Revue de réflexion politique et religieuse.

La sacra­li­té de la média­tion poli­tique

Article publié le 5 Jan 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

La réa­li­té contem­po­raine est domi­née par un laï­cisme qui non seule­ment nie la valeur posi­tive du chris­tia­nisme, mais qui cherche en réa­li­té à l’extirper de la culture poli­tique [Mar­cel­lo Pera, « I dirit­ti huma­ni ? Pri­ma non c’erano », L’Osservatore Roma­no, 1er octobre 2009, p. 4.]. Cette idéo­lo­gie rejette une longue tra­di­tion de subor­di­na­tion à Dieu qu’elle rêve de détrô­ner, à l’exemple de Satan. Le fait qu’aujourd’hui pra­ti­que­ment aucun gou­ver­ne­ment ne recon­naisse sa dépen­dance envers Dieu n’empêche pas que ce soit là le sta­tut essen­tiel de tout pou­voir poli­tique. Et si un gou­ver­ne­ment peut refu­ser d’assumer cette fonc­tion minis­té­rielle, Dieu n’en demeure pas moins le Sei­gneur de l’Histoire, qui peut trans­for­mer l’infidélité des gou