Revue de réflexion politique et religieuse.

Jean-Fran­çois Mat­téi : Edgar Poe – L’homme des foules

Article publié le 10 Fév 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Dans cet opus­cule, Jean-Fran­çois Mat­téi pour­suit, à par­tir d’un che­min un peu dif­fé­rent, le fil direc­teur de sa réflexion sur la bar­ba­rie contem­po­raine, c’est-à-dire sur l’entreprise de dis­so­lu­tion de l’homme dans l’univers maté­ria­liste démo­cra­tique, sa fer­me­ture à toute vie inté­rieure en par­ti­cu­lier, lente régres­sion issue de la ten­ta­tive inau­gu­rée par les Lumières visant à affran­chir l’humanité de toute limite, de toute réfé­rence.
Dans la seconde par­tie de l’ouvrage (la pre­mière étant la reprise de la nou­velle L’homme des foules d’Edgar Poe), J.-F. Mat­téi ana­lyse le com­por­te­ment et la psy­cho­lo­gie de ce per­son­nage, qui se retrouve « empor­té par la houle humaine dans le sac et res­sac de la ville moderne », qui « n’existe que dans la pro­mis­cui­té de la foule et res­sent l’horreur de se retrou­ver seul » (p. 59). Il pro­pose quatre lec­tures de ce refus de soli­tude (poli­tique, onto­lo­gique, éthique et théo­lo­gique). L’homme, indi­vi­dua­li­sé, devient inca­pable de pen­ser et d’affirmer son iden­ti­té autre­ment qu’en se fon­dant dans la masse (on retrouve ici les ana­lyses posées en leur temps par les socio­logues de l’Ecole de Chi­ca­go au début du XXe siècle, ou encore par Orte­ga y Gas­set). Dans la nou­velle de Poe, un homme en observe un autre qui court com­pul­si­ve­ment, le regard vide, affo­lé de perdre la foule dont il dépend presque vita­le­ment. De ces deux regards (regard obser­va­teur et regard vide), Mat­téi dégage alors une ana­lyse phi­lo­so­phique de la figure lit­té­raire du « double », « dédou­ble­ment d’une unique conscience, celle d’un homme déchi­ré entre la connais­sance et l’ignorance, l’ombre et la lumière, le bien et le mal, et inca­pable de coïn­ci­der avec lui-même », illus­tra­tion de cette conscience tra­gique et inquiète de l’individu soli­taire pris dans la moder­ni­té contem­po­raine.

-->