Revue de réflexion politique et religieuse.

1700 ans après Nicée : quelques leçons du Concile

Article publié le 6 Juil 2025 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

En 325, le concile de Nicée, convo­qué par Constan­tin, rati­fiait une pro­fes­sion de foi et vingt canons dis­ci­pli­naires. Plu­sieurs aspects de ce Concile et de sa récep­tion com­pli­quée méritent réflexion au regard de la vie de l’Église aujourd’hui : la déter­mi­na­tion de l’autorité à res­tau­rer l’unité, la lutte contre l’hérésie, la prio­ri­té accor­dée à la doc­trine, l’attention por­tée à la digni­té du cler­gé et la struc­ture hié­rar­chique de l’Église, le dan­ger des ingé­rences exté­rieures et des com­pro­mis doc­tri­naux, le témoi­gnage ren­du à la véri­té en période de crise.

L’année sainte 2025 coïn­cide avec les 1700 ans du concile de Nicée convo­qué par l’empereur Constan­tin. Dans la bulle d’indiction du jubi­lé, le pape Fran­çois a sou­li­gné l’importance de ce pre­mier concile œcu­mé­nique qui eut la « mis­sion de pré­ser­ver l’unité gra­ve­ment mena­cée par la néga­tion de la divi­ni­té de Jésus-Christ et de son éga­li­té avec le Père ». Le sou­ve­rain pon­tife y voit une « une pierre mil­liaire dans l’histoire de l’Église » qui invite à faire gran­dir l’unité des chré­tiens[1]. Dans une démarche simi­laire, les évêques de France ont rédi­gé une lettre pré­sen­tant les « enjeux et l’actualité de Nicée[2] ». La réflexion mérite d’être pour­sui­vie, car les sujets abor­dés dans ce Concile entrent en réson­nance avec des ques­tion­ne­ments actuels[3]. Le dérou­le­ment des évé­ne­ments liés à Nicée est aujourd’hui bien connu[4]. Convo­qué par Constan­tin en mai 325, le Concile pré­si­dé par Osius de Cor­doue, réunit envi­ron 300 évêques, la plu­part orien­taux. Les pères réagissent aux affir­ma­tions héré­tiques d’Arius, un prêtre de l’Église d’Alexandrie, qui met en doute la divi­ni­té du Christ. Après de longs débats, les pères du Concile rati­fient une pro­fes­sion de foi où il est affir­mé que le Fils de Dieu est « consub­stan­tiel » au Père. En outre, ils s’accordent sur la date de Pâques, dis­cutent de la réso­lu­tion du schisme méli­cien et pré­cisent plu­sieurs points de dis­ci­pline ecclé­sias­tique[5]. Célé­brant l’unité retrou­vée, Constan­tin voit dans le Concile une vic­toire « rem­por­tée contre l’ennemi de l’Église[6] ». Cepen­dant le suc­cès reste fra­gile. Aus­si­tôt les évêques ren­trés dans leurs dio­cèses, le terme « homoou­sios » du Cre­do de Nicée est mis de côté et ouver­te­ment com­bat­tu. L’arianisme gagne du ter­rain et la contro­verse doc­tri­nale se pour­suit, avant que le concile de Constan­ti­nople (381) ne condamne « toutes les posi­tions non conformes à Nicée[7] ». Au regard des ques­tions qui agitent le monde catho­lique aujourd’hui, plu­sieurs élé­ments de cette his­toire offrent matière à réflexion : la déter­mi­na­tion de l’autorité à res­tau­rer l’unité, la prise de conscience du dan­ger que repré­sente l’hérésie, la prio­ri­té accor­dée par les pères aux ques­tions doc­tri­nales, l’attention por­tée dans la légis­la­tion à la digni­té du cler­gé et la struc­ture hié­rar­chique de l’Eglise, le dan­ger des ingé­rences exté­rieures et des com­pro­mis doc­tri­naux, le témoi­gnage ren­du à la véri­té par un petit nombre d’évêques et le peuple chré­tien. Sur tous ces thèmes, sans épui­ser le sujet, cette contri­bu­tion offre des réflexions sur l’actualité à la lumière de l’histoire

1. La déter­mi­na­tion de l’autorité à récon­ci­lier le peuple chré­tien

L’unité est au centre du pro­jet de Constan­tin qui assigne plu­sieurs objec­tifs au concile qu’il convoque : exa­mi­ner la doc­trine d’Arius, récon­ci­lier les évêques, mais sur­tout réa­li­ser une paci­fi­ca­tion géné­rale, en ôtant les obs­tacles qui fra­gi­lisent l’unité dans l’Église et l’Empire. Cette pré­oc­cu­pa­tion est constante chez l’empereur après sa conver­sion (312), comme le montre sa cor­res­pon­dance[8]. En 313, le prince convoque une assem­blée d’évêques pour réta­blir la concorde entre les Églises d’Afrique. Dans la lettre de convo­ca­tion recueillie par Eusèbe de Césa­rée, il déplore que le peuple « soit divi­sé et qu’il y ait des dif­fé­rends entre évêques », puis conclut : « Je porte un tel res­pect à l’Église catho­lique recon­nue par la loi que je ne veux pas que vous tolé­riez en quelque manière aucun schisme ou divi­sion en quelque lieu que ce soit[9]. » En 324, dans un mes­sage envoyé « aux pro­vin­ciaux d’Orient », il annonce vou­loir « res­tau­rer la mai­son de Dieu » et aspire à une « paix », une « concorde com­mune » en har­mo­nie avec « la belle ordon­nance de l’univers[10] ». Constan­tin se voit comme un arbitre, un média­teur ou un arti­san d’unité. S’adressant à Dieu, il exprime le désir, « pour le bien com­mun de l’univers et de tous les hommes », que son peuple « soit en paix et reste exempt de troubles ». La même année, alors que débute la crise arienne, dans une lettre envoyée à Alexandre l’évêque d’Alexandrie, il déplore « qu’une diver­gence d’opinion » se soit éle­vée, que « l’union ait été reje­tée » et que « le peuple très saint, divi­sé en deux par­tis, se soit éloi­gné de l’harmonie d’un corps com­mun[11] ».

L’empereur voit le concile comme un ins­tru­ment pro­pice pour rame­ner la concorde, car une telle réunion mani­feste de manière spec­ta­cu­laire l’unité catho­lique. Depuis le « concile de Jéru­sa­lem » (Ac 15), une assem­blée d’évêques est l’organe pri­vi­lé­gié pour tran­cher un dif­fé­rend et trou­ver une posi­tion qui per­mette à l’Église de par­ler d’une seule voix. Dans la Vie de Constan­tin, récit qui se situe entre bio­gra­phie et hagio­gra­phie, Eusèbe de Césa­rée s’enthousiasme de voir réunis dans « une ville unique » des évêques « qui dif­fé­raient au plus haut point non seule­ment par la pen­sée, mais aus­si par l’apparence phy­sique, le pays, la région, le lieu et la pro­vince d’origine[12] ». Le dis­cours prê­té à Constan­tin est un solen­nel appel à l’unité tant reli­gieuse que poli­tique. L’empereur attri­bue la divi­sion à Satan. Il regrette la « sédi­tion intes­tine dans l’Église de Dieu » qui est « plus ter­rible et plus pénible que toute guerre et toute bataille[13] », appe­lant de ses vœux le retour à la concorde. Constan­tin espère voir « un seul accord paci­fique pré­si­der » entre les évêques[14]. Aus­si il les invite à « dénouer, selon les lois de la paix, tout le nœud de la contro­verse[15] ». De ces textes se dégage un désir ardent d’unité et une aspi­ra­tion à entendre les évêques tenir le même dis­cours. La réac­tion de Constan­tin se répé­te­ra sou­vent au fil des siècles. Lorsqu’une crise sur­git au sein de l’Église, la dra­ma­ti­sa­tion de la divi­sion, comme œuvre du diable, et la célé­bra­tion de l’« Una Eccle­sia » deviennent des leit­mo­tivs du dis­cours catho­lique d’autant plus néces­saires que les dis­sen­sions ont des motifs sérieux ou que le peuple en rela­ti­vise la por­tée[16]. Ce double dan­ger touche l’Église du XXIe siècle.

Plu­sieurs assem­blées géné­rales du Synode des évêques ont don­né l’image d’une Église en peine pour par­ler d’une seule voix sur des ques­tions fon­da­men­tales au regard de la foi et des mœurs. En 2015, au terme de deux assem­blées syno­dales agi­tées qui avaient débat­tu de la pos­si­bi­li­té d’offrir la com­mu­nion aux per­sonnes « divor­cées rema­riées », le pape pre­nait acte de la divi­sion des pères et remar­quait que des pra­tiques banales en cer­tains lieux étaient per­çues ailleurs comme scan­da­leuses[17]. Loin de s’en émou­voir, Fran­çois voyait dans ces contra­dic­tions une richesse pour le débat ecclé­sial. En outre, il attri­buait ces diver­gences de fond à la diver­si­té cultu­relle, comme si la dis­ci­pline ecclé­sias­tique rela­tive au mariage et à l’eucharistie rele­vait de cou­tumes et de pra­tiques pas­to­rales propres à une aire géo­gra­phique. Le pro­ces­sus syno­dal « Pour une Église syno­dale : com­mu­nion, par­ti­ci­pa­tion, mis­sion » (2021–2024) a été plus loin encore dans cette prise de conscience d’une impos­sible una­ni­mi­té. Avant la der­nière assem­blée, esti­mant que les condi­tions n’étaient pas réunies pour des échanges sereins, le pape a reti­ré de l’Ins­tru­men­tum labo­ris (9 juillet 2024) la ques­tion du dia­co­nat fémi­nin, lais­sant la dis­cus­sion ouverte sur le sujet[18]. Sur­tout Fran­çois a fait le choix de ne pas rédi­ger d’exhortation apos­to­lique, exer­cice qui aurait impo­sé un dis­cer­ne­ment entre les diverses pro­po­si­tions syno­dales. Selon le pape, « le docu­ment contient déjà des indi­ca­tions très concrètes qui peuvent ser­vir de guide pour la mis­sion des Églises, sur les dif­fé­rents conti­nents, dans des contextes dif­fé­rents[19] ». Cepen­dant le vrai motif est ailleurs. Comme l’explique Arnaud Join-Lam­bert, « Pas de dis­sen­sion, pas d’exhortation[20] ». Plu­tôt que d’exprimer une posi­tion qui aurait imman­qua­ble­ment divi­sé l’assemblée, le pape laisse cha­cun affir­mer et défendre son opi­nion. L’unité parais­sant inat­tei­gnable, le pape décide de la recon­si­dé­rer au prisme du plu­ra­lisme.

