Revue de réflexion politique et religieuse.

Numé­ro 128 — Mariage indis­so­luble : l’obs­tacle

Article publié le 27 Déc 2015 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

La culture domi­nante de l’Oc­ci­dent contem­po­rain puise son ori­gine dans l’é­poque des Lumières. Elle conçoit la liber­té comme une libé­ra­tion de toute espèce de subor­di­na­tion à une « loi » supé­rieure ou exté­rieure au sujet, pour autant que cela est maté­riel­le­ment pos­sible. « Tous les hommes tiennent de la nature même le pou­voir de faire ce que bon leur semble, et de dis­po­ser à leur gré de leurs actions et de leurs biens, pour­vu qu’ils n’a­gissent pas contre les lois du gou­ver­ne­ment auquel ils se sont sou­mis. » (Ency­clo­pé­die, article « Liber­té natu­relle ») « La liber­té consiste à pou­voir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ain­si, l’exer­cice des droits natu­rels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la socié­té la jouis­sance de ces mêmes droits. » (Décla­ra­tion des droits de l’homme et du citoyen)couverture128

Si, dans la pers­pec­tive phi­lo­so­phique non moderne, et dans la vision chré­tienne qui la ren­force, la liber­té est l’ap­ti­tude que l’homme a de se mou­voir volon­tai­re­ment vers le Bien, il n’en va pas de même dans la moder­ni­té, qui pose en prin­cipe qu’il n’y a de bien que celui que cha­cun déter­mine à son gré être tel. Liber­té et volon­té pure coïn­cident, la seule limite accep­tée étant l’exis­tence des autres et l’au­to­li­mi­ta­tion qui en découle, par res­pect du prin­cipe de réa­li­té. Cette exis­tence des autres, la plu­ra­li­té sociale, est consi­dé­rée comme un mal — cela est expli­cite chez Rous­seau -, mais aus­si comme un fait irré­ver­sible, qu’il s’a­git donc de domes­ti­quer pour l’u­ti­li­té réci­proque, sup­po­sant « recon­nais­sance » mutuelle et éga­li­té sur des bases dûment déli­mi­tées et tou­jours modi­fiables, au moins dans le prin­cipe.
La mise en pra­tique de cette concep­tion se heurte à deux séries d’obs­tacles oppo­sés. D’un côté le prin­cipe d’é­ga­li­té stricte entre les indi­vi­dus est contre­ba­lan­cé par l’i­né­ga­li­té de fait entre les plus cohé­rents des « amis de la liber­té » et ceux qui leur résistent ou ne montrent pas de zèle à les suivre. L’im­pos­sible « neu­tra­li­té » laïque, qui per­met­trait une équi­dis­tance de droits entre les dif­fé­rentes par­ties sociales, est là pour en témoi­gner.

On obser­ve­ra que la « par­faite éga­li­té » entre le vrai et le faux n’a aucun sens par elle-même. Bien qu’elle soit constam­ment invo­quée (sous la forme : cha­cun peut pen­ser et faire ce qu’il veut) elle est loin d’être res­pec­tée. En effet, les membres des mino­ri­tés actives qui vont dans le sens de la plus grande affir­ma­tion de la « liber­té » ont, dans le cadre juri­di­co-poli­tique qui leur en offre le pou­voir, néces­sai­re­ment plus de poids que les autres, jugés plus attar­dés, sus­pects, réac­tion­naires, et en tout état de cause exclus de la dis­cus­sion et objets de mépris.
Tou­te­fois une telle exclu­sion ne suf­fit pas. Il reste à créer à la racine les condi­tions les plus favo­rables à l’é­man­ci­pa­tion dési­rée par l’a­vant- garde sociale, dont les des­seins se heurtent constam­ment à la résis­tance des autres, avec leurs élé­ments sym­bo­liques, leur retard à se libé­rer des ata­vismes qui leur sont prê­tés : lais­sés pour compte à cer­tains égards, ils n’en repré­sentent pas moins un frein pour la légi­ti­ma­tion des dési­rs des plus affran­chis.

