Revue de réflexion politique et religieuse.

De David à Saat­chi : Condi­tions d’une issue

Article publié le 10 Juil 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le titre d’un ouvrage récem­ment publié en Ita­lie est expli­ci­té par sa cou­ver­ture où sont confron­tés un chef d’œuvre de David : La mort de Socrate et la tête de vache en putré­fac­tion de Damien Hirst, le soi-disant artiste lan­cé par le publi­ci­taire Saat­chi. Avec ce gros volume, Rai­mon­do Stras­sol­do nous offre un trai­té sur l’art contem­po­rain qui va au-delà de son ambi­tion socio­lo­gique pro­cla­mée. Une fois le livre refer­mé, on a le sen­ti­ment qu’il a tenu ses pro­messes et que son enver­gure lui a per­mis de ne rien lais­ser dans l’ombre qui touche à son objet. Sa lec­ture est pas­sion­nante et même le public aver­ti appren­dra beau­coup en l’étudiant. Je ne cache­rai pas que ma sym­pa­thie pour Stras­sol­do ne tient pas seule­ment aux qua­li­tés de son écrit aux­quelles je me plais à rendre hom­mage : son style fluide et plein de viva­ci­té, son ton sans pré­ten­tion, sa vaste éru­di­tion, mais sur­tout au fait que nous sommes com­pa­gnons d’armes contre un enne­mi qu’il nomme l’AC (pour « art contem­po­rain »).
C’est pour­tant là que com­mencent aus­si nos désac­cords. Ils portent sur le nœud entre notions et pério­di­sa­tion. La matière de l’histoire est consti­tuée d’événements ; ceux-ci pério­disent le deve­nir, ils intro­duisent un avant et un après entre les­quels il y a conti­nui­té et dis­con­ti­nui­té. En l’occurrence, la pre­mière est celle de la tra­di­tion artis­tique, la seconde tient aux muta­tions sty­lis­tiques et autres qui s’inscrivent dans cette tra­di­tion. Face à cette pro­blé­ma­tique, la pen­sée de Stras­sol­do mani­feste un flot­te­ment fâcheux. A la page 48, il est écrit ceci : « Par art contem­po­rain nous enten­dons tout l’art depuis 1780 jusqu’à 2007 ». N’y a‑t-il pas une contra­dic­tion avec ce qu’on lit dans le cha­pitre « Che fare ? », à la fin du livre, où l’auteur déclare très jus­te­ment que l’AC n’est pas de l’art du tout et doit être dési­gné comme non-art ? On retrouve cette même affi rma­tion aux pages 13, 47 et ailleurs. Or ni la pein­ture de David ni celle du XIXe siècle n’est du non-art. Stras­sol­do le sait bien, lui qui fait naître l’AC en 1917 avec le dadaïsme et qui sou­ligne la dis­tance entre « le très noble Ser­ment des Horaces » et « les hor­reurs iné­nar­rables de la col­lec­tion Saat­chi » (p. 31), ce qui ne l’empêche pas d’affi rmer qu’il y a entre les deux des élé­ments de conti­nui­té (on ne sait les­quels). Pour­tant, selon Stras­sol­do, l’art du XIXe siècle y com­pris celui des Impres­sion­nistes est en conti­nui­té avec la tra­di­tion remon­tant à la Renais­sance. La pen­sée de Stras­sol­do me semble sur ce point obs­cure et prise dans des contra­dic­tions inex­tri­cables. Ayant dépouillé envi­ron 2 000 ouvrages, il a été sou­mis à un feu croi­sé de sol­li­ci­ta­tions intel­lec­tuelles dont il n’a pu démê­ler l’écheveau ; mettre en fiches c’est bien, résoudre les pro­blèmes théo­riques, c’est mieux. […]

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