. Les ses­sions du Synode sur la famille, en 2014 et 2015, ont mar­qué une paren­thèse, en ce sens qu’un bon tiers des par­ti­ci­pants sont inter­ve­nus pour récu­ser clai­re­ment les chan­ge­ments doc­tri­naux et dis­ci­pli­naires pro­po­sés, tan­dis que d’autres, appa­rem­ment décon­te­nan­cés, n’ont fini par y acquies­cer qu’en rai­son de mani­pu­la­tions dénon­cées en leur temps. Depuis le silence est rede­ve­nu presque una­nime, les valeu­reuses excep­tions confir­mant le fait. C’est ce silence qui sus­cite l’interrogation. Com­ment expli­quer cette appa­rente para­ly­sie, qui tranche sin­gu­liè­re­ment avec l’audace des enne­mis de l’Église, exté­rieurs ou alliés dans la place ?

Une piste est sug­gé­rée par tous ceux qui, au prix d’un pénible tra­vail d’exégèse, tentent de don­ner un sens tra­di­tion­nel aux textes, dis­cours et actes les plus gra­ve­ment sus­pects. La sophis­tique, quelles que soient les inten­tions de ceux qui la pra­tiquent, n’est pas que du côté des enne­mis de la conti­nui­té dog­ma­tique, elle affecte par­fois tout autant des per­sonnes dési­reuses de fidé­li­té. Or si les moti­va­tions des pre­miers relèvent net­te­ment de la ruse ou de la mau­vaise foi – que l’on pense à l’argument consis­tant à invo­quer la man­sué­tude du Sei­gneur envers le pécheur, oubliant la condi­tion de sor­tir de son péché, à tant d’autres cita­tions tron­quées éga­le­ment –, la moti­va­tion des seconds est dif­fé­rente. Elle consiste à ten­ter d’esquiver la dif­fi­cul­té, à la nier même en essayant déses­pé­ré­ment de la cou­per de tout contexte, à refu­ser de connaître l’intention la plus claire des auteurs, voire de consi­dé­rer l’ensemble d’un texte et sa logique interne pour n’en rete­nir que ce qui s’y trouve énon­cé de la manière la plus tra­di­tion­nelle. C’est une atti­tude intel­lec­tuelle que l’on a déjà ren­con­trée à pro­pos des textes conci­liaires pré­sen­tant le plus de dif­fi­cul­tés. Com­bien de pages, par exemple, n’aura-t-on pas écrites pour éta­blir une par­faite com­plé­men­ta­ri­té entre l’encyclique Quas pri­mas, de Pie IX, et la décla­ra­tion conci­liaire Digni­ta­tis huma­nae ? Mais pour­quoi agir ain­si ? Fau­drait-il être mal­hon­nête pour sau­ver l’orthodoxie ? Ne s’agit-il pas plu­tôt d’une réac­tion devant le risque de se scan­da­li­ser, comme saint Pierre se récriant vigou­reu­se­ment à l’idée que son Sei­gneur et Maître puisse mou­rir comme le der­nier des esclaves ? Il est per­mis de sup­po­ser que ce risque de scan­dale pro­vienne lui-même d’un défaut de pré­pa­ra­tion à l’éventualité d’affronter l’épreuve de la Croix selon une moda­li­té impré­vue. Le silence devant le mal consis­te­rait alors en une mise en sus­pens du juge­ment de véri­té devant une situa­tion sub­jec­ti­ve­ment impen­sable.

Cette hypo­thèse d’ordre psy­cho­lo­gique et moral est pos­sible, mais elle ne coïn­cide pas avec la réac­tion spon­ta­née et beau­coup plus nette de pré­lats qui ont clai­re­ment mani­fes­té leur désac­cord, entre autres, avec ce qui condui­rait à trai­ter à éga­li­té gens mariés et couples vivant en adul­tère, et qui par la suite cepen­dant se sont tus.

Fau­drait-il en incri­mi­ner leur manque de cou­rage ? Seraient-ils impres­sion­nés par les manœuvres d’intimidation qui jouent pré­ci­sé­ment sur la crainte et cherchent à sus­ci­ter la mau­vaise conscience par des accu­sa­tions sans cesses réité­rées de rigi­di­té morale et de manque d’esprit d’ouverture, de pha­ri­saïsme et autres per­ver­sions de l’esprit ? Peut-être, mais il cer­tai­ne­ment impos­sible de géné­ra­li­ser une telle pos­si­bi­li­té.