Cet écueil se retrouve, depuis une date plus ancienne, dans les rela­tions entre l’Église catho­lique et les confes­sions chré­tiennes non catho­liques. L’œcuménisme s’est construit au XXe siècle avec le désir expli­cite de par­ve­nir un jour à l’unité entre chré­tiens sur une base doc­tri­nale et ecclé­sio­lo­gique par­ta­gée, mais la valo­ri­sa­tion du plu­ra­lisme dans le débat intel­lec­tuel et la vie sociale a réorien­té le pro­jet dans une autre direc­tion. Dès lors que la plu­ra­li­té est pré­sen­tée comme un objec­tif indé­pas­sable, l’unité devient un leurre, voire une menace pour la liber­té. Le plu­ra­lisme a pour dogme « que l’on ne peut ni ne doit enquê­ter au-delà de la plu­ra­li­té de la réa­li­té si l’on ne veut pas être accu­sé de tota­li­ta­risme intel­lec­tuel, et que la plu­ra­li­té semble l’unique manière per­met­tant au tout de se révé­ler à nous[21] ». Dans le mou­ve­ment œcu­mé­nique, la marche vers l’unité semble avoir a cédé la place à un plu­ra­lisme ecclé­sio­lo­gique éri­gé en norme, qui rend caduque la concorde doc­tri­nale. « Tout au plus l’unité est-elle conçue comme la recon­nais­sance tolé­rante de la plu­ra­li­té et de la diver­si­té[22]. » De fait, les expres­sions qui mini­misent les diver­gences entre bap­ti­sés sous les vocables « plu­ra­li­té diver­si­fiée » ou « consen­sus dif­fé­ren­cié » donnent l’apparence de l’unité à la dés­union doc­tri­nale qui demeure sur des points fon­da­men­taux.

Ces ten­dances du catho­li­cisme contem­po­rain contrastent avec l’état d’esprit qui anime Constan­tin au moment de convo­quer un concile à Nicée. La déter­mi­na­tion du prince et le volon­ta­risme dont il fait preuve pour rame­ner la paix dans son Empire ne résultent pas seule­ment de moti­va­tions poli­tiques. Les efforts de l’empereur révèlent un idéal qui prend ses racines dans la Révé­la­tion et la Tra­di­tion : l’unité dans la confes­sion de foi, le culte divin et le gou­ver­ne­ment est un impé­ra­tif au dire de l’Écriture, mais aus­si de la pre­mière lit­té­ra­ture chré­tienne, notam­ment l’Épitre de Clé­ment de Rome et les Lettres aux Églises d’Ignace d’Antioche. Dans ces textes, l’appel à l’unité se double d’une mise en garde contre l’hérésie qui menace la foi de l’Église

2. L’arianisme, une menace pour la foi de l’Église

La crise arienne débute, lorsqu’Arius, un prêtre de l’Église d’Alexandrie, influen­cé par la chris­to­lo­gie de Paul de Samo­sate et de Lucien d’Antioche, prêche que le Logos est une créa­ture. La ques­tion porte sur l’identité du Christ, plus par­ti­cu­liè­re­ment la rela­tion entre le Père et le Fils au sein de la Tri­ni­té. Arius uti­lise des for­mules qui rejettent expli­ci­te­ment la nature divine du Christ[23]. L’évêque d’Alexandrie et le peuple chré­tien s’indignent, car une telle opi­nion est lourde de consé­quence. Si le Christ n’est pas Dieu, la Révé­la­tion chré­tienne relève d’une sagesse humaine. Le sujet demeure actuel.

Le pape Fran­çois a mon­tré que des erreurs anciennes, le gnos­ti­cisme et le péla­gia­nisme, retrou­vaient vie aujourd’hui dans l’Église sous des formes sub­tiles[24]. De façon sem­blable, mais de manière plus nette encore, il est pos­sible d’affirmer que l’arianisme n’est pas mort.

Dans une allo­cu­tion sur saint Atha­nase pro­non­cée en 2007, Benoît XVI sou­li­gna que l’erreur des Ariens fut de réduire le Christ « à une créa­ture “inter­mé­diaire” entre Dieu et l’homme » selon « une ten­dance récur­rente dans l’histoire et que nous voyons en œuvre de dif­fé­rentes façons aujourd’hui aus­si[25] ». Évo­quant par la suite la figure et l’œuvre de saint Hilaire de Poi­tiers, le pon­tife mon­tra que l’arianisme rejoint le ratio­na­lisme, car il n’accepte pas le prin­cipe d’une Révé­la­tion divine. « Se refu­sant à admettre ce qui est trop dif­fi­cile à sai­sir et à croire pour un rai­son­ne­ment logique et pure­ment humain – en l’occurrence cette réa­li­té qui fait d’un petit enfant juif le Fils de Dieu et Dieu lui-même, l’arianisme rem­place la reli­gion par un ratio­na­lisme qui la limite à ses propres mesures[26]. »

De manière plus cir­cons­tan­cielle, en 2016, Clau­dio Pie­ran­to­ni a pro­po­sé une mise en pers­pec­tive entre la crise arienne et la contro­verse autour du cha­pitre 4 de l’exhortation Amo­ris lae­ti­tia (19 mars 2016) qui évoque l’accès aux sacre­ments des per­sonnes vivant dans une situa­tion irré­gu­lière[27]. Sug­gé­rant une évo­lu­tion de la pra­tique, l’exhortation demande d’apporter une « aide pas­to­rale aux couples divor­cés rema­riés » puis ajoute dans une note de bas de page, sans réfé­rence au magis­tère anté­rieur, que « dans cer­tains cas, il peut s’agir aus­si de l’aide des sacre­ments[28] ». Le texte ne dit pas quels sont ces cas. Il ne pré­cise pas les condi­tions requises pour don­ner ou rece­voir les sacre­ments, ouvrant la porte à de mul­tiples inter­pré­ta­tions[29]. Pour Cl. Pie­ran­to­ni, cette situa­tion n’est pas sans res­sem­blance avec la crise arienne. Si la mino­ri­té « aria­no­phile » n’affirme pas expres­sé­ment que le Fils est infé­rieur au Père, elle uti­lise une for­mu­la­tion géné­rale, « sem­blable » au Père, qui se prête à dif­fé­rents degrés de subor­di­na­tion. De même, l’exhortation Amo­ris læti­tia défend l’indissolubilité du mariage, mais elle en rela­ti­vise les consé­quences pra­tiques. Elle s’exprime « de manière sinueuse et alam­bi­quée », en employant des for­mu­la­tions qui « recouvrent toute une gamme de posi­tions, des plus extrêmes aux plus modé­rées[30] ». Quoique ces expres­sions soient à pre­mière vue assez inof­fen­sives, elles mettent à mal la doc­trine catho­lique reçue, fon­dée sur la Parole de Dieu.

Plus récem­ment, dans un entre­tien accor­dé au jour­nal Die Tages­post (2024), le car­di­nal Kurt Koch repre­nait ce paral­lèle : « L’hérésie arienne […] n’est pas sim­ple­ment une chose du pas­sé, mais est éga­le­ment répan­due aujourd’hui », car « Jésus-Christ est limi­té à sa dimen­sion humaine » et il est « reje­té dans sa double nature de vrai Dieu et vrai homme[31] ». Ce nou­vel aria­nisme vise l’Église « comme ins­ti­tu­tion divine », car il la réduit « à une orga­ni­sa­tion phi­lan­thro­pique et démo­cra­tique ». Comme le notait Benoît XVI, « der­rière l’affirmation “Jésus oui – Église non” sou­vent uti­li­sée, il y a une affir­ma­tion encore plus pro­fonde : “Jésus oui – Fils de Dieu non” ». Ces remarques s’appliquent notam­ment aux pro­po­si­tions ou pro­jets du Che­min syno­dal alle­mand (2019–2023), pour qui le prin­cipe d’une règle d’origine divine, immuable et donc s’imposant à tous, s’avère dépas­sé[32]. L’Église est appré­hen­dée comme une socié­té qui peut révi­ser ses normes et modi­fier les prin­cipes de sa « consti­tu­tion », dès lors que les men­ta­li­tés le réclament. Rien ne sau­rait être défi­ni­tif. Les dis­cus­sions sans fin sur la ques­tion de l’ordination des femmes en témoignent. Pen­sant clore le débat, Jean-Paul II confir­ma par la lettre apos­to­lique Ordi­na­tio sacer­do­ta­lis (22 mai 1994) que l’Église n’avait pas le pou­voir d’ordonner des femmes, en rai­son « de la dis­po­si­tion divine » et de « la manière d’agir de son Sei­gneur ». Le texte tran­cha de manière défi­ni­tive une « ques­tion de grande impor­tance qui concerne la consti­tu­tion divine elle-même de l’Église[33] ». Mal­gré tout, des pas­teurs conti­nuent de plai­der en faveur de l’ordination des femmes comme si la posi­tion du magis­tère repo­sait sur une dis­po­si­tion humaine[34]. Cet aria­nisme pra­tique qui refuse de s’incliner devant les dis­po­si­tions de Jésus, Fils de Dieu est à prendre au sérieux, car il met en péril des ins­ti­tu­tions essen­tielles au salut et n’épargne aucun domaine de la vie de l’Église. Il rend plus actuel que jamais l’interrogation d’Henri de Lubac dans Para­doxes : « Si l’hérétique ne nous fait plus hor­reur aujourd’hui comme il fai­sait hor­reur à nos ancêtres », n’est-ce pas « peut-être trop sou­vent, sans que nous osions nous le dire, parce que l’objet du litige, à savoir la sub­stance même de notre foi, ne nous inté­resse plus[35] ? ». La menace que repré­sente l’hérésie pour la foi chré­tienne rend le com­bat doc­tri­nal néces­saire, aujourd’hui comme hier.

3. La prio­ri­té don­née aux ques­tions doc­tri­nales

Constan­tin réunit un concile pour répondre à une crise de nature doc­tri­nale, l’arianisme. Le récit de l’événement, que four­nit Eusèbe de Césa­rée dans la Vie de Constan­tin, met en lumière le tra­vail doc­tri­nal des pères. Le dis­cours attri­bué à l’empereur sou­ligne que « la doc­trine agréable à Dieu » a été « élu­ci­dé pour réta­blir l’accord una­nime, de sorte qu’il ne reste plus rien pour ali­men­ter la dis­sen­sion ou la dis­pute sur la foi[36] ». Comme le remarque Giu­seppe Albe­ri­go, « l’acte le plus impor­tant du Concile […] fut la rédac­tion et l’approbation de la défi­ni­tion de foi sous la forme d’un sym­bole, com­pen­dium des véri­tés essen­tielles pro­fes­sées par l’Église[37] ». Ce docu­ment, appe­lé à tra­ver­ser les siècles, s’appuie sur l’Écriture et la Tra­di­tion. Il s’enracine dans la pro­fes­sion de foi d’un synode tenu à Antioche en 324–325, dont le texte a été révi­sé et com­plé­té[38]. Par les mots « Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu », les pères écartent toute idée de hié­rar­chie entre les per­sonnes divines. Sou­hai­tant pré­ci­ser la rela­tion entre le Père et le Fils pour évi­ter l’équivoque, ils vont au-delà d’une for­mu­la­tion biblique et recourent aux caté­go­ries de la phi­lo­so­phie. Le sym­bole de foi porte la marque d’une exi­gence de cla­ri­fi­ca­tion. La prio­ri­té don­née à la doc­trine est d’autant plus éton­nante que le Concile fut convo­qué par un prince, peu à l’aise avec les dis­cus­sions théo­lo­giques, mais assu­ré­ment convain­cu que l’unité catho­lique exige l’adhésion à un Cre­do com­mun aux termes suf­fi­sam­ment pré­cis.

