Revue de réflexion politique et religieuse.

Jean de Vigue­rie : Les péda­gogues. Essai his­to­rique sur l’utopie péda­go­gique

Article publié le 10 Fév 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ortho­graphe fan­tasque, incul­ture, aug­men­ta­tion du nombre de jeunes voyous : ces ten­dances sont de plus en plus com­mu­né­ment sou­li­gnées et dénon­cées. Dans une cer­taine mesure, les choix péda­go­giques
qui en sont lar­ge­ment la cause (méthode d’apprentissage glo­bale, influence d’une vision uti­li­taire dans l’organisation des ensei­gne­ments, déva­lo­ri­sa­tion de la place du pro­fes­seur, etc.) font eux aus­si régu­liè­re­ment l’objet de remises en ques­tion, même si c’est d’une manière encore très éparse. Les causes pro­fondes de ces évo­lu­tions, en revanche, la « vague de fond » qui sou­tient cette agi­ta­tion de sur­face, sont beau­coup moins una­ni­me­ment iden­ti­fiées. Pour­tant, pour s’engager dans une direc­tion réso­lu­ment meilleure, il nous faut bien remon­ter « à la source du mal », comme le dit Jean de Vigue­rie dans ce petit ouvrage sur « l’utopie péda­go­gique ».
L’historien bien connu pour ses Deux patries, son Louis XVI ou encore son His­toire et dic­tion­naire du temps des Lumières, invite le lec­teur à « démas­quer le men­songe des péda­gogues », ceux qui enseignent aux maîtres à ensei­gner et qui struc­turent par leurs pos­tu­lats les méthodes péda­go­giques. Au tra­vers de l’étude de qua­torze de ces péda­gogues, d’Erasme à Phi­lippe Mei­rieu, en pas­sant par Locke, Rous­seau, Condor­cet, ou Vic­tor Consi­dé­rant (grand admi­ra­teur du pha­lan­stère de Four­rier), J. de Vigue­rie voit l’essence de ce « mal » dans le fait que ces auteurs ne recon­naissent pas à l’enfant une intel­li­gence active, une capa­ci­té innée de com­prendre et de sai­sir les prin­cipes. De là découlent toute une série d’erreurs fon­da­men­tales sur le rôle du pro­fes­seur par rap­port à l’enfant, sur la place des connais­sances et de la mémoire, sur le rôle de l’école par rap­port à la famille et à la socié­té. A la lec­ture de cet ouvrage, on peut se deman­der, comme on le ferait pour tout autre his­to­rien des idées (puisque c’est prin­ci­pa­le­ment à cette dis­ci­pline que J. de Vigue­rie se livre dans cet ouvrage), s’il existe un écart entre les théo­ries décrites et le monde tel qu’il va : dans quelle mesure l’utopie n’est-elle qu’une idée ? Une réponse est don­née à la page 153 et à la page 6 : l’utopie, long­temps demeu­rée dans les ouvrages, a pro­gres­si­ve­ment été mise en pra­tique par une série de réformes lan­cées à par­tir des années 1960. Cette réponse est d’autant plus inté­res­sante qu’elle ouvre sur une autre pers­pec­tive : « L’inapplication fai­sait sa force. L’application fait sa fai­blesse » car « les effets sont désas­treux ». Le moment est donc idéal pour remettre en ques­tion, en même temps que les méthodes, les théo­ries qui les sous-tendent. Ce fai­sant, J. de Vigue­rie invite par son ouvrage tous ceux qui ont la conscience d’une crise de l’éducation et la volon­té d’y remé­dier à com­men­cer par ana­ly­ser pro­fon­dé­ment ses racines intel­lec­tuelles. Les solu­tions pra­tiques n’en seront que plus adap­tées et durables.

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