Ain­si per­sistent des îlots de mœurs chré­tiennes, des habi­tudes de vie tra­di­tion­nelles, une len­teur à accep­ter les « nou­velles valeurs » du jour, à aban­don­ner les répu­gnances natu­relles, etc. Pour sur­mon­ter ces freins, l’é­du­ca­tion — sco­laire, média­tique, puni­tive — a donc tou­jours été la grande pré­oc­cu­pa­tion des forces motrices de la nou­velle socié­té éclai­rée, avec le double objet de détruire les « pré­ju­gés » et les struc­tures qui les pro­duisent et les péren­nisent, la reli­gion et la famille en par­ti­cu­lier, et d’im­po­ser de nou­velles concep­tions et conduites.
C’est à ce point qu’in­ter­vient la ques­tion du divorce, mis à l’ordre du jour avec empres­se­ment dès le début du pro­ces­sus révo­lu­tion­naire fran­çais. Le pro­gramme est tra­cé d’a­vance. Dide­rot, dans l’En­cy­clo­pé­die — entrée « Indis­so­lu­bi­li­té » — écrit que « l’homme sage fré­mit à l’i­dée seule d’un enga­ge­ment indis­so­luble ». Une de ses confi­dentes, l’une aus­si des pre­mières fémi­nistes, Marie-Made­leine Jodin, publie­ra en 1790 des Vues légis­la­tives pour les femmes, pour deman­der, au nom de la liber­té de dis­po­ser de soi, l’a­bro­ga­tion de cette « indis­so­lu­bi­li­té qui blesse les droits de l’homme ». Ce que trans­cri­ra en loi l’As­sem­blée légis­la­tive, le 20 sep­tembre 1792, jour de la vic­toire de Val­my et veille de l’a­bo­li­tion de la royau­té : « L’As­sem­blée natio­nale, consi­dé­rant com­bien il importe de faire jouir les Fran­çais de la facul­té du divorce, qui résulte de la liber­té indi­vi­duelle dont un enga­ge­ment indis­so­luble serait la perte ; consi­dé­rant que déjà plu­sieurs époux n’ont pas atten­du, pour jouir des avan­tages de la dis­po­si­tion consti­tu­tion­nelle, sui­vant laquelle le mariage n’est qu’un contrat civil, que la loi eût réglé le mode et les effets du divorce, décrète ce qui suit : Article Ier — Le mariage se dis­sout par le divorce. » (On remarque au pas­sage le recours à un argu­ment qui fera flo­rès, la consé­cra­tion par la légis­la­tion d’une pra­tique illé­gale mino­ri­taire.) Le rap­por­teur du texte, Léo­nard Robin, avait annon­cé peu avant : « Le Comi­té a cru devoir conser­ver ou accor­der la plus grande lati­tude à la facul­té du divorce à cause de la nature du mariage qui a pour base prin­ci­pale le consen­te­ment des époux et parce que la liber­té indi­vi­duelle ne peut jamais être alié­née de manière indis­so­luble par aucune conven­tion. » (Cité in Irène Thé­ry, Le déma­riage, Odile Jacob, 1993, p. 49) .

Ce type d’ar­gu­ment sera sans cesse repris lorsque des cir­cons­tances poli­tiques par­ti­cu­lières favo­ri­se­ront le retour en puis­sance du « par­ti du mou­ve­ment », en par­ti­cu­lier dans les années 1880, qui ver­ront abou­tir les cam­pagnes du dépu­té Naquet, avec le vote de la loi qui porte son nom (27 juillet 1884) ; loi encore cepen­dant impar­faite du point de vue de la logique contrac­tua­liste, puis­qu’elle écar­tait encore — par crainte de désordres — le divorce par consen­te­ment mutuel, lequel n’ar­ri­ve­ra en France qu’en 1975. En véri­té, le déploie­ment logique de l’i­dée moderne ne peut pas connaître de limites internes. A l’é­poque même de la révo­lu­tion fran­çaise, un obs­cur dépu­té du Tiers, Bou­chotte, dans des Obser­va­tions sur l’ac­cord de la Rai­son et de la Reli­gion pour le réta­blis­se­ment du divorce, publiées en 1790, avait déjà insis­té sur le fait qu’au­cune « liber­té civile » ne sau­rait tenir si la « liber­té domes­tique » ne régis­sait pas le contrat de mariage, rui­nant ain­si d’a­vance les fausses espé­rances du conser­va­tisme. Il serait effec­ti­ve­ment illo­gique et incon­sé­quent de vou­loir main­te­nir le sta­tut natu­rel de la famille pour n’ap­pli­quer le prin­cipe contrac­tua­liste qu’à la socié­té poli­tique.