L’importance don­née à l’unité doc­tri­nale des chré­tiens conduit à envi­sa­ger des peines pour sanc­tion­ner les entorses à la lex cre­den­di. Le Concile ne se contente pas d’énoncer la foi de l’Église, il s’emploie à rendre cette doc­trine juri­di­que­ment contrai­gnante sous forme d’un dogme qui oblige[39]. La for­mule uti­li­sée ana­the­ma sit, qui sera reprise dans les conciles jusqu’à Vati­can I, entend exclure de la com­mu­nau­té l’hérétique en situa­tion de dis­si­dence doc­tri­nale[40]. Dans son dis­cours de clô­ture pro­non­cé le 25 juillet 325, Constan­tin enjoint les évêques de défendre les textes du Concile sous peine d’excommunication. Deux évêques s’y refusent et sont immé­dia­te­ment dépo­sés. La sen­tence pro­non­cée contre Arius dès 318 est confir­mée[41].

La pri­mau­té don­née à la doc­trine sur la dis­ci­pline ecclé­sias­tique et la pas­to­rale a été une constante dans l’Église, car les prin­cipes aux­quels adhère l’intelligence condi­tionnent l’agir humain[42]. Dans la vie des socié­tés, « il n’existe pas une pra­tique qui soit sim­ple­ment juste, en dehors d’une connais­sance de ce qui est juste », car « la volon­té sans connais­sance est aveugle et, de même, les actions, l’orthopraxie, sont aveugles sans la connais­sance et conduisent à l’abîme[43] ». C’est pour­quoi il est légi­time de s’inquiéter, lorsque la pas­to­rale s’organise en dehors d’un cadre doc­tri­nal ferme.

L’exhortation Amo­ris lae­ti­tia a opé­ré un ren­ver­se­ment de pers­pec­tive entre doc­trine et pas­to­rale, qui n’est pas pas­sé inaper­çu. Quelques jours avant la publi­ca­tion de ce texte, le car­di­nal Wal­ter Kas­per annon­çait triom­pha­le­ment une réforme révo­lu­tion­naire « qui fera tour­ner la page à l’Église après 1700 ans[44]». Par cette allu­sion au concile de Nicée, le pré­lat sou­li­gnait que l’autorité ne se posi­tion­ne­rait plus d’abord en fonc­tion de la doc­trine reçue, mais selon une approche pas­to­rale sub­jec­ti­viste. De fait, le prin­ci­pal reproche for­mu­lé à l’encontre de ce texte est le manque de cohé­rence entre doc­trine et pas­to­rale. L’exhortation assume les vues du magis­tère anté­rieur sur la famille, mais admet des pra­tiques qui s’en écartent. Les quatre car­di­naux qui ont expri­mé leurs dubia (19 sep­tembre 2016) au sujet des para­graphes n° 300–305 d’Amo­ris lae­ti­tia ont mon­tré que les orien­ta­tions pas­to­rales du texte n’étaient pas en har­mo­nie avec la doc­trine énon­cée par le magis­tère[45]. Mais des théo­lo­giens qui défendent la pra­tique de don­ner les sacre­ments aux bap­ti­sés en situa­tion irré­gu­lière ont éga­le­ment expri­mé leur per­plexi­té. Ain­si Ignace Ber­ten a salué la porte ouverte par le texte, mais a regret­té que le pape n’ait pas osé modi­fier la doc­trine pour l’aligner sur cette nou­velle manière de pro­cé­der[46]. Ces cri­tiques en sens contraire affirment la néces­si­té d’une cohé­rence entre doc­trine et pas­to­rale, alors que l’objectif de Fran­çois semble autre : réfor­mer l’Église, sans révi­ser la doc­trine, mais en sou­met­tant cette der­nière à un dis­cer­ne­ment pas­to­ral pou­vant aller jusqu’à offrir des réponses par­ti­cu­lières en contra­dic­tion avec les ensei­gne­ments reçus et trans­mis par le magis­tère[47].

La décla­ra­tion Fidu­cia sup­pli­cans (18 décembre 2023) du Dicas­tère pour la doc­trine de la foi a confir­mé com­bien une pas­to­rale décon­nec­tée de la doc­trine est illi­sible pour une large par­tie du peuple chré­tien[48]. S’il réaf­firme la doc­trine catho­lique sur le mariage, ce texte donne la pos­si­bi­li­té aux prêtres de bénir des couples en « situa­tion irré­gu­lière », tant les couples de sexe oppo­sé que les « divor­cés-rema­riés ». Le texte évoque une béné­dic­tion non litur­gique, infor­melle et spon­ta­née, mais l’innovation a été accueillie froi­de­ment et jugée sévè­re­ment, notam­ment en Afrique[49]. L’ampleur des réac­tions a entraî­né un com­mu­ni­qué de presse le 4 jan­vier 2024[50]. Cepen­dant la démarche de cla­ri­fi­ca­tion n’a pas atteint son but. La dis­tinc­tion entre béné­dic­tions litur­giques et béné­dic­tions pas­to­rales n’a pas convain­cu[51]. En évo­quant mal­adroi­te­ment des « béné­dic­tions pas­to­rales très brèves », des « béné­dic­tions de quelques secondes, sans Rituel et sans Livre des béné­dic­tions », le docu­ment a mani­fes­té l’impasse où mène une pas­to­rale qui tente de contour­ner la Parole de Dieu.

4. Une Église hié­rar­chique sou­cieuse de la sanc­ti­fi­ca­tion du cler­gé

La pro­fes­sion de foi du Concile ne sau­rait éclip­ser les autres sujets trai­tés par les pères de Nicée. S’ils ne consti­tuent pas « un essai de codi­fi­ca­tion géné­rale, ni même une syn­thèse quelque peu métho­dique », ces canons dis­ci­pli­naires sont de « simples normes dis­per­sées qui peuvent être grou­pées en quelques cha­pitres[52] ». Deux orien­ta­tions assez nettes fai­sant écho à des pro­blé­ma­tiques actuelles méritent d’être rele­vées.

Une pre­mière ten­dance qui se dégage est « le sou­ci d’assurer au sacer­doce une digni­té publique qui le rende inat­ta­quable[53] ». Le Concile confirme la dis­tinc­tion entre clercs et laïcs et pose la supé­rio­ri­té de l’état sacer­do­tal qui implique un devoir d’exemplarité des prêtres dans l’ordre de la sain­te­té[54]. « Aus­si bien pour ce qu’elles disent que pour ce qu’elles taisent, les lois de Nicée sup­posent une atmo­sphère de bon esprit et de digni­té comme il conve­nait à des prêtres ayant sup­por­té héroï­que­ment de longues et san­glantes per­sé­cu­tions[55]. » Six canons traitent de la digni­té du cler­gé sous divers aspects. Les ennuques sont écar­tés du sacer­doce (canon 1). Il est deman­dé aux évêques d’éviter toute pré­ci­pi­ta­tion dans l’accès aux ordres et de faire preuve de dis­cer­ne­ment dans le choix des can­di­dats au sacer­doce (canon 2). Les évêques, les prêtres et les diacres ne peuvent coha­bi­ter avec des femmes étran­gères à leur famille (canon 3). Les clercs éle­vés au sacer­doce, dont l’indignité est décou­verte, doivent quit­ter leur état. Les lap­si ne peuvent être admis dans le cler­gé (canon 10). Les clercs qui pra­tiquent l’usure sous quelque forme sont dégra­dés de leur état (canon 17). L’esprit de ces normes se retrouve dans la Règle pas­to­rale (590–591) de saint Gré­goire le Grand qui défi­nit le prêtre comme un « homme mis à part pour mon­trer le visage de la sain­te­té[56] ».

Ces dis­po­si­tions visant à main­te­nir les clercs dans une conduite digne de leur état sont à recon­si­dé­rer atten­ti­ve­ment après la crise des abus sexuels qui a dis­cré­di­té le sacer­doce. Au-delà du devoir de répa­ra­tion et des pro­cé­dures pénales à mettre en œuvre, l’Église doit ten­ter de com­prendre com­ment de tels scan­dales ont pu se pro­duire. Si Fran­çois a vili­pen­dé les abus d’autorité des prêtres sous le terme « clé­ri­ca­lisme », le pape émé­rite Benoît XVI a mon­tré que l’Église n’avait pas suf­fi­sam­ment pro­té­gé son cler­gé face à cer­tains dan­gers, notam­ment la révo­lu­tion sexuelle et la libé­ra­tion des mœurs, la rela­ti­vi­sa­tion du péché en théo­lo­gie morale, la perte du sacré, le refus de Dieu au sein de la socié­té[57]. Pour que le peuple chré­tien ait confiance dans ses prêtres et dis­cerne en eux des ministres sacrés, ces der­niers ont besoin de veiller à leur sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle. Comme sti­pule le droit, « dans leur conduite, les clercs sont tenus par un motif par­ti­cu­lier à pour­suivre la sain­te­té, puisque consa­crés à Dieu à un titre nou­veau par la récep­tion du sacre­ment de l’ordre, ils sont les dis­pen­sa­teurs des mys­tères de Dieu au ser­vice de son peuple[58] ».

Par ailleurs, sou­cieux d’assurer la soli­di­té des struc­tures ayant sou­te­nu l’Eglise durant les per­sé­cu­tions, le concile de Nicée conforte les bases d’une Église hié­rar­chique à dif­fé­rents éche­lons. L’évêque, les prêtres et les diacres sont atta­chés à un ter­ri­toire, sur lequel ils doivent demeu­rer (canons 15–16). Au-des­sus d’eux se trouve l’évêque métro­po­li­tain (canons 4–5) qui pré­side plu­sieurs dio­cèses unis dans une épar­chie ou pro­vince ecclé­sias­tique. Il lui revient de convo­quer et de pré­si­der le synode pro­vin­cial. En haut de la hié­rar­chie, les sièges de Rome, Alexan­drie, Antioche et Jéru­sa­lem voient leurs pré­ro­ga­tives pré­ci­sées (canons 6–7). Le Concile appuie la ver­ti­ca­li­té de l’Église, qui se ren­for­ce­ra encore à l’époque médié­vale.

Au regard de cet ordre ecclé­sial fon­dé sur une longue tra­di­tion, le pro­jet d’édifier une « Église syno­dale » en forme de pyra­mide inver­sée, où le « som­met est sous la base » appa­raît comme une sorte de rêve impos­sible[59]. Lors du récent Synode sur la syno­da­li­té (2021–2024), le Pro­fes­seur Car­lo Fan­tap­piè a mis en garde contre une nou­velle concep­tion de la syno­da­li­té qui ne res­pec­te­rait pas l’identité de l’Église et pour­rait même modi­fier les équi­libres de sa consti­tu­tion divine[60] . S’il note que l’Église a réuni avec pro­fit, dès l’Antiquité, des conciles par­ti­cu­liers qui à par­tir du Moyen Age ont veillé à « l’application et l’adaptation des normes com­munes des conciles géné­raux à la réa­li­té des Église par­ti­cu­lières », l’historien du droit déplore la « vision plas­tique, géné­rique et indé­ter­mi­née de la syno­da­li­té » actuelle qui fait pré­va­loir un « modèle socio­lo­gique plu­tôt que théo­lo­gi­co-cano­nique[61] ».