Une autre hypo­thèse sur­git donc, celle de la dif­fi­cul­té d’appréhender le carac­tère inédit de la situa­tion actuelle de l’Église – tant par son ampleur que par les méthodes qui la créent – emprun­tant beau­coup d’éléments à une socié­té poli­tique sou­mise à des règles spé­ci­fiques géné­ra­le­ment mal iden­ti­fiées dans le monde ecclé­sias­tique. L’entrée dans l’ère média­tique, sym­bo­li­sée par l’ouverture des fenêtres du bureau de Jean XXIII devant les camé­ras de télé­vi­sion, mar­quait déjà le début d’un impru­dent empri­son­ne­ment dans les filets de la culture domi­nante. Presque soixante ans plus tard, tout cela s’est trans­for­mé en un sys­tème d’emprise sur les consciences bien plus com­plexe et effi­cace que dans le pas­sé, d’où il est vain d’espérer pou­voir s’extraire sans iden­ti­fier ses res­sorts internes, ruses et fina­li­tés. Quant à l’exercice du pou­voir, il emprunte lui aus­si beau­coup de traits à la manière dont il s’opère dans les sys­tèmes poli­tiques contem­po­rains, carac­té­ri­sés par la dilu­tion, l’opacité, les jeux d’influences. Or il est notoire que beau­coup de res­pon­sables ecclé­sias­tiques n’ont qu’une connais­sance limi­tée dans ce domaine, qui exige une atten­tion par­ti­cu­lière à évi­ter la moindre parole sus­cep­tible de défor­ma­tions, d’amalgames, à pro­vo­quer le dés­in­té­rêt ou le rejet dès lors que l’on tente d’entrer dans des consi­dé­ra­tions de théo­lo­gie ou de spi­ri­tua­li­té ris­quant d’être immé­dia­te­ment fil­trées et retra­duites en termes néga­tifs. Dans ces condi­tions, ce qui assure nor­ma­le­ment l’unité sociale de l’Église – dans sa dimen­sion natu­relle s’entend – se trouve for­te­ment affec­té. La bien­veillance mutuelle, l’obéissance pré­ve­nante envers la hié­rar­chie, la fidé­li­té abso­lue de celle-ci dans la trans­mis­sion du Bon Dépôt de la véri­té évan­gé­lique, tout cela tend à être rem­pla­cé par une forme de contrôle social proche de celui qui s’exerce sur la socié­té dans son ensemble. Ce contrôle spé­ci­fique de la période de moder­ni­té tar­dive dans laquelle nous vivons a des aspects déstruc­tu­rants sur les indi­vi­dus qui en sont la cible, et dont il exige en outre qu’ils deviennent eux-mêmes les agents de leur propre conver­sion aux valeurs impo­sées. Ce phé­no­mène d’étouffement a carac­té­ri­sé toute la période de l’après-concile, avec de rares échap­pées, mais depuis l’investiture de Jorge Mario Ber­go­glio il a opé­ré un saut en avant par­ti­cu­liè­re­ment signi­fi­ca­tif.

L’un des élé­ments venant aggra­ver ce risque d’étouffement résulte de cer­taines consé­quences de choix anté­rieurs, quand cer­taines pra­tiques internes à l’Église de l’époque post­con­ci­liaire se sont défi­nies par mimé­tisme à l’égard des ten­dances externes. C’est le cas de la valo­ri­sa­tion du col­lec­tif, ran­gé trop faci­le­ment dans la caté­go­rie de la col­lé­gia­li­té, mais s’alignant sur cer­taines ten­dances de la psy­cho­lo­gie sociale des années 1960 en faveur de la mul­ti­pli­ca­tion des groupes, jusque dans la vie spi­ri­tuelle (médi­ta­tion de groupe, révi­sion de vie, etc.). Il semble que l’on ait ain­si sou­vent assi­mi­lé à tort deux réa­li­tés bien dis­tinctes, le groupe, de nature psy­cho­lo­gique, et la com­mu­nau­té, orga­nique et défi­nie par l’ordre au ser­vice du Bien et de la Véri­té. L’un des défauts de cet ali­gne­ment sur cer­taines méthodes en vogue dans le milieu ambiant (domi­nant) est son impact, dans le domaine ecclé­sial, sur la prise de res­pon­sa­bi­li­té, acte fon­ciè­re­ment per­son­nel par nature, mais ten­dant à s’effacer au pro­fit du col­lec­tif – de bas en haut de l’échelle, des comi­tés parois­siaux aux confé­rences épis­co­pales et à leurs divers secré­ta­riats. Para­doxa­le­ment, l’espace per­son­nel, hono­ré pen­dant la même période au titre de la pro­mo­tion des membres du Peuple de Dieu, s’est vu réduit jusqu’à l’isolement, tan­dis que se mul­ti­plièrent les ins­tances col­lec­tives, à l’intérieur des­quelles la dyna­mique de groupe peut aisé­ment faire sen­tir ses effets. Ajou­tons que tout cela est expo­sé au regard inqui­si­teur d’instances exté­rieures à l’Église, ou de véri­tables organes de police de la pen­sée ins­tal­lés en son sein même, fonc­tion­nant comme des agences de nota­tion et de clas­si­fi­ca­tion en fonc­tion du degré de confor­ma­tion aux exi­gences de la doxa. Cette situa­tion per­siste de manière plus ou moins mar­quée depuis l’époque conci­liaire, cha­cun pou­vant consta­ter à quel point elle s’est consi­dé­ra­ble­ment ren­for­cée ces der­nières années, les pres­sions de la culture domi­nante qui s’exercent depuis l’extérieur de l’Église et celles qui pro­cèdent ad intra se conju­guant pour frei­ner, sinon inter­dire tout libre ques­tion­ne­ment et en répri­mer l’éventuelle for­mu­la­tion.