Le concept moderne de liber­té — aujourd’­hui plus que jamais avec sa ver­sion liber­taire post­mo­derne — est incom­pa­tible avec ce qui consti­tue la pre­mière garan­tie de liber­té d’être de la famille, et l’as­su­rance de sa durée, l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage. Il n’existe pas de moyen terme. Deux visions hété­ro­gènes s’op­posent donc : d’un côté, celle, natu­relle et spon­ta­née, du bien objec­tif et uni­ver­sel, qui implique res­pon­sa­bi­li­té et durée, de l’autre, celle de la libé­ra­tion conqué­rante du désir indi­vi­duel déga­gé de tout lien avec la rai­son.
Car c’est la rai­son même qui impose l’in­dis­so­lu­bi­li­té d’une union qui, pour être fon­dée sur un échange ini­tial de consen­te­ment, a un objet qui implique la per­pé­tui­té du lien. Ce contrat fonde une ins­ti­tu­tion, le foyer fami­lial, qui est d’a­bord le lieu d’é­clo­sion de vies nou­velles, et pour cela demande à être scel­lée par la fidé­li­té. Ces vies nou­velles sont celles d’êtres humains, dont la nature ne se résume pas à celle des corps (qui demandent déjà bien plus de soins chez l’homme que dans le règne ani­mal) mais se spé­ci­fie par les facul­tés de l’âme que sont la rai­son et la liber­té. L’une et l’autre requièrent cette autre forme de la mise au monde qu’est l’é­du­ca­tion. Autant d’é­vi­dences natu­relles dont on ne peut sépa­rer la don­née du temps, puisque la consti­tu­tion d’une famille se pro­jette par essence dans l’a­ve­nir, non pas indis­tinc­te­ment mais dans la réa­li­té iden­ti­taire d’une filia­tion, rai­son pour laquelle la petite socié­té fami­liale et la grande socié­té se trouvent en lien immé­diat. Sur le seul plan natu­rel, l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage consti­tue un ins­tru­ment fon­da­men­tal de la conti­nui­té de la com­mu­nau­té poli­tique, ce qui fonde évi­dem­ment l’o­bli­ga­tion, de stricte jus­tice pour tout pou­voir poli­tique, d’ai­der les familles à se for­mer, rem­plir leur rôle et durer. On note­ra au pas­sage que si la famille est une ins­ti­tu­tion, elle n’est pas la seule à requé­rir la péren­ni­té.