5. La récep­tion contra­riée d’une pro­fes­sion de foi exi­geante

Éton­nam­ment qua­rante-ans après la fin du Concile, l’arianisme triomphe. Le concile de Nicée « n’a pas abou­ti à une situa­tion de récon­ci­lia­tion et d’unité comme l’avait espé­ré Constan­tin, pro­mo­teur de ce grand Concile, mais à une situa­tion réel­le­ment chao­tique où tout le monde se dis­pu­tait avec tout le monde[62] ». Cet échec s’explique par la ter­mi­no­lo­gie encore impré­cise du lexique phi­lo­so­phique[63]. Cepen­dant deux fac­teurs aggravent la crise : les pres­sions exté­rieures exer­cées sur les évêques et l’illusion de trou­ver un com­pro­mis doc­tri­nal. Sous des formes renou­ve­lées ces dan­gers demeurent actuels.

5.1. Les pres­sions exté­rieures

Le concile de Nicée doit son suc­cès à l’autorité poli­tique, mais l’échec de sa récep­tion peut aus­si lui être impu­té. C’est dire si l’appui des princes est une arme à double tran­chant. Constan­tin voit juste, lorsqu’il appelle les évêques à rame­ner l’unité en asso­ciant au débat les divers cou­rants théo­lo­giques, mais il se trompe en impo­sant par la force la pro­fes­sion de foi nicéenne qui aurait exi­gé beau­coup de péda­go­gie. Sur­tout, lorsqu’il com­prend que le Cre­do nicéen est contes­té, Constan­tin, en habile poli­tique, inflé­chit sa posi­tion. En 335, le concile de Tyr lève l’excommunication d’Arius. Cepen­dant, selon Pierre Mara­val et quoi qu’en dise saint Jérôme, Constan­tin n’a jamais adhé­ré à l’arianisme[64]. Ses suc­ces­seurs s’impliquent dans la réso­lu­tion de la crise, en sui­vant des voies oppo­sées. Constant Ier (337–350) défend le Cre­do de Nicée avec Maxi­min de Trèves, mais Constance II (337–361), qui règne seul à par­tir de 353, « aria­nise » l’Empire (353–361). Hilaire de Poi­tiers dénonce l’attitude de ce nou­veau Néron, « tyran » non en matière pro­fane mais reli­gieuse, qui com­bat Dieu, se déchaîne contre l’Église, per­sé­cute les saints, hait les pré­di­ca­teurs du Christ et anéan­tit la reli­gion[65]. La pres­sion du pou­voir poli­tique est telle qu’en 357 le pape Libère signe une for­mule de foi où le terme « homoou­sios » est absent.

À toute époque l’Église doit se mon­trer vigi­lante face aux ingé­rences exté­rieures et se méfier des puis­sants qui tentent d’influencer ses déci­sions. Si jadis l’autorité poli­tique pou­vait s’immiscer de manière indue dans les affaires ecclé­sias­tiques, voire mena­cer la liber­té des évêques à pro­cla­mer la foi en Jésus-Christ, désor­mais le dan­ger se situe du côté du pou­voir média­tique qui essaye d’imposer ses vues et ses prio­ri­tés[66]. Joseph Rat­zin­ger-Benoît XVI a plu­sieurs fois sou­li­gné que le rôle des médias avait été déter­mi­nant à Vati­can II, évo­quant un pseu­do « Concile des médias » qui aurait défor­mé le vrai Concile et contri­bué à la crise de l’après-Concile[67]. La ques­tion est reve­nue dans l’actualité lors de la 16e assem­blée géné­rale ordi­naire du Synode des évêques sur la syno­da­li­té (octobre 2024), durant laquelle les médias se sont foca­li­sés sur d’hypothétiques réformes « révo­lu­tion­naires » atten­dues par une par­tie de l’opinion publique, comme l’ordination des femmes ou la légi­ti­ma­tion des unions de même sexe[68]. Le Règle­ment du Synode a affron­té la dif­fi­cul­té en impo­sant des normes strictes concer­nant la com­mu­ni­ca­tion, afin de favo­ri­ser la confi­den­tia­li­té des échanges, au risque de tenir le peuple chré­tien éloi­gné de l’événement[69].

5.2. La ten­ta­tion d’une réécri­ture rela­ti­viste des dogmes

Après Nicée (325) et jusqu’au concile de Constan­ti­nople (381), des com­pro­mis furent pro­po­sés pour rame­ner la concorde et trou­ver une voie moyenne entre ariens et nicéens. Ces for­mules de foi uti­lisent des concepts et des termes moins pré­cis que ceux de la pro­fes­sion de foi nicéenne, dans l’espoir d’obtenir un plus large consen­sus. Les « homoïou­siens » affirment que le Père et le Fils sont sem­blables en nature, mais non consub­stan­tiels. Les « homéens », avec Acace de Césa­rée, adoptent une for­mule encore plus large et se rap­prochent du par­ti arien. Cette ten­dance prend le des­sus dans le deuxième sym­bole de Sir­mium (357), puis lors des conciles de Rimi­ni (359), Séleu­cie (359) et Constan­ti­nople (360). Cepen­dant ces textes, insa­tis­fai­sants d’un point de vue intel­lec­tuel, échouèrent à sup­plan­ter le Cre­do de Nicée plus pré­cis, d’autant qu’avec le temps, le tra­vail théo­lo­gique per­mit de dis­si­per le mal­en­ten­du sub­stan­tia-hypo­sta­sis entre les mondes grec et latin.

Ce moment de crise, où l’Église s’est déchi­rée autour de for­mules doc­tri­nales, en ten­tant de trou­ver un consen­sus, avant de reve­nir à la pro­fes­sion de foi ini­tiale pré­ci­sée, s’est répé­tée dans l’Église à chaque fois que des chré­tiens ont cher­ché à réécrire un dogme exi­geant, de sur­croit mal reçu, plu­tôt que de l’approfondir. Au XXe siècle, la réécri­ture des dogmes a été le fait du « moder­nisme ». Comme l’explique l’encyclique Pas­cen­di, « évo­luer et chan­ger, non seule­ment le dogme le peut, il le doit : c’est ce que les moder­nistes affirment hau­te­ment et qui d’ailleurs découle mani­fes­te­ment de leurs prin­cipes[70] ». La doc­trine sur l’eucharistie qui emprunte son voca­bu­laire à la phi­lo­so­phie en a fait l’expérience, avant que le magis­tère ne réagisse[71]. Dans l’encyclique Mys­te­rium Fidei (3 sep­tembre 1965), Paul VI rap­pelle qu’il « n’est pas per­mis de trai­ter du mys­tère de la trans­sub­stan­tia­tion sans allu­sion à la pro­di­gieuse conver­sion de toute la sub­stance du pain au corps du Christ et de toute la sub­stance du vin au sang du Sei­gneur conver­sion dont parle le concile de Trente – et d’en res­ter sim­ple­ment à ce qu’on nomme “trans­si­gni­fi­ca­tion” et “trans­fi­na­li­sa­tion[72]” ». Aujourd’hui une autre doc­trine est concer­née : l’infaillibilité et la pri­mau­té romaine dont traite la consti­tu­tion Pas­tor aeter­nus (18 juillet 1870) du concile Vati­can I. Dans un docu­ment d’étude publié le 13 juin 2024, le Dicas­tère pour l’unité des chré­tiens appelle à tenir compte sur ce sujet des évo­lu­tions du débat œcu­mé­nique, spé­cia­le­ment des réponses reçues à l’encyclique Ut unum sint (1995). C’est pour­quoi il appelle à une relec­ture de Vati­can I « à la lumière de l’ensemble de la Tra­di­tion », mais aus­si « à l’horizon d’une conver­gence œcu­mé­nique crois­sante sur le fon­de­ment biblique, les déve­lop­pe­ments his­to­riques et la signi­fi­ca­tion théo­lo­gique de la pri­mau­té et de la syno­da­li­té[73] ». La réponse à une telle étude se trouve sans doute dans une autre consti­tu­tion de ce même Concile qui affirme : « Le sens des dogmes que notre Mère la Sainte Église a pro­po­sés une fois pour toutes doit tou­jours être main­te­nu et on ne peut jamais s’en écar­ter avec la vaine pré­ten­tion d’en obte­nir une intel­li­gence plus pro­fonde[74]. »

6. La per­sis­tance de la pro­fes­sion de foi nicéenne lors de la crise arienne

Après Nicée sur­vient une longue éclipse, où l’unité de foi n’est plus per­cep­tible dans l’Église, tant les posi­tions doc­tri­nales divergent. Seuls quelques évêques et une large par­tie du peuple chré­tien défendent cou­ra­geu­se­ment la foi nicéenne.

6.1. Les évêques défen­seurs de la foi nicéenne

Saint Atha­nase illustre le « bon com­bat » en faveur de l’orthodoxie nicéenne. Gré­goire de Naziance vit juste, lorsqu’il célé­bra ce défen­seur de la foi comme « trom­pette son­nant hau­te­ment la véri­té » et « pilier de l’Église[75] ». L’évêque d’Alexandrie livra toutes ses forces dans la bataille. Les trois Dis­cours contre les ariens publiés entre 356 et 362 résument puis réfutent la doc­trine d’Arius, en scru­tant les pas­sages de l’Écriture qui évoquent la géné­ra­tion du Fils[76]. Mais cette étude s’opéra au milieu de la lutte. « A cinq reprises au moins – sur une période de trente ans, entre 336 et 366 », l’évêque d’Alexandrie « fut obli­gé d’abandonner sa ville, pas­sant dix années en exil et souf­frant pour la foi[77] ». Atha­nase fut per­sé­cu­té par les groupes ariens et anti-nicéens mais aus­si par les empe­reurs qui aspi­raient à une for­mule de foi souple capable de réunir tous les chré­tiens et donc de rame­ner la paix.

Saint Atha­nase cher­cha à entraî­ner d’autres évêques dans sa résis­tance à l’erreur. Dans une cir­cu­laire rédi­gée en l’an 340, il invite les évêques à faire bloc contre l’arianisme, comme les israé­lites y furent exhor­tés jadis par un lévite dési­rant ven­ger l’honneur de sa femme qui avait été hon­teu­se­ment outra­gée[78]. L’évêque éta­blit une ana­lo­gie auda­cieuse. « En ce temps-là, c’était une seule femme qui a avait subi l’injustice, un seul lévite qui avait été per­sé­cu­té. Aujourd’hui, c’est toute l’Église qui souffre l’injustice, le sacer­doce a été mépri­sé au-delà de tout et – ce qui est pis – la crainte de Dieu a été per­sé­cu­tée par l’athéisme[79]. »

Sym­bole de la lutte contre l’arianisme, saint Atha­nase consti­tue un point de repère pour les chré­tiens, lorsque la foi est mena­cée. Ain­si, en 1973, à l’occasion du XVIe cen­te­naire de la mort de saint Atha­nase, Mgr Rudolf Gra­ber (1903–1992), évêque de Ratis­bonne, fai­sait un paral­lèle entre la crise d’après Nicée et celle pos­té­rieure à Vati­can II[80].

