Revue de réflexion politique et religieuse.

L’après-concile et la poli­tique. Varia­tions et per­plexi­tés

Article publié le 3 Avr 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

En matière poli­tique, le Concile s’en est tenu à une expres­sion peu inno­vante, sans rup­ture nette avec cer­taines pré­sen­ta­tions anté­rieu­re­ment en usage. On pour­rait ain­si voir des traces de l’intégralisme de l’époque de Pie XI dans Apos­to­li­cam Actuo­si­ta­tem, le décret sur l’apostolat des laïcs. Dès l’abord de ce texte (n. 2) vient en effet l’affirmation sui­vante : « L’ordre tem­po­rel est à renou­ve­ler de telle manière que, dans le res­pect de ses lois propres et en confor­mi­té avec elles, il devienne plus conforme aux prin­cipes supé­rieurs de la vie chré­tienne et soit adap­té aux condi­tions diverses des lieux, des temps et des peuples » (n. 7). Cette for­mule fait écho à la Consti­tu­tion sur « l’Eglise dans le monde de ce temps », Lumen Gen­tium, qui pose que « la voca­tion propre des laïcs consiste à cher­cher le règne de Dieu pré­ci­sé­ment à tra­vers la gérance des choses tem­po­relles qu’ils ordonnent selon Dieu » (n. 31). Ces sen­tences peuvent s’insérer dans la suite des ensei­gne­ments pon­ti­fi­caux de la fin du XIXe et de la pre­mière moi­tié du XXe siècle, dans l’esprit de la devise de saint Pie X, « Omnia ins­tau­rare in Chris­to » – tout res­tau­rer dans le Christ.
Néan­moins elles sont réin­ter­pré­tées dans le sens des concep­tions théo­ri­sées par Jacques Mari­tain, par­ti­san d’une « nou­velle chré­tien­té pro­fane » dans laquelle le chré­tien devien­drait l’avant-garde, la « forme ani­ma­trice » de l’organisation sociale. Ain­si dans le même décret sur l’apostolat des laïcs, il est dit que « le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires pro­fanes, ils sont appe­lés par Dieu à exer­cer leur apos­to­lat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chré­tien » (n. 2)2. Si donc le pro­jet poli­tique conci­liaire s’inscrit dans la conti­nui­té des décen­nies pré­cé­dentes, il en accen­tue clai­re­ment l’une des ten­dances, dans le sens d’une inci­ta­tion à par­ti­ci­per acti­ve­ment aux régimes éta­blis ou aux mou­ve­ments dits d’émancipation. Il attri­bue au laïc une fonc­tion d’animation, ou d’activation, voire de direc­tion des forces sociales, en concours actif avec les « hommes de bonne volon­té », les non-chré­tiens épris de jus­tice, dans le but com­mun de rendre plus humaine la vie du monde contem­po­rain.
On peut rele­ver ici cette nou­veau­té rela­tive des orien­ta­tions conci­liaires par rap­port aux trois décen­nies anté­rieures. Le temps de Pie XI avait été celui de l’enrégimentement des laïcs, ou du moins de la frange la plus « mili­tante » d’entre eux, dans les rangs d’une Action catho­lique ins­ti­tu­tion­nelle dûment contrô­lée par la hié­rar­chie ecclé­sias­tique.
Face à un monde contem­po­rain mena­çant de toutes parts, on vou­lait que les catho­liques forment un « bloc », une masse de manœuvre impli­quant dis­ci­pline uni­taire et sou­mis­sion. […]

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