Revue de réflexion politique et religieuse.

Le défi de l’éthique face aux bio­tech­no­lo­gies

Article publié le 4 Avr 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Prendre soin de la vie était l’impératif pre­mier d’une méde­cine immé­mo­riale conçue comme art sacré. Se contente-t-on encore de cette fina­li­té à une époque où les inter­ven­tions tech­niques sur le vivant qu’est l’homme sont en fait de plus en plus sou­vent pré­cé­dées par des expé­ri­men­ta­tions auda­cieuses sur l’animal, enca­drées par des tech­no­lo­gies sophis­ti­quées et coû­teuses, et entraî­nées par­fois dans une course à l’exploit, sans com­mune mesure avec la valeur de la vie ? Dans ce nou­veau cadre, l’homme est-il bien encore trai­té en véri­table sujet ou n’est-il pas sou­vent réduit au rang d’objet maniable à volon­té ? Est-il bien, comme on le pro­clame sans cesse, une fin en soi, ou n’est-il pas trop sou­vent trai­té comme un simple moyen, une occa­sion pour assou­vir des faims de savoir et de pou­voir d’apprentis-sorciers qui vou­draient davan­tage maî­tri­ser la Vie que de se mettre au ser­vice d’un être humain dont ils ne sau­raient faire, sans risques, une pure créa­ture arti­fi­cielle ? Quelles nou­velles règles éthiques faut-il alors énon­cer pour limi­ter cet inter­ven­tion­nisme médi­cal et cet acti­visme bio­lo­gique ? Sur quoi peut-on se fon­der pour démê­ler dans cet ensemble de pra­tiques inédites, le bien et le mal, pour l’individu en par­ti­cu­lier, pour l’espèce humaine en géné­ral ? Ne sommes-nous d’ailleurs pas pla­cés en méde­cine et dans la recherche bio­lo­gique devant les mêmes ques­tions cru­ciales que dans tous les autres domaines où l’équilibre de l’humanité et de son envi­ron­ne­ment sont mena­cés radi­ca­le­ment ?
Quelle est d’abord l’ampleur même du pro­blème ? Les col­loques inces­sants qui se suc­cèdent dans les socié­tés indus­trielles ((  Lors d’une récente Confé­rence euro­péenne de bioé­thique orga­ni­sée à Mayence (RFA) du 7 au 9 novembre 1988, ont entre autres été énon­cées les recom­man­da­tions sui­vantes : « Il incombe aux pou­voirs publics et à la socié­té — et c’est une res­pon­sa­bi­li­té à laquelle ils ne peuvent se sous­traire — de fixer des règles essen­tielles de l’action de manière qu’elles n’entrent pas en conflit avec la nature de l’homme en tant qu’être social libre et res­pon­sable, ni ne portent atteinte à sa digni­té et à son inté­gri­té ». Est-il bien sûr que cette for­mu­la­tion ne recouvre pas une foule d’interprétations contra­dic­toires ?))  comme les débats ins­ti­tu­tion­nels propres aux Comi­tés d’éthique prouvent que la méde­cine se sent débor­dée par des savoirs et des pou­voirs nou­veaux, qui semblent mettre en cause les cer­ti­tudes tra­di­tion­nelles quant aux droits et aux devoirs atta­chés à la pra­tique médi­cale. Aux deux extré­mi­tés de l’existence humaine sur­tout, l’interventionnisme tech­nique per­met les pro­créa­tions arti­fi­cielles, les mani­pu­la­tions géné­tiques et plus bana­le­ment l’interruption déli­bé­rée de la gros­sesse et à l’autre bout de la chaîne, l’euthanasie pas­sive et active, l’acharnement thé­ra­peu­tique, voire les expé­ri­men­ta­tions en comas dépas­sés. En quelques décen­nies le corps médi­cal s’est vu atteint d’un pro­mé­théisme ver­ti­gi­neux, qui le rend capable de chan­ger le capi­tal géné­tique des vivants, de doter les orga­nismes de pro­thèses et de fabri­quer des états inter­mé­diaires entre la vie et la mort.

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