Ce qui eut lieu alors, il y a plus de 1600 ans, se renou­velle aujourd’hui, seule­ment avec une double ou triple dif­fé­rence : Alexan­drie est aujourd’hui l’ensemble de l’Église mon­diale, qui est ébran­lée sur ses bases et ce qui autre­fois était entre­pris par la contrainte phy­sique et la cruau­té se place dans un autre domaine. Le ban­nis­se­ment est rem­pla­cé par un silence de mort et la mort par le meurtre de la répu­ta­tion.

D’autres évêques ont contri­bué au suc­cès de l’orthodoxie nicéenne, notam­ment saint Basile. Après avoir défen­du l’égalité du Père et du Fils dans son trai­té Contre Eunome (364), l’évêque de Césa­rée (370–379) résiste à Valens. Dans sa cor­res­pon­dance, il décrit les ravages cau­sés par l’hérésie d’Arius dans l’espoir de sus­ci­ter un réveil des consciences[81]. Écri­vant aux évêques d’Occident en 372, il se lamente que « des loups cruels qui déchirent le trou­peau du Christ » rem­placent « les pas­teurs » chas­sés de leur siège et il sup­plie ses frères d’user de leur liber­té de parole pour défendre la véri­té.

Armez-vous d’un zèle de pié­té, déli­vrez-nous de cette tem­pête. Qu’il soit chez vous sur toutes les lèvres et pro­cla­mé en toute liber­té, ce bon mes­sage des Pères, qui détruit l’odieuse héré­sie d’Arius et édi­fie les Églises dans la sainte doc­trine, celle où le Fils est recon­nu consub­stan­tiel au Père, et où l’Esprit-Saint, jouis­sant des mêmes hon­neurs, est comp­té et ado­ré avec eux. Ain­si la liber­té de parole que vous a don­née le Sei­gneur pour la véri­té, et cette gloire pour la confes­sion de la divine et salu­taire Tri­ni­té, il nous les accor­de­ra, à nous aus­si, par vos prières et votre concours[82].

Le mes­sage demeure actuel, alors que trop de clercs sont des « chiens muets inca­pables d’aboyer » (Is 56, 10) lais­sant les fidèles défendre eux-mêmes la foi.

6.2. La foi per­sé­vé­rante des fidèles

Évo­quant la période après Nicée, le car­di­nal John Hen­ry New­man (1801–1890) relève que la tra­di­tion divine fut alors « davan­tage pro­fes­sée et défen­due par les fidèles que par l’épiscopat[83] ». Il pré­cise que de nom­breux prêtres ont « ser­vi de point d’appui et de guides » aux laïcs[84]. Quant aux évêques, la « grande majo­ri­té » sont res­tés « ortho­doxes dans leur croyance pri­vée », mais « le corps des évêques s’est mon­tré inca­pable de confes­ser la foi, s’exprimant de manière diver­gente et contra­dic­toire[85] ». Sou­hai­tant dis­si­per tout mal­en­ten­du, New­man expli­cite ses pro­pos.

Ce que je veux dire […], c’est qu’à cette époque de confu­sion extrême, le dogme divin de la divi­ni­té de Notre-Sei­gneur s’est trou­vé pro­cla­mé, appli­qué, défen­du et (humai­ne­ment par­lant) sau­ve­gar­dé beau­coup plus par l’Église ensei­gnée (l’Eccle­sia doc­ta) que par l’Église ensei­gnante (l’Eccle­sia docens) ; que le corps de l’épiscopat a failli à sa mis­sion, alors que le corps des laïcs n’a pas failli à son bap­tême ; qu’en une occa­sion le pape, qu’en d’autres occa­sions tel patriarche, tel métro­po­li­tain ou tel évêque impor­tant, ou que d’autres fois encore des conciles géné­raux ont dit ce qu’ils n’auraient pas dû dire, ou se sont com­por­tés d’une façon qui a obs­cur­ci et com­pro­mis la véri­té révé­lée ; alors qu’en revanche ce sont les fidèles chré­tiens, sous la conduite de la Pro­vi­dence, qui ont consti­tué la force ecclé­sias­tique d’Athanase, d’Hilaire, d’Eusèbe de Ver­ceil et d’autres grands confes­seurs soli­taires qui sans eux auraient connu l’échec[86].

J. H. New­man sou­ligne que « la voix infaillible de l’Église ne s’est en réa­li­té jamais fait entendre avec auto­ri­té entre le concile de Nicée (en 325) et le concile de Constan­ti­nople (381[87]) ». La preuve en est que durant cette période, « on ne trouve aucune pro­fes­sion de foi qui soit ferme, durable et cohé­rente[88]».

La confu­sion doc­tri­nale de notre époque rend ces réflexions actuelles. Dans son livre Le soir approche et déjà le jour baisse (2019), le car­di­nal Robert Sarah donne en exemple les chré­tiens qui ont com­bat­tu l’arianisme et don­né leur vie « pour la pure­té de leur foi[89] ». Dans les époques de trouble, les « petits qui croient » (Mc 9, 42) sans se lais­ser désta­bi­li­ser par les attaques dont leur foi est l’objet, sont des pro­phètes et des pré­cur­seurs. Ren­dant témoi­gnage à la véri­té, ils pré­parent la réforme dont l’Église a besoin[90].

Conclu­sion

D’emblée le pre­mier concile œcu­mé­nique paraît rele­ver d’un temps bien loin­tain. Les actes du Concile n’existent pas. Un empe­reur convoque le concile où le pape est absent. L’Église uni­ver­selle est repré­sen­tée par des évêques en majo­ri­té orien­taux. Le voca­bu­laire théo­lo­gique n’est pas encore fixé. Et pour­tant le concile de Nicée reste d’une grande actua­li­té. La pro­fes­sion de foi rati­fiée par les pères énonce une véri­té fon­da­men­tale sur l’identité du Fils de Dieu, qui résonne tou­jours dans le Cre­do. L’assemblée traite de ques­tions, comme la date de Pâques et le céli­bat des prêtres, qui s’avèrent encore débat­tues aujourd’hui. Sur­tout l’après-Concile révèle com­bien des énon­cés dog­ma­tiques d’une éblouis­sante véri­té peuvent sus­ci­ter objec­tions, rejet et résis­tance dans le corps épis­co­pal.

L’histoire est maî­tresse de vie[91]. Elle éclaire des sujets com­plexes, met en garde contre des pièges, pro­pose des solu­tions. Assu­ré­ment le concile convo­qué par Constan­tin en 325 parle à notre époque mar­quée par le rela­ti­visme et le désen­chan­te­ment. Nicée invite à prendre au sérieux les menaces qui pèsent sur la foi de l’Eglise, à redé­cou­vrir la cohé­rence de la doc­trine catho­lique, à expli­quer les dogmes plu­tôt qu’à les réécrire. De sur­croît le Concile offre une leçon d’espérance à tous ceux qui édi­fient le royaume de Jésus, mais ne voient guère leur acti­vi­té cou­ron­née de résul­tats. « Si la construc­tion doc­tri­nale de Nicée a pu deve­nir, pour tou­jours, le patri­moine com­mun des Églises, d’Orient aus­si bien que d’Occident », c’est grâce au concile de Constan­ti­nople (381) pré­pa­ré par un impor­tant tra­vail théo­lo­gique et la prière de l’Église[92]. « Autre est celui qui sème, autre celui qui mois­sonne » (Jn 4, 37).

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[1] Fran­çois, Bulle d’indiction du jubi­lé ordi­naire de l’année 2025 (9 mai 2024) : « Son anni­ver­saire invite les chré­tiens à s’unir dans la louange et l’action de grâce à la Sainte Tri­ni­té et en par­ti­cu­lier à Jésus-Christ, le Fils de Dieu, “consub­stan­tiel au Père”, qui nous a révé­lé ce mys­tère d’amour. Mais Nicée repré­sente aus­si une invi­ta­tion à toutes les Églises et com­mu­nau­tés ecclé­siales à pour­suivre le che­min vers l’unité visible, à ne pas se las­ser de cher­cher les formes adé­quates pour répondre plei­ne­ment à la prière de Jésus : “Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aus­si, pour que le monde croie que tu m’as envoyé” (Jn 17, 21). »

[2] Lettre des évêques de France aux prêtres, diacres, per­sonnes consa­crées, laïcs en mis­sion ecclé­siale et au peuple de Dieu à l’occasion du Jubi­lé et de l’anniversaire du concile de Nicée (10 novembre 2024). Le texte sou­ligne que « le cou­rant arien a été très puis­sant au IVe siècle et que la “ten­ta­tion arienne” per­siste, peut-être incons­ciem­ment, dans bien des images assez répan­dues d’un Dieu dont la trans­cen­dance inter­dit une réelle proxi­mi­té avec l’humanité ».

[3] Par­mi les tra­vaux publiés à l’occasion de cet anni­ver­saire, voir Le concile de Nicée, Com­mu­nio 296 (novembre-décembre 2024).

[4] Voir par exemple : Yves Chi­ron, His­toire des Conciles, Per­rin, Paris, 2011 ; Giu­seppe Albe­ri­go, Les conciles œcu­mé­niques, t. 1 : L’histoire, Cerf, Paris, 2012 ; Igna­cio Ortiz de Urbi­na, Les conciles de Nicée et de Constan­ti­nople : 325 et 381, Fayard, Paris, 2006.

[5] Le schisme méli­cien se pro­duit après la condam­na­tion de Paul de Samo­sate. Décla­ré héré­tique et dépo­sé par un concile en 268, Paul de Samo­sate se main­tient mal­gré tout à la tête de l’Église d’Antioche.

[6] Eusèbe de Césa­rée, Vie de Constan­tin, éd. F. Win­kel­mann, “Sources chré­tiennes 559”, Cerf, Paris, 2013, Livre III, n° 14, p. 371.

[7] Jean-Robert Armo­gathe, Pas­cal Mon­tau­bin et Michel-Yves Per­rin (dir.), His­toire géné­rale du Chris­tia­nisme, t. 1 : Des ori­gines au XVe siècle, PUF, Paris, 2010, p. 208.

[8] Mar­cel Metz­ger, « Trois lettres et un dis­cours de l’empereur Constan­tin le Grand aux évêques », dans Droit et reli­gion en Europe : études en l’honneur de Fran­cis Mess­ner, PUS, Stras­bourg, 2014, p. 507–518, https://books.openedition.org/pus/9531?lang=fr, consul­té le 20 mars 2025. La contri­bu­tion s’appuie sur :  Pierre Mara­val, Constan­tin le Grand. Lettres et dis­cours, Paris, Les Belles Lettres, 2010.

