Revue de réflexion politique et religieuse.

La sécu­la­ri­sa­tion de l’E­glise

Article publié le 4 Avr 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ces deux thèses, qui n’ont jamais été théo­ri­sées doc­tri­na­le­ment mais qui se sont ins­tal­lées comme un don­né objec­tif, on pour­rait presque dire comme une nou­velle conscience his­to­rique de l’Eglise au-delà même des inten­tions de ses membres, résu­maient l’idéologie conci­liaire. C’est d’ailleurs pour­quoi nous uti­li­sons le terme d’idéologie au sens mar­xien du mot, c’est-à-dire au sens de fal­si­fi­ca­tion du réel. Certes, le Concile n’est pas l’idéologie conci­liaire, mais his­to­ri­que­ment il a engen­dré sa propre fal­si­fi­ca­tion ; autre­ment dit, le Concile a engen­dré l’idéologie conci­liaire.
Le fait que toutes les consé­quences de cette idéo­lo­gie conci­liaire prises comme évé­ne­ment his­to­rique soient deve­nues mani­festes, per­met d’identifier ce que fut cette explo­sion d’utopie impro­vi­sée et impré­vi­sible de mai soixante-huit en Occi­dent, et dont le Concile avait posé les bases. L’élément fon­da­men­tal des évé­ne­ments de mai soixante-huit, qui étaient très éloi­gnés du mar­xisme, était la convic­tion qu’une muta­tion opé­rée dans la conscience pou­vait par le fait pro­duire une muta­tion radi­cale de la réa­li­té. L’utopie se réa­li­sait dès lors qu’elle était inten­tion­nel­le­ment vou­lue. N’était-ce pas là déjà ce que pré­ten­dait l’idéologie conci­liaire ? Il suf­fi­sait de rêver la récon­ci­lia­tion uni­ver­selle pour que celle-ci se pro­duise.
En fait, l’idéologie conci­liaire a pris consis­tance objec­tive grâce aux moyens de com­mu­ni­ca­tion de masse. Il existe un terme consa­cré en théo­lo­gie pour indi­quer la manière selon laquelle les Eglises locales se conforment à un concile œcu­mé­nique, celui de récep­tion. Jusqu’à Vati­can II, la récep­tion des conciles est tou­jours res­tée un pro­ces­sus interne à l’Eglise. Mais avec Vati­can II, ce sont les moyens de com­mu­ni­ca­tion de masse, essais, presse, radio et télé­vi­sion, qui ont géré l’événement conci­liaire : pour la pre­mière fois, la récep­tion d’un concile n’a pas été le fait des organes ecclé­sias­tiques. Elle a échap­pé aux évêques et aux curés pour être confiée à des théo­lo­giens qui fabri­quaient l’information en annon­çant qu’un chan­ge­ment s’était pro­duit dans l’Eglise. C’est à tra­vers la presse, la radio, la télé­vi­sion que l’idéologie conci­liaire a condi­tion­né la récep­tion du Concile dans les Eglise locales, ce qui montre que si l’Eglise était arri­vée à se situer au-delà du pou­voir tem­po­rel, elle se trou­vait en revanche en plein dans le cir­cuit des moyens de com­mu­ni­ca­tion de l’âge tech­no­lo­gique. Ce sont eux qui ont pro­duit le mythe du « Bon Pape Jean » et celui du Concile-révo­lu­tion.
L’idéologie conci­liaire s’est donc ins­tal­lée dans l’Eglise. Et les évêques, les prêtres, les laïcs, qui ne l’avaient nul­le­ment accep­tée comme doc­trine, l’ont accep­tée comme fait. L’« avant » avait dis­pa­ru, et il fal­lait désor­mais aller vers le « nou­veau ». Ce cli­mat aidant, au cours des pre­mières années post­con­ci­liaires, on a assis­té à une pro­mo­tion uni­la­té­rale de la figure de l’évêque et de la figure du laïc, au détri­ment de celles jusque-là domi­nantes dans l’Eglise : le pape, le prêtre voué au céli­bat, le carac­tère spi­ri­tuel et inté­rieur de la vie reli­gieuse. Pro­mo­tion uni­la­té­rale qui ne résul­tait pas en soi de la recon­nais­sance de la sacra­men­ta­li­té de l’épiscopat et de celle de la digni­té du laï­cat, mais qui pro­cé­dait du fait que leur mise en valeur n’était nul­le­ment cor­ri­gée par une valo­ri­sa­tion cor­res­pon­dante de la figure spi­ri­tuelle du prêtre et de la signi­fi­ca­tion contem­pla­tive et per­son­nelle de la vie reli­gieuse. L’idéologie conci­liaire exi­geait, de sa nature même, une praxis : on décou­vrit donc la pas­to­rale comme praxis com­mu­nau­taire.

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