Revue de réflexion politique et religieuse.

Gilles Rou­thier : Cin­quante ans après Vati­can II. Que reste-t-il à mettre en œuvre ?

Article publié le 9 Déc 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Prêtre, théo­lo­gien de l’Université Laval (Qué­bec), inter­ve­nant aisé­ment en France (ICP), l’auteur appar­tient à une géné­ra­tion post­con­ci­liaire, plus apai­sée et ouverte que la pré­cé­dente. Il entend notam­ment ne pas « se fixer avec trop de rai­deur sur l’enseignement conci­liaire » (p. 76), trop conscient du fait que les condi­tions ont chan­gé for­te­ment, sur­tout, et il y est très atten­tif, du côté de ses étu­diants, qui ne com­prennent plus le sec­ta­risme idéo­lo­gique du pas­sé. La ques­tion du chan­ge­ment de géné­ra­tion le « taraude », dit-il, depuis quelques années, impli­quant indif­fé­rence et manque de connais­sance de ce qui s’est pas­sé il y a cin­quante ans. Seules deux mino­ri­tés, inégales, s’y inté­ressent encore : les « libé­raux », en petit nombre, les « intran­si­geants », plus nom­breux, la masse étant ailleurs, en par­tie du côté de ceux qui ont main­te­nu ou retrou­vé les pra­tiques tra­di­tion­nelles. Et Vati­can II dans tout cela ? Les cha­pitres sur la « pas­to­ra­li­té » et la « recherche du consen­sus » sous la conduite de Paul VI sug­gèrent la nature com­po­site et cir­cons­tan­cielle de l’événement, appe­lé à terme à pas­ser.
G. Rou­thier s’intéresse d’autre part à la ques­tion de l’interprétation, qu’il rat­tache, avec ori­gi­na­li­té et convic­tion, aux dif­fé­rentes phases de l’opposition de Mgr Lefebvre et à ses consé­quences. Il insiste sur ce point se réfé­rant à Pierre Bour­dieu : « […] il y a tou­jours, dans un champ don­né, une lutte entre plu­sieurs acteurs appar­te­nant à dif­fé­rents champs, acteurs qui col­la­borent entre eux bien qu’également en concur­rence » (p. 187). On com­prend donc l’intérêt que porte G. Rou­thier à des argu­ments ou des épi­sodes his­to­riques que la plu­part délaissent avec un mépris non dis­si­mu­lé, entre autres l’activité du Coe­tus inter­na­tio­na­lis Patrum consti­tué par plu­sieurs évêques, dont Mgr Lefebvre, pen­dant le concile (l’un de ses étu­diants pré­pare d’ailleurs une thèse sur le sujet). L’opposition a fina­le­ment don­né le la de l’interprétation. Le sou­ci de l’auteur, qui tra­verse impli­ci­te­ment le livre, est cla­ri­fié à la fin. Il est de rap­pe­ler que les acteurs moteurs du Concile ont eu le désir de trou­ver un moyen de désen­cla­ver l’Eglise affron­tée à un monde lui deve­nant étran­ger. Avec réa­lisme il prend acte du fait que le moment conci­liaire est dépas­sé, et il cherche à en conser­ver « le sou­ci de s’adresser aux autres », crai­gnant que la « nou­velle évan­gé­li­sa­tion » ne pro­voque un retour à l’esprit de « for­te­resse ». On retien­dra sur­tout l’un des mots d’ordre qui conclut ce livre : « Reve­nir […] à la posi­tion des pro­blèmes par-delà les conclu­sions » des textes conci­liaires. On ne peut que sous­crire à cette invi­ta­tion à rééva­luer, dans un véri­table débat ouvert, la légi­ti­mi­té épis­té­mo­lo­gique de cette approche aux résul­tats en voie de péremp­tion.

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