[9] M. Metz­ger, « Trois lettres et un dis­cours », Lettre 4 (313).

[10] Ibid., Lettre 15 (324).

[11] Ibid., Lettre 16 (324).

[12] Eusèbe de Césa­rée, Vie de Constan­tin, p. 359.

[13] Ibid., p. 367.

[14] Ibid.

[15] Ibid., p. 369.

[16] Ce thème a par­ti­cu­liè­re­ment été déve­lop­pé par Optat de Milève et saint Augus­tin lors de la crise dona­tiste (311–411).

[17] « Ce qui semble nor­mal pour un évêque d’un conti­nent peut se révé­ler étrange, presque comme un scan­dale – presque – pour l’évêque d’un autre conti­nent » : Fran­çois, Dis­cours lors de la conclu­sion de la XIVe assem­blée géné­rale ordi­naire du Synode des évêques (24 octobre 2015). Le débat sur l’accès aux sacre­ments des « divor­cés rema­riés » a mar­qué la IIIe assem­blée géné­rale extra­or­di­naire du Synode des évêques sur « les défis pas­to­raux de la famille dans le contexte de l’évangélisation » (5–19 octobre 2014) et la XIVe assem­blée géné­rale ordi­naire sur le thème « la voca­tion et la mis­sion de la famille dans l’Église et le monde contem­po­rain » (4–25 octobre 2015).
[18] Isa­bel­la Piro, « Ins­tru­men­tum Labo­ris : une Église en marche avec l’engagement mis­sion­naire », Vati­can News (9 juillet 2024). Le pape a déci­dé que la com­mis­sion éta­blie en 2020 sur le dia­co­nat fémi­nin pour­sui­vrait ses acti­vi­tés.
[19] Fran­çois, Salu­ta­tion finale lors de la XVIe assem­blée géné­rale ordi­naire du Synode des évêques (24 octobre 2024).
[20] Arnaud Join-Lam­bert, « Synode : “Pour­quoi Fran­çois a renon­cé à écrire une exhor­ta­tion apos­to­lique” », La Croix (1er novembre 2024).
[21] Mgr Kurt Koch, L’œcuménisme en marche : le point sur la situa­tion du mou­ve­ment œcu­mé­nique aujourd’hui. Dis­cours d’ouverture lors de l’Assemblée plé­nière du Conseil pon­ti­fi­cal pour l’unité des chré­tiens (15 novembre 2010).

[22] Ibid. « Par cette recon­nais­sance, on consi­dère que la diver­si­té récon­ci­liée est déjà réa­li­sée. La prai­rie en fleurs des dif­fé­rentes Églises confes­sion­nelles est de fait une invi­ta­tion à nous concé­der réci­pro­que­ment crois­sance et pros­pé­ri­té et est consi­dé­rée comme la repré­sen­ta­tion la plus rai­son­nable de l’unité chré­tienne par rap­port à la “mono­cul­ture” d’une seule Église. »

[23] Par­mi ces for­mules, on trouve : « Le Fils n’était pas depuis tou­jours », « Le Verbe de Dieu lui aus­si est issu du néant et il y eut une fois où il n’était pas », « Le Verbe n’est pas Dieu véri­table. Bien qu’il soit appe­lé Dieu, il ne l’est pas vrai­ment », « Le Verbe est étran­ger et tout à fait dis­sem­blable à l’essence et à l’identité du Père », « Le Verbe ne peut voir ni connaître entiè­re­ment et avec exac­ti­tude son propre Père ». Voir Atha­nase d’Alexandrie, Trai­tés contre les ariens, t. 1, éd. Charles Kan­nen­gies­ser, Lucian Dîn­ca et Adria­na Bara, “Sources chré­tiennes 598”, Cerf, Paris, 2019, p. 115–119.

[24] Fran­çois, Exhor­ta­tion apos­to­lique Gau­dete et Exul­tate (19 mars 2018), n° 35. Le pape cible le gnos­ti­cisme et le péla­gia­nisme, en ana­ly­sant les formes pra­tiques de ces dévia­tions en qui « s’exprime un imma­nen­tisme anthro­po­cen­trique dégui­sé en véri­té catho­lique ».

[25] Benoît XVI, Audience sur saint Atha­nase (20 juin 2007).

[26] Id., Audience sur saint Hilaire de Poi­tiers (10 octobre 2007). Le pape pour­suit : « La reli­gion (“reli­gare” en latin) relie à Dieu. Le ratio­na­lisme limite à l’homme. La ten­ta­tion ratio­na­liste est facile et elle est de toutes les époques. De plus, elle est le poi­son le plus effi­cace pour sépa­rer l’homme de Dieu, car sa racine n’est autre que l’orgueil. Toutes les révoltes, toutes les héré­sies, toutes les idéo­lo­gies (qu’elles soient nées car­té­siennes, hégé­liennes, libé­rales ou autres) sont des ratio­na­lismes car elles impliquent tou­jours, à un moment don­né, l’autonomie d’une rai­son qui refuse le don­né révé­lé. »

[27] Clau­dio Pie­ran­to­ni, « The Arian cri­sis and the cur­rent contro­ver­sy about Amo­ris lae­ti­tia : a paral­lel », AEMAET : Wis­sen­schaft­liche Zeit­schrift für Phi­lo­so­phie und Theo­lo­gie 5/2 (2016), p. 250–278.

[28] Fran­çois, Exhor­ta­tion apos­to­lique Amo­ris lae­ti­tia (19 mars 2016), note 251.

[29] Par la suite, en 2017, le pape a insé­ré dans les Acta apos­to­li­cae sedis le com­men­taire d’Amo­ris lae­ti­tia don­né par les évêques de la région de Bue­nos Aires en 2016. Or, s’ils rejettent l’idée d’un accès sans res­tric­tion aux sacre­ments, les évêques argen­tins pré­voient la pos­si­bi­li­té de don­ner la com­mu­nion à des couples en situa­tion irré­gu­lière, lorsque cer­taines condi­tions sont véri­fiées. Voir Marie Mal­zac, « L’interprétation argen­tine d’Amo­ris lae­ti­tia recon­nue “magis­tère authen­tique” », La Croix (4 décembre 2017).

[30] Cl. Pie­ran­to­ni, « The Arian cri­sis », p. 265.

[31] Car­di­nal Kurt Koch, « L’hérésie d’Arius est à nou­veau d’actualité aujourd’hui », Tages­post (22 mai 2024), https://www.die-tagespost.de/kirche/vatikan-und-papst/kardinal-koch-die-irrlehre-des-arius-ist-heute-wieder-aktuell-art-251474 (consul­té le 20 mars 2025).

[32] Les tra­vaux du Che­min syno­dal alle­mand ont entraî­né une réac­tion des ins­tances romaines : le 23 octobre 2013, le car­di­nal Pie­tro Paro­lin a adres­sé une lettre à Beate Gilles, secré­taire géné­rale de la Confé­rence épis­co­pale alle­mande, qui a été com­mu­ni­quée à tous les évêques alle­mands et publiée par le jour­nal Tages­post le 25 novembre. En outre, le 16 février 2024, une lettre a été adres­sée direc­te­ment aux évêques alle­mands par le secré­taire d’État et les car­di­naux Vic­tor Manuel Fernán­dez, pré­fet du dicas­tère pour la Doc­trine de la foi, et Robert Pre­vost, pré­fet du dicas­tère pour les Évêques. Voir Sal­va­tore Cer­nu­zio, « Le Vati­can demande aux évêques alle­mands d’arrêter le pro­jet de comi­té syno­dal », Vati­can News (19 février 2024).

[33] Le « droit divin englobe tous les élé­ments juri­diques qui sont per­ma­nents selon le des­sein divin pour l’Église. Outre les normes ou for­mu­la­tions divi­no-posi­tives, il com­prend aus­si les rap­ports de jus­tice, les struc­tures ecclé­siales ain­si que les biens sal­va­teurs qui, en ver­tu des pres­crits de la Rai­son divine, sont dus en jus­tice au sein de la com­mu­nau­té catho­lique » : Jean-Pierre Schouppe, « Le droit divin des cano­nistes et le droit natu­rel des juristes : des fac­teurs sta­bi­li­sa­teurs en asy­mé­trie », dans Phi­lippe Gérard, Fran­çois Ost et Michel Van de Ker­chove (dir.), L’accélération du temps juri­dique, Presses uni­ver­si­taires Saint-Louis Bruxelles, 2000, p. 213–253, https://doi.org/10.4000/books.pusl.19863 (consul­té le 20 mars 2025).

[34] Claire Lese­gre­tain, « Le pré­sident des évêques alle­mands appelle à s’interroger sur l’ordination des femmes », La Croix (3 juin 2020).

[35] Hen­ri de Lubac, Para­doxes, “Œuvres com­plètes 31”, Cerf, Paris, 1er éd., 1959, nouv. éd., 2010, p. 181. Le théo­lo­gien pour­suit : « Ce n’est pas tou­jours, hélas ! la cha­ri­té qui a gran­di, ou qui est deve­nue plus éclai­rée : c’est sou­vent la foi qui a dimi­nué, le goût des choses éter­nelles » : ibid., p. 182.

[36] Eusèbe de Césa­rée, Vie de Constan­tin, p. 373.

[37] G. Albe­ri­go, Les conciles œcu­mé­niques, p. 33. Saint Gré­goire le Grand, qui évoque suc­cinc­te­ment les quatre pre­miers conciles œcu­mé­niques retient qu’au concile « de Nicée a été détruite la doc­trine per­verse d’Arius ».

[38] Charles et Luce Pie­tri (dir.), His­toire du chris­tia­nisme, t. 2 : Nais­sance d’une Chré­tien­té (250–430), Des­clée, Paris, 1995, p. 269.

[39] Un « dogme est une doc­trine dans laquelle l’Église pro­nonce une véri­té révé­lée de façon défi­ni­tive, sous une forme qui oblige uni­ver­sel­le­ment la com­mu­nau­té ecclé­siale, et de telle sorte que sa néga­tion est reje­tée comme une héré­sie et sanc­tion­née par l’anathème. Dans le dogme au sens strict se joignent ain­si une com­po­sante doc­tri­nale et une com­po­sante juri­dique ou dis­ci­pli­naire » : Com­mis­sion théo­lo­gique inter­na­tio­nale : L’interprétation des dogmes (1989).

[40] Cette dénon­cia­tion reprend les ana­thèmes conte­nus dans la pro­fes­sion de foi du synode antio­chien de 324–325, mais le Nou­veau Tes­ta­ment uti­lise déjà l’expression. « Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annon­ce­rait un autre Évan­gile que celui que nous vous avons prê­ché, qu’il soit ana­thème ! » (Ga 1, 8). Dans la pra­tique, les termes « excom­mu­ni­ca­tion et ana­thème sont uti­li­sés en syno­nymes » : Véro­nique Beau­lande, Le mal­heur d’être exclu ?, Édi­tions de la Sor­bonne, Paris, 2006.