Cet inter­dit, déjà véri­fié maintes fois dans le pas­sé, est main­te­nant beau­coup plus pesant, à la mesure de la gra­vi­té nou­velle des ques­tions sus­ci­tées par cer­taines des options les plus pro­vo­cantes de la « réforme » en cours. Les excep­tions – par exemple, les dubia pré­sen­tés par les quatre car­di­naux, mais aus­si tout ce qui a pu s’exprimer comme ana­lyses des options ou for­mu­la­tions s’éloignant de la tra­di­tion catho­lique – se sont heur­tées à une igno­rance affec­tée, asso­ciée au défer­le­ment d’outrageantes cri­tiques, jusque dans les docu­ments les plus éla­bo­rés, sous forme de mise en cause de l’honnêteté, de sus­pi­cion d’hérésie gnos­tique ou péla­gienne, et ain­si de suite. Dans le même temps, le refus de répondre non seule­ment per­siste, mais est même éri­gé en ver­tu spi­ri­tuelle, comme en témoigne un article der­niè­re­ment publié par le jésuite argen­tin Die­go Fares, dans La Civil­tà cat­to­li­ca sur le thème de « l’esprit d’acharnement ». Cet auteur impute cette forme de mau­vais esprit aux ques­tion­neurs, à « ceux qui dis­cutent et insultent à coup de tweets », face aux­quels le silence serait un geste de pro­fonde humi­li­té venant confondre l’esprit dia­bo­lique : « C’est la meilleure approche contre les médi­sances de cou­loirs, les airs scan­da­li­sés, les attaques qui aujourd’hui se dif­fusent faci­le­ment sur les réseaux sociaux, jusque dans les publi­ca­tions qui se défi­nissent comme “catho­liques”. » (loc. cit., n. 4029, 5–19 mai 2018, p. 225) Enfin si l’ordre juri­dique est en prin­cipe main­te­nu, son res­pect est dis­cré­tion­naire, selon une logique sub­tile dont seule une approche d’ensemble peut don­ner une idée cohé­rente. L’un des effets de cette situa­tion « kaf­kaïenne » est de créer le trouble et la crainte. Cette ana­lo­gie, même loin­taine, est sans doute mal­ai­sée à per­ce­voir d’emblée, ce qui ren­force son effet per­tur­ba­teur.

