Revue de réflexion politique et religieuse.

Vati­can II, ques­tion ouverte

Article publié le 3 Avr 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

C’est aujourd’hui vers l’Italie que l’on doit tendre l’oreille si l’on veut entendre des paroles et même des col­loques et débats publics où une ana­lyse du concile Vati­can II et de l’époque post-conci­liaire s’énonce, sans atté­nua­tion de la pen­sée ou, à l’inverse, sans que soit agi­té, pour seule réac­tion, le chif­fon rouge de l’extrémisme.
Certes, en d’autres pays, la France notam­ment, et depuis long­temps, une cri­tique construite s’est exer­cée et conti­nue, sauf, peut-être, sur un plan his­to­rique, en tout cas avec une ampleur qui puisse riva­li­ser avec des entre­prises dont la monu­men­tale His­toire du Concile Vati­can II d’Alberigo est le para­digme. Tou­te­fois, recon­nais­sons que cette cri­tique plus ancienne n’est guère par­ve­nue à s’extraire du dilemme entre pré­cau­tion de lan­gage et ostra­cisme, qu’un cer­tain contexte ecclé­sial impo­sait.
Les temps, cepen­dant, sont autres : le dis­cours de Benoît XVI à la Curie, le 22 décembre 2005, a inau­gu­ré un contexte nou­veau dont l’Italie semble être la pre­mière béné­fi­ciaire. Alors que la réflexion por­tait aupa­ra­vant sur l’application du concile Vati­can II, puis sur sa récep­tion, elle est remon­tée plus près de la source, au Concile lui-même : l’affaire main­te­nant est de savoir en quoi, à quel degré, et dans quels domaines il y a conti­nui­té ou dis­con­ti­nui­té, tant dans l’interprétation que l’on a don­née et conti­nue de don­ner de telle ou telle par­tie du cor­pus conci­liaire, que dans ce cor­pus lui-même par rap­port à la doc­trine anté­rieu­re­ment pro­fes­sée. Cet angle de réflexion s’est aujourd’hui impo­sé à tous, et celui qui a opé­ré ce bas­cu­le­ment auto­rise sans aucun doute une parole plus libre, sans crainte de confi­ne­ment.
Effec­ti­ve­ment, des thé­ma­tiques somme toute assez connues trouvent donc actuel­le­ment en Ita­lie une audience inédite. Par­mi d’autres évé­ne­ments, l’on met­tra par­ti­cu­liè­re­ment en exergue un ouvrage de Rober­to de Mat­tei – l’une de ces études his­to­riques atten­dues –, et sur­tout un col­loque orga­ni­sé en décembre 2010 par les Fran­cis­cains de l’Immaculée à Rome sur le carac­tère « pas­to­ral » du Concile. Les pro­pos tenus apportent-ils quelque nou­veau­té dans le conte­nu même de la cri­tique ? Il importe d’abord de rele­ver qui sont ceux qui parlent et plus encore les lieux nou­veaux où ils le font, sans doute plus larges, cer­tai­ne­ment plus proches des ins­ti­tu­tions de l’Eglise. Et l’oreille est ren­due plus atten­tive encore quand l’œil, lui aus­si, est atti­ré, sur fond de gris fran­cis­cain, par la pourpre car­di­na­lice côtoyant le vio­let épis­co­pal ou le file­tage des sou­tanes de nombre de pré­lats de la curie. Non qu’il y ait mon­da­ni­té, mais qui dédai­gne­rait l’importance de cette pré­sence publique de la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, à deux pas du Vati­can : le contexte a effec­ti­ve­ment bien chan­gé.
Mgr Bru­ne­ro Ghe­rar­di­ni entre dans ce cadre ita­lien qui néan­moins tend à s’internationaliser par le juste inté­rêt qu’il sus­cite ; il peut même, en quelque manière, en être consi­dé­ré comme, sinon le chef de file, du moins l’éclaireur de tête. Tout d’abord par l’activité édi­to­riale : en 2009, un livre très cri­tique sur le dia­logue œcu­mé­nique et inter­re­li­gieux, comme sur la « judéo-dépen­dance » de l’Eglise comme il la nomme ; la même année, un livre sur le Concile Vati­can II, se ter­mi­nant par une sup­plique au pape lui enjoi­gnant d’entreprendre enfin l’interprétation magis­té­rielle authen­tique de cer­tains des docu­ments conci­liaires ; en 2010, une impor­tante livrai­son de la revue Divi­ni­tas consa­crée entiè­re­ment à une cla­ri­fi­ca­tion his­to­rique et théo­lo­gique de ce qu’est la Tra­di­tion dans l’Eglise, depuis publiée en livre ; en 2011, un nou­vel ouvrage, dont on par­le­ra plus loin. […]

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