[41] Arius avait été excom­mu­nié par son évêque avant Nicée. En 324, ce der­nier exhor­tait : « Qu’aucun d’entre vous par consé­quent ne les reçoive, parce qu’ils ont été retran­chés de la fra­ter­ni­té, ni n’accueille leurs pro­pos et leurs écrits, car les char­la­tans ne font que men­tir, ils ne diront jamais la véri­té ». Cf. Théo­do­ret de Cyr, His­toire ecclé­sias­tique, t. 1 (Livre I‑II), éd. Annick Mar­tin et Pierre Cani­vet, “Sources chré­tiennes 501”, Cerf, Paris, 2006, I, 4, 58, p. 187.

[42] Comme le remarque Léon XIII, « les défaillances de l’esprit entraînent faci­le­ment celles de la volon­té ; […] La faus­se­té des opi­nions, qui ont leur siège dans l’in­tel­li­gence, influe sur les actions humaines et les vicie. Au contraire, si l’in­tel­li­gence est saine et fer­me­ment appuyée sur des prin­cipes vrais et solides, elle sera, pour la socié­té comme pour les par­ti­cu­liers, la source de grands avan­tages, d’in­nom­brables bien­faits » : Léon XIII, Ency­clique Aeter­ni Patris (4 août 1879).

[43] Joseph Rat­zin­ger, Confé­rence lors du Congrès eucha­ris­tique de Bénévent (Ita­lie) sur le thème « Eucha­ris­tie, com­mu­nion et soli­da­ri­té » (2 juin 2002).

[44] Le 14 mars 2016, le car­di­nal Wal­ter Kas­per, lors d’une confé­rence tenue à Luc­ca, affir­mait : « Dans quelques jours sor­ti­ra un docu­ment d’à peu près deux cents pages dans lequel Fran­çois s’exprimera défi­ni­ti­ve­ment sur les thèmes de la famille dis­cu­tés au cours du der­nier synode et en par­ti­cu­lier sur la par­ti­ci­pa­tion des fidèles divor­cés rema­riés à la vie active de la com­mu­nau­té catho­lique. Ce sera la pre­mière étape d’une réforme qui fera tour­ner la page à l’Église après 1700 ans » : Tom­ma­so Bedi­ni Cres­ci­man­ni, « Kas­per elo­gia Fra­tel Pao­li e la dio­ce­si : Il por­po­ra­to annun­cia nuove aper­ture del papa sul­la fami­glia », Il Tir­re­no (16 mars 2016), https://www.iltirreno.it/lucca/cronaca/2016/03/16/news/kasper-elogia-fratel-paoli-e-la-diocesi‑1.13136909 (consul­té le 20 mars 2025).

[45] Ces dubia ont été signés par les car­di­naux Wal­ter Brandmül­ler, Ray­mond L. Burke, Car­lo Caf­far­ra et Joa­chim Meis­ner. Les dubia rap­pellent à plu­sieurs reprises deux textes de Jean-Paul II : Veri­tas splen­dor (6 août 1993) et Fami­lia­ris consor­tio (22 novembre 1981).

[46] Ignace Ber­ten, Les divor­cés rema­riés peuvent-ils com­mu­nier ? Enjeux ecclé­siaux des débats autour du synode sur la famille et d’Amo­ris lae­ti­tia, Les­sius, Namur, 2017, p. 334. Esti­mant que la pas­to­rale et la dis­ci­pline doivent s’harmoniser avec la doc­trine, le théo­lo­gien invite l’Église à chan­ger ouver­te­ment la doc­trine rela­tive à l’indissolubilité du mariage. « Autant il est sans doute sou­hai­table que les couples chré­tiens vivent leur enga­ge­ment matri­mo­nial sous le signe du sacre­ment, autant il appa­raît néces­saire que l’Église recon­naisse les situa­tions consi­dé­rées cano­ni­que­ment irré­gu­lières comme n’étant pas de l’ordre du péché et un obs­tacle à la par­ti­ci­pa­tion sacra­men­telle. Il s’agit bien là d’un chan­ge­ment de doc­trine » : ibid., p. 340.

[47] La réforme de la Curie romaine orga­ni­sée par la consti­tu­tion apos­to­lique Prae­di­cate Evan­ge­lium (19 mars 2022) a confé­ré le pre­mier rang non au Dicas­tère pour la doc­trine de la foi, comme c’était le cas jusqu’alors, mais au Dicas­tère pour l’évangélisation.

[48] Dicas­tère pour la doc­trine de la foi, Décla­ra­tion Fidu­cia sup­pli­cans sur la signi­fi­ca­tion pas­to­rale des béné­dic­tions (18 décembre 2023). L’introduction du docu­ment sti­pule que cette décla­ra­tion offre une « réflexion théo­lo­gique, basée sur la vision pas­to­rale du pape Fran­çois », qui « implique un réel déve­lop­pe­ment par rap­port à ce qui a été dit sur les béné­dic­tions dans le magis­tère et les textes offi­ciels de l’Église ».

[49] Par­mi ces réac­tions : « Fidu­cia Sup­pli­cans : le car­di­nal Mül­ler redoute un risque de “blas­phème” », Ale­teia (21 décembre 2023) ; Jean-Marie Gué­nois, « Le car­di­nal Sarah mène la charge contre la béné­dic­tion des couples homo­sexuels »,  Le Figa­ro (9 jan­vier 2024) ; Mat­thieu Las­serre, « Béné­dic­tion des couples homo­sexuels : les domi­ni­cains de Tou­louse entrent dans le débat »,  La Croix (24 jan­vier 2024) ; Loup Bes­mond de Sen­ne­ville et Héloïse de Neu­ville, « Béné­dic­tions des couples homo­sexuels : le “non” des évêques afri­cains », La Croix (27 jan­vier 2024).

[50] Dicas­tère pour la doc­trine de la foi, Com­mu­ni­qué de presse sur la récep­tion de Fidu­cia sup­pli­cans (4 jan­vier 2024).

[51] « Les béné­dic­tions de couples de même sexe ou en situa­tion irré­gu­lière ne doivent pas avoir forme litur­gique ; or, selon le Livre des béné­dic­tions, qui appar­tient à la Tra­di­tion de l’Église, men­tion­né à plu­sieurs reprises par la décla­ra­tion, une béné­dic­tion est un rite litur­gique, dont le Livre pré­voit la ritua­li­té, avec ras­sem­ble­ment ecclé­sial, lec­ture de la parole de Dieu, chants et inter­ces­sions, prière et geste de béné­dic­tion. Que les béné­dic­tions dites “pas­to­rales” pro­mues par la décla­ra­tion res­tent des béné­dic­tions tout en n’ayant pas les carac­tères litur­giques habi­tuels d’une béné­dic­tion a sans doute obs­cur­ci l’intention du texte. Un appro­fon­dis­se­ment de la réflexion est encore néces­saire » : Hélène Bri­cout, « Pour­quoi la béné­dic­tion pro­po­sée par Fidu­cia sup­pli­cans a‑t-elle sus­ci­té autant de cri­tiques ? », La Croix (17 décembre 2024).

[52] Igna­cio Ortiz de Urbi­na, Les conciles, p. 117.

[53] Ibid.

[54] Voir Jean-Fran­çois Chi­ron, « Le “sacer­doce” dans le dis­cours avant Vati­can II », Recherches de science reli­gieuse 109/2 (2021), p. 239–265.

[55] Igna­cio Ortiz de Urbi­na, Les conciles, p. 117.

[56] Saint Gré­goire le Grand, Règle pas­to­rale, éd. Bru­no Judic, Flo­ri­bert Rom­mel et Charles Morel, “Sources chré­tiennes 381”, Cerf, Paris, 1992, I, 2, p. 137. Au livre II de son trai­té, saint Gré­goire note dans le même sens : « L’action du chef doit l’emporter sur l’agir du peuple, dans toute la mesure où la façon de vivre du ber­ger se dis­tingue de celle du trou­peau. Il lui faut dès lors éva­luer avec soin le devoir de conti­nuelle rec­ti­tude qui lui incombe » : ibid., II, 1, p. 175.

[57] Ser­gio Cen­to­fan­ti, « Benoît XVI : reve­nir à Dieu pour sur­mon­ter la crise des abus », Vati­can News (11 avril 2019). Ce dis­cours fut publié après le som­met sur les abus sexuels convo­qué à Rome les 21–24 février 2019 par le pape Fran­çois.

[58] Code de droit cano­nique, canon 276 §1.

[59] Fran­çois, Dis­cours pour la Com­mé­mo­ra­tion du 50e anni­ver­saire de l’institution du synode des évêques (17 octobre 2015).

[60] Car­lo Fan­tap­piè, Méta­mor­phoses de la syno­da­li­té : de Vati­can II au pape Fran­çois, Artège, Per­pi­gnan, 2023. Après un par­cours his­to­rique, l’auteur s’inquiète que la syno­da­li­té tende à deve­nir le cri­tère suprême du gou­ver­ne­ment de l’Église et qu’elle soit per­çue de « manière roman­tique » avec trop peu d’attention aux réa­li­tés concrètes. En outre il regrette que le terme « syno­da­li­té » devienne un slo­gan, sans réel conte­nu et une pra­tique socio­lo­gique.

[61] San­dro Magis­ter, « Cinq risques et trois contre-mesures urgentes. L’alerte d’un grand cano­niste sur le pro­jet d’une Église syno­dale », Diakonos.be (17 février 2023).

[62] Benoît XVI, Ren­contres avec des membres du cler­gé des dio­cèses de Bel­lu­no-Feltre et de Tré­vise (24 juillet 2007). Le pon­tife pour­suit : « Saint Basile, dans son livre sur le Saint-Esprit, com­pare la situa­tion de l’Église après le concile de Nicée à une bataille navale de nuit, où per­sonne ne recon­naît plus per­sonne, mais où tout le monde est contre tout le monde. C’était vrai­ment une situa­tion de chaos total : voi­là com­ment saint Basile décrit avec des cou­leurs fortes le drame de l’après-concile, de l’après-Nicée. Cin­quante ans plus tard, pour le pre­mier concile de Constan­ti­nople, l’empereur invite saint Gré­goire de Nazianze à y par­ti­ci­per et saint Gré­goire répond : “non, je ne vien­drai pas, parce que je sais com­ment cela se passe, je sais que de tous les conciles ne sortent que confu­sion et dis­putes, donc je ne viens pas”. Et il n’est pas venu » : ibid.

[63] J.-R. Armo­gathe, P. Mon­tau­bin et M.-Y. Per­rin (dir.), His­toire géné­rale, t. 1, p. 199. L’absence de dis­tinc­tion entre le terme « sub­stance (ousia) », qui se rap­porte à la nature, et le mot « hypo­stase (hypo­sta­sis) » qui désigne la per­sonne pou­vait faire pen­ser à l’hérésie moda­liste qui affir­mait l’unité de Dieu, en niant la plu­ra­li­té des per­sonnes.