Si la col­lec­ti­vi­sa­tion et la répres­sion des ques­tions gênantes consti­tuent des freins d’origine récente, il res­te­rait à tenir compte de la per­sis­tance d’un esprit léga­liste dans une cer­taine culture ecclé­sias­tique tra­di­tion­nelle. Il s’agit d’un glis­se­ment ancien dans la pra­tique dis­ci­pli­naire, qui repose sur l’obéissance, un acte moral de sou­mis­sion de la rai­son et non d’exécution méca­nique. C’est encore un para­doxe que de consta­ter que, depuis le dérou­le­ment même du concile Vati­can II et par la suite, une dépré­cia­tion, sou­vent rageuse, du « juri­disme » et du « rubri­cisme », c’est-à-dire d’un res­pect ponc­tuel et scru­pu­leux des normes cano­niques et litur­giques, ait pu coexis­ter avec une men­ta­li­té posi­ti­viste, rap­pe­lant celle que l’on ren­contre dans les sys­tèmes admi­nis­tra­tifs de l’État moderne. Cette ten­dance à rap­pro­cher la hié­rar­chie ecclé­siale d’un corps pré­fec­to­ral per­siste, et elle est même encou­ra­gée par ceux-là mêmes qui la sup­por­taient mal il y a encore quelques années mais qui en tirent pro­fit aujourd’hui. Une ten­dance ana­logue, connue de longue date, est celle qui consiste à éle­ver indû­ment au rang de Magis­tère – c’est-à-dire d’enseignement du Christ à tra­vers ses ministres : « Qui vous écoute m’écoute » – toute parole éma­nant du pape Fran­çois. Et cela d’autant plus que la forme même dans laquelle est pré­sen­té l’ensei­gne­ment ber­go­glien échappe à toute caté­go­rie clas­sique, tran­chée, dépour­vue d’ambiguïté : elle est même déli­bé­ré­ment tout le contraire. Mais l’habitude per­siste de consi­dé­rer que ce qui vient du haut de la hié­rar­chie, quelle que soit sa nature, est publi­que­ment hors dis­cus­sion. On en arrive alors à un conflit de devoirs dont les termes sont faus­sés. D’un côté, il semble impos­sible d’accepter le heurt fron­tal, pour­tant envi­sa­gé par saint Paul lui-même – « Mais quand nous-mêmes, quand un ange venu du ciel vous annon­ce­rait un autre Évan­gile que celui que nous vous avons annon­cé, qu’il soit ana­thème ! » (Galates 1, 8) ; d’un autre côté, la conscience n’en reste pas moins cho­quée par des contra­dic­tions fla­grantes avec les pré­ceptes les plus expli­cites du Christ. Cer­tains s’en remettent alors à l’œuvre du temps, se convain­quant que l’entreprise « réfor­miste » actuelle est trop « péri­phé­rique » pour ne pas être une paren­thèse appe­lée à être vite oubliée. Cette pen­sée est d’autant plus aisée que l’humble acti­vi­té quo­ti­dienne à l’échelle de l’Église locale peut ouvrir une pers­pec­tive de lente construc­tion de l’avenir, en attente de voir pas­ser l’orage. Mais est-il pos­sible d’imaginer que le conflit glo­bal puisse ne pas avoir de retom­bées sur la paix locale, lorsque celle-ci existe – plus ou moins – par une heu­reuse et bien rare excep­tion ? En outre, ne convient-il pas que le pas­teur d’une por­tion du trou­peau ait aus­si, pour citer encore saint Paul (2Cor 11, 28)  « la sol­li­ci­tude de toutes les Églises » ?

Quelles que soient les hypo­thèses invo­quées ici et toute autre ima­gi­nable, il reste à se deman­der jusqu’à quel niveau d’atteinte de l’unité doc­tri­nale et pra­tique il fau­dra en arri­ver pour que se mani­feste au grand jour une posi­tion du pro­blème cohé­rente et pro­por­tion­née. La ques­tion est lan­ci­nante, et elle est posée avant tout aux suc­ces­seurs des Apôtres et aux membres émi­nents du cler­gé romain, aux théo­lo­giens dont le rôle est de les sou­te­nir, aux prêtres témoins immé­diats des contra­dic­tions aux­quelles abou­tissent les chan­ge­ments de cap qui leur sont deman­dés, en défi­ni­tive à tout chré­tien confron­té à la pres­sion du « monde » devant lequel il est pour le moins indé­cent de se plier. Cha­cun peut com­prendre que s’il peut y avoir un temps pour se taire, il y a aus­si un temps pour par­ler.

Dans l’apparente para­ly­sie géné­rale il semble que deux condi­tions puissent favo­ri­ser une issue. L’une tient à l’effet d’émulation que peuvent pro­vo­quer les prises de posi­tion, même par­tielles, de per­son­na­li­tés ecclé­siales. L’exemple récent du car­di­nal Willem Eijk, arche­vêque d’Utrecht, aux Pays-Bas, est notable à cet égard, de par les for­mules très fortes qu’il a uti­li­sées pour mettre en cause le ren­voi dos à dos des évêques alle­mands prêts à don­ner la com­mu­nion aux non-catho­liques et à ceux qui s’y refusent, le pape Fran­çois se conten­tant de leur deman­der de se mettre d’accord entre eux. Le car­di­nal hol­lan­dais voit là une véri­table démis­sion de la fonc­tion propre d’un sou­ve­rain pon­tife. Il n’a pas hési­té à citer à l’appui de sa réac­tion un pas­sage du Caté­chisme de l’Église catho­lique (n. 675) : « Avant l’avènement du Christ, l’Église doit pas­ser par une épreuve finale qui ébran­le­ra la foi de nom­breux croyants (cf. Lc 18, 8 ; Mt 24, 12). La per­sé­cu­tion qui accom­pagne son pèle­ri­nage sur la terre (cf. Lc 21, 12 ; Jn 15, 19–20) dévoi­le­ra le “mys­tère d’iniquité” sous la forme d’une impos­ture reli­gieuse appor­tant aux hommes une solu­tion appa­rente à leurs pro­blèmes au prix de l’apostasie de la véri­té. »

La seconde condi­tion est plus per­son­nelle, spi­ri­tuelle même. Elle consiste à sur­mon­ter l’opposition du démon muet, qui pour un motif ou un autre retient de témoi­gner du bien et du mal.

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