Revue de réflexion politique et religieuse.

Vincent de Beau­vais : De l’institution morale du prince

Article publié le 3 Juil 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Trai­té de morale poli­tique rédi­gé par un domi­ni­cain lec­teur à l’abbaye de Royau­mont (1190–1264), confi­dent de saint Louis et sur­tout connu comme l’auteur de la plus grande ency­clo­pé­die médié­vale, com­po­sée pour le saint roi de France dont il était le confi­dent. Il faut saluer la valeur de la très vaste intro­duc­tion de Ch. Munier, médié­viste de la Facul­té de théo­lo­gie de Stras­bourg (pp. 7 à 124) qui aborde la plu­part des aspects his­to­riques et phi­lo­lo­giques d’une oeuvre mécon­nue et pleine d’enseignements utiles à tous et pas seule­ment aux princes. A tous, car la morale n’a pas de fron­tières, mais plu­tôt des prin­cipes uni­ver­sels et des domaines d’application aus­si variés que les situa­tions, tran­si­toires ou stables, dans les­quelles tous les hommes sont tenus d’agir en cher­chant le bien. Pour des modernes sous influence machia­vé­lienne et sépa­ra­tiste, par­ler morale pour for­mer le per­son­nel poli­tique est pro­pre­ment stu­pide. Tout au contraire, ce trai­té parle de jus­tice, de bon­té, de pru­dence dans le choix des conseillers, de patience dans les juge­ments, de la néces­si­té d’éviter la cré­du­li­té, et ain­si de suite. Ce qui vaut pour les rois vaut pour tous, et inver­se­ment quoique l’exigence soit plus forte pour les pre­miers. Les ana­lyses de Vincent de Beau­vais sont très fines, entre autres sur la façon dont naissent les déni­gre­ments à par­tir de l’envie. « Ne rabaisse pas le roi, même en pen­sée » (Ecclé­siaste 10, 20), parole qui s’applique aux sujets mais aus­si au roi lui-même, qui ne doit pas négli­ger de défendre sa répu­ta­tion pour la digni­té de sa fonc­tion.
L’introduction, en dépit de toute sa valeur, manque d’une par­tie doc­tri­nale. Or un point au moins de cette oeuvre devrait faire l’objet d’une ana­lyse : l’affirmation ini­tiale selon laquelle la royau­té – le pou­voir poli­tique – a pour ori­gine la néces­si­té de faire face à la malice humaine, car « bien enten­du, cette [digni­té] n’existait pas chez les hommes, à l’origine, en leur état de nature bien dis­po­sée » (p. 133). Le pro­pos semble rele­ver du mythe, et impli­ci­te­ment conduire à une vision péni­ten­tielle de l’autorité et de la hié­rar­chie, vision qui dis­pa­raît par la suite du pro­pos de l’auteur domi­ni­cain.

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