[64] Pierre Mara­val, Constan­tin le Grand empe­reur romain, empe­reur chré­tien (306–337), Tal­lan­dier, Paris, 2014, p. 298–306. Pour l’auteur, l’empereur « s’en est constam­ment tenu au Concile ». S’il ordonne « aux évêques du concile de Tyr […] de rece­voir Arius », c’est « après avoir reçu de celui-ci l’assurance qu’il accep­te­rait la foi de Nicée » : ibid., p. 305.

[65] Hilaire de Poi­tiers, Contre Constance, éd. André Rocher, “Sources chré­tiennes 334”, Cerf, Paris, 1987, p. 181.

[66] Deux faits his­to­riques mar­quants illus­trent la pres­sion exer­cée par le pou­voir poli­tique sur l’autorité ecclé­sias­tique : la dis­so­lu­tion de l’Ordre des Tem­pliers par le pape Clé­ment V sous l’influence du roi de France et la sup­pres­sion des Jésuites sur ordre des sou­ve­rains euro­péens.

[67] « Il y avait le Concile des pères – le vrai Concile –, mais il y avait aus­si le Concile des médias. C’était presqu’un Concile en soi, et le monde a per­çu le Concile à tra­vers eux, à tra­vers les médias. Donc le Concile immé­dia­te­ment effi­cace, qui est arri­vé au peuple, a été celui des médias, non celui des pères. […] Donc, c’était celui qui domi­nait, le plus effi­cace, et il a créé tant de cala­mi­tés, tant de pro­blèmes, réel­le­ment tant de misères : sémi­naires fer­més, cou­vents fer­més, litur­gie bana­li­sée… et le vrai Concile a eu de la dif­fi­cul­té à se concré­ti­ser, à se réa­li­ser ; le Concile vir­tuel était plus fort que le Concile réel » : Benoît XVI, Allo­cu­tion (14 février 2013).

[68] Loup Bes­mond de Sen­ne­ville, « Un “synode des médias” contre le Synode réel ? », La Croix (17 octobre 2023).

[69] Selon ce règle­ment, « afin de garan­tir la liber­té d’expression de cha­cun sur sa pen­sée et d’assurer la séré­ni­té du dis­cer­ne­ment en com­mun, tâche prin­ci­pale confiée à l’Assemblée, cha­cun des par­ti­ci­pants est tenu à la confi­den­tia­li­té et à la dis­cré­tion tant sur ses propres inter­ven­tions que sur celles des autres par­ti­ci­pants ». Par ailleurs, « dans un mes­sage adres­sé direc­te­ment aux jour­na­listes et aux com­mu­ni­cants, le pape a déplo­ré la manière dont les pré­cé­dents synodes avaient été para­si­tés selon lui par la pres­sion média­tique. Évo­quant la ques­tion des divor­cés-rema­riés qui avait foca­li­sé l’attention lors du Synode sur la Famille en 2014–2015, il s’est aus­si sou­ve­nu du Synode sur l’Amazonie durant lequel le thème de l’ordination d’hommes mariés s’était impo­sé » : I.media, « Synode : le pape Fran­çois réclame le “silence” », cath.ch (4 octobre 2023), https://www.cath.ch/newsf/synode-le-pape-francois-reclame-le-silence/

[70] Pie X, Ency­clique Pas­cen­di Domi­ni­ci Gre­gis (8 sep­tembre 1907), n° 14.

[71] Des théo­lo­giens ont réagi « contre une inter­pré­ta­tion phy­si­ciste de la trans­sub­stan­tia­tion », mais leurs tra­vaux ont abou­ti à mettre en cause la doc­trine tri­den­tine sur le sujet. Marie Zim­mer­mann, « L’Eucharistie : quelques aspects de la pen­sée de Schil­le­bee­ckx », Revue des sciences reli­gieuses 49/3 (1975), p. 245.

[72] Paul VI, Ency­clique Mys­te­rium Fidei (3 sep­tembre 1965).

[73] Dicas­tère pour la pro­mo­tion de l’unité des chré­tiens, L’évêque de Rome : Pri­mau­té et syno­da­li­té dans les dia­logues œcu­mé­niques et réponses à l’encyclique Ut unum sint, n° 14.

[74] Concile Vati­can I, Consti­tu­tion dog­ma­tique Dei Filius (24 avril 1870), cha­pitre IV. Un canon de ce texte condamne l’opinion selon laquelle il pour­rait se faire qu’« aux dogmes ensei­gnés par l’Église on doive, eu égard au pro­grès de la science, don­ner un jour un sens dif­fé­rent de celui que l’Église a com­pris et com­prend » : ibid., Canons IV, 3.

[75] Le dis­cours 21 de Gré­goire de Naziance consti­tue un pané­gy­rique de saint Atha­nase. Voir Gré­goire de Naziance, Dis­cours 20–23, éd. Jus­tin Mos­say, “Sources chré­tiennes 270”, Cerf, Paris, 1980, p. 110–193, spéc. p. 137 et 165.

[76] Le pre­mier Dis­cours résume la doc­trine d’Arius et défend le carac­tère éter­nel, incréé et immuable du Fils de Dieu ain­si que l’unité d’essence divine entre le Père et le Fils. Les deux autres Dis­cours scrutent les pas­sages des Écri­tures qui évoquent la géné­ra­tion du Fils en réfu­tant l’interprétation qu’en donne Arius.

[77] Benoît XVI, Audience sur saint Atha­nase (20 juin 2007).

[78] L’épisode est racon­té au Livre des Juges 19, 27–30. Ce lévite tue sa femme et envoie les mor­ceaux de son corps aux douze tri­bus d’Israël, afin que tous s’indignent d’un tel crime et se liguent contre les cou­pables.

[79] Rudolf Gra­ber, Atha­nase et l’Église de notre temps, trad. franç., Édi­tions du Cèdre, Paris, 1973, p. 22.

[80] Ibid., p. 25. L’auteur rap­proche la « dis­so­lu­tion de l’Église » que décrit saint Basile et « l’autodestruction » de cette même Église, évo­quée par Paul VI le 8 décembre 1968 : ibid., p. 19.

[81] Dans une lettre au pape Damase en 371, saint Basile écrit : « L’Orient presque tout entier […] est agi­té et secoué par une vio­lente tem­pête, à cause de l’hérésie qui, semée autre­fois par l’ennemi de la véri­té, Arius, lève main­te­nant sans pudeur et, telle une racine amère, pro­duit un fruit de mort. Elle domine désor­mais, parce que les repré­sen­tants de la saine doc­trine dans chaque loca­li­té ont été chas­sés des Églises par la calom­nie et l’insulte et que ceux qui font pri­son­nières les âmes simples se sont vus confier la puis­sance » : Saint Basile, Lettres, t. 1, éd. Yves Cour­tonne, Les Belles Lettres, Paris, 1957, lettre 70, p. 165. S’adressant aux évêques d’Italie et des Gaules, saint Basile écrit en 372 : « C’est presque depuis les fron­tières de l’Illyrie jusqu’à la Thé­baïde que le fléau de l’hérésie étend ses ravages. Les mau­vaises semences en furent jetées d’abord par l’infâme Arius ; elles pous­sèrent de pro­fondes racines, grâce au grand nombre de ceux qui dans l’intervalle culti­vèrent avec ardeur cette impié­té, et main­te­nant elles ont pro­duit leurs fruits per­ni­cieux. Les dogmes de la pié­té sont rui­nés et les lois de l’Église sont bou­le­ver­sées » : ibid., lettre 92, p. 200.

[82] Ibid., lettre 90, p. 196.

[83] John Hen­ry New­man, Les ariens du IVe siècle, Téqui, Paris, 1988, appen­dice, note V, p. 343. Ces pro­pos sont cités dans une étude théo­lo­gique sur le sen­sus fidei. « Dans cer­tains cas, ain­si que l’a remar­qué le bien­heu­reux John Hen­ry New­man (1801–1890), la foi des laïcs en par­ti­cu­lier a joué un rôle cru­cial. L’exemple le plus frap­pant en fut au IVe siècle la célèbre contro­verse avec les ariens, qui furent condam­nés au concile de Nicée (325), où la divi­ni­té de Jésus-Christ fut défi­nie. Pour­tant depuis ce concile jusqu’à celui de Constan­ti­nople (381), il conti­nua à y avoir de l’incertitude par­mi les évêques. Durant cette période, “la tra­di­tion divine confiée à l’Église infaillible fut pro­cla­mée et main­te­nue bien plus par les fidèles que par l’épiscopat” » : Com­mis­sion théo­lo­gique inter­na­tio­nale, Le sen­sus fidei dans la vie de l’Église (2014), n° 26.

[84] John Hen­ry New­man, Les ariens, p. 343.

[85] Ibid., p. 343–344.

[86] Ibid., p. 343–344.

[87] Ibid., p. 344.

[88] Ibid., p. 344.

[89] « Il est temps que la foi devienne pour les chré­tiens le tré­sor le plus intime et le plus pré­cieux. Son­geons à ces mar­tyrs morts pour la pure­té de leur foi à l’époque de la crise arienne : pour confes­ser que le Fils n’est pas seule­ment sem­blable au Père, mais d’une seule sub­stance avec lui, com­bien d’évêques, de prêtres, de moines ou de simples croyants ont souf­fert la tor­ture et la mort. C’est notre rap­port avec Dieu qui est en jeu, pas seule­ment des que­relles théo­lo­giques » : Car­di­nal Robert Sarah, Le soir approche et déjà le jour baisse, Fayard, Paris, 2019, p. 411–412.

[90] « Dans l’histoire du peuple de Dieu, ce fut sou­vent non pas la majo­ri­té, mais bien plu­tôt une mino­ri­té qui a vrai­ment vécu la foi et qui lui a ren­du témoi­gnage. L’Ancien Tes­ta­ment connais­sait le “reste saint” des croyants, par­fois en tout petit nombre com­pa­ré aux rois, aux prêtres et à la plu­part des Israé­lites. Le chris­tia­nisme lui-même a com­men­cé comme une petite mino­ri­té, blâ­mée et per­sé­cu­tée par les auto­ri­tés publiques. Dans l’histoire de l’Église, les mou­ve­ments évan­gé­liques tels les fran­cis­cains et les domi­ni­cains, ou plus tard les jésuites, com­men­cèrent comme de petits groupes que cer­tains évêques et théo­lo­giens regar­dèrent avec sus­pi­cion. Dans beau­coup de pays aujourd’hui, les chré­tiens subissent de la part d’autres reli­gions ou d’idéologies sécu­lières une forte pres­sion pour leur faire aban­don­ner la véri­té de foi et affai­blir les liens de la com­mu­nau­té ecclé­siale. Il est donc par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant de dis­cer­ner et d’écouter les voix des “petits qui croient” (Mc 9, 42) » : Com­mis­sion théo­lo­gique inter­na­tio­nale, Le sen­sus fidei, n°118, ii

[91] Pierre-Marie Berthe, Les dis­sen­sions ecclé­siales, un défi pour l’Eglise catho­lique : His­toire et actua­li­té, Cerf, Paris, 2018, p. 23.

[92] G. Albe­ri­go, Les conciles œcu­mé­niques, p. 59.

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