Toute entre­prise humaine menée en com­mun dans la durée répugne à voir ses membres entrer et sor­tir à leur gré quand bon leur semble, la plus impor­tante et exi­geante d’entre elles sous ce rap­port étant la com­mu­nau­té poli­tique his­to­ri­que­ment for­mée, avec son patri­moine et ses carac­tères propres. Ajou­tons que du point de vue moral, le témoi­gnage de la fidé­li­té conju­gale, ren­for­cé par la recon­nais­sance publique et juri­dique de l’in­dis­so­lu­bi­li­té, a valeur exem­plaire pour le res­pect de tout autre pacte fon­dé sur la parole don­née et le don de soi jus­qu’à l’ab­né­ga­tion, jus­qu’au sacri­fice même de la famille pour le bien de la patrie quand il arrive que cela soit requis. Dans Iota unum (1985), Roma­no Ame­rio écrit que l’in­tran­si­geance abso­lue de l’in­dis­so­lu­bi­li­té est une « célé­bra­tion de la puis­sance ordi­naire de la liber­té », ordi­naire parce que met­tant à la por­tée la pos­si­bi­li­té de s’é­le­ver en digni­té.
Il en va de même de la res­pon­sa­bi­li­té. Le mariage indis­so­luble favo­rise natu­rel­le­ment le sens de la res­pon­sa­bi­li­té des époux entre eux, et de ceux-ci envers les enfants à l’é­gard des­quels ils ont une obli­ga­tion dont ils ne peuvent se dis­pen­ser, et qui est la rai­son d’être de l’ins­ti­tu­tion qu’ils ont fon­dée. Le divorce est source d’in­jus­tices mul­tiples. Le moins que l’on puisse dire est que la libé­ra­tion du désir favo­rise l’ir­res­pon­sa­bi­li­té : le droit des enfants, qui est objec­ti­ve­ment pre­mier, cède devant le droit indi­vi­duel recon­nu à l’in­di­vi­du-parent qui veut divor­cer — les deux par­fois dans le cas du consen­te­ment mutuel -, sinon de manière subal­terne, au titre d’une ques­tion pra­tique à régler devant le juge, en même temps que les affaires patri­mo­niales. Il faut se sou­ve­nir ici du fait que la révo­lu­tion avait abo­li la sépa­ra­tion de corps, situa­tion d’ex­cep­tion pré­vue en cas de mésen­tente grave entre époux, tem­po­raire en l’at­tente d’une res­tau­ra­tion de l’ordre fami­lial, et cela au moment même où, au nom du droit à dis­po­ser de soi, le divorce était intro­duit, y com­pris par consen­te­ment mutuel (le Code civil napo­léo­nien réta­bli­ra la pre­mière pos­si­bi­li­té et se conten­te­ra de mettre cer­tains freins à la seconde). Le pré­ten­du droit à dis­po­ser de son corps a plus récem­ment jus­ti­fié, de manière ana­logue, la léga­li­sa­tion de l’a­vor­te­ment volon­taire, en atten­dant son ins­crip­tion au cata­logue des sup­po­sés droits humains.
C’est pré­ci­sé­ment sur un tel ter­rain que l’E­glise s’est pré­sen­tée comme un rem­part de la réa­li­té natu­relle du mariage et du droit pre­mier des enfants, au nom de la droite rai­son et plus encore de la Révé­la­tion. Celle-ci a confé­ré à l’in­dé­fec­ti­bi­li­té de la fidé­li­té conju­gale une signi­fi­ca­tion pro­phé­tique de l’u­nion du Christ et de l’E­glise, et a consi­dé­ré l’ac­cueil des enfants dans la lumière du sacre­ment, comme l’en­gen­dre­ment cor­po­rel et spi­ri­tuel de nou­veaux membres du Corps du Christ.

En véri­té, comme le pro­clame le texte de la béné­dic­tion nup­tiale, c’est dès le com­men­ce­ment du monde, après la créa­tion d’A­dam puis d’Eve tirée de son côté qu’il a été éta­bli que ne doit jamais être sépa­ré ce que Dieu a uni, union à laquelle a été accor­dée « la seule béné­dic­tion dont nous n’a­vons été dépouillés ni par la puni­tion du péché ori­gi­nel, ni par la sen­tence du déluge ». Au xvie siècle, le Caté­chisme du concile de Trente (27, 1) ensei­gnait, à pro­pos de l’in­dis­so­lu­bi­li­té, que « l’es­sence même du mariage est dans ce lien ». Face à l’ir­rup­tion du libé­ra­lisme phi­lo­so­phique, les papes de la période contem­po­raine ont ample­ment com­men­té cette pro­po­si­tion. Ils ont pris soin de rele­ver que dans la culture antique le mariage, en rai­son de son lien immé­diat avec le mys­tère de la vie, revê­tait déjà un carac­tère sacré.

Le sacre­ment ins­ti­tué par le Christ ren­force et enno­blit consi­dé­ra­ble­ment ce carac­tère, tout autant que la liber­té humaine de l’en­ga­ge­ment sans retour.
Deux esprits s’af­frontent — d’un côté celui du don de soi, de l’ab­né­ga­tion, de l’hon­neur à res­pec­ter sa parole, de l’autre celui de la recherche de soi éri­gée en abso­lu — excluant toute idée de pos­sible conci­lia­tion. L’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage consti­tue une pierre d’a­chop­pe­ment radi­cale pour la réa­li­sa­tion du vieux rêve ber­cé dans ce sens par le catho­li­cisme libé­ral. On ne voit pas tel­le­ment quel nou­vel arbre de la liber­té pour­rait être éri­gé en faveur d’un mariage en même temps indis­so­luble et dis­so­luble ! Ne sommes-nous pas tenus par la logique du aut aut tant décriée, qui est si clai­re­ment énon­cée dans la IIe épître aux Corin­thiens (6, 15–16) : « Quel rap­port entre la jus­tice et l’i­ni­qui­té ? Quel rap­port entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Bélial ? Quelle asso­cia­tion entre le temple de Dieu et les idoles ? »
Il n’empêche, toutes sortes de faux-fuyants jaillissent ces der­niers temps pour ten­ter de pas­ser outre. Le pre­mier est tout sim­ple­ment le silence, l’ou­bli oppor­tun des pas­sages gênants de l’E­cri­ture et de la Tra­di­tion. Ain­si va l’in­sis­tance exclu­sive sur la misé­ri­corde divine et l’o­mis­sion simul­ta­née de la jus­tice du Christ qui vien­dra juger les vivants et les morts, asso­ciée au déni­gre­ment de la loi et de ses doc­teurs. Par ailleurs se mul­ti­plient les rai­son­ne­ments sophis­tiques dans les­quels Pas­cal trou­ve­rait avec bon­heur de quoi mettre à jour ses Pro­vin­ciales.

Un pre­mier argu­ment consiste à faire valoir que si l’E­glise ne consent pas à nuan­cer ses exi­gences dis­ci­pli­naires (en l’es­pèce, les paroles mêmes du Christ !) elle va deve­nir défi­ni­ti­ve­ment incom­pré­hen­sible aux hommes de notre temps : il convien­drait donc de se mettre à leur por­tée, de se mon­trer misé­ri­cor­dieux et accueillant. Cela rap­pelle cette fois Bos­suet, dont il fau­drait relire inté­gra­le­ment aujourd’­hui un ser­mon sur « la sou­mis­sion due à la parole de Jésus-Christ », adres­sé aux Minimes le 22 février 1660. Com­men­tant Mat­thieu 17, 5 — « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, dans lequel je me suis plu, écou­tez-le » -, il s’en prend, en s’ins­pi­rant du pro­phète Isaïe, à tous « ceux qui consultent pour être trom­pés, qui ne trouvent de bons conseils que ceux qui les flattent, qui cherchent à se dam­ner en conscience. […] De tels hommes disent aux voyants : “Ne voyez pas, aveu­glez-vous pour nous plaire […] Dites-nous des choses qui nous plaisent, débi­tez-nous des erreurs agréables” ». Il n’y a rien de nou­veau sous le soleil, mais dans les cir­cons­tances pré­sentes le pro­cé­dé risque d’a­voir des effets plus lourds de consé­quences. D’autres argu­men­ta­tions, fon­dées sur une approche géné­rale de type per­son­na­liste, ne consi­dèrent que le couple et son amour, lequel peut à leurs yeux jus­ti­fier bien des choses, sur­tout lors­qu’il s’é­tiole. L’i­ma­gi­na­tion fer­tile aidant, l’i­dée sur­git d’un sacre­ment à durée limi­tée, sus­cep­tible de s’ef­fa­cer si l’a­mour entre époux dis­pa­raît. D’autres pré­fèrent emprun­ter une « loi de gra­dua­li­té », disons de nor­ma­li­sa­tion pro­gres­sive, dans laquelle ils voient le moyen de jus­ti­fier de ser­vir deux maîtres en atten­dant de béné­fi­cier d’une sorte de légi­ti­ma­tion a pos­te­rio­ri par voie de pres­crip­tion. Aucune de ces belles argu­men­ta­tions ne s’in­té­resse aux enfants, les seuls oubliés de ces débor­de­ments ruis­se­lants de cha­ri­té feinte. Il existe bien des com­bi­nai­sons pos­sibles entre toutes ces ten­ta­tives de miti­ga­tion, elles pul­lulent en un moment où nous allons vers le point culmi­nant de l’of­fen­sive contre la loi du Christ, mais aucune, et pour cause, ne peut échap­per à la néces­si­té de tran­cher en fonc­tion d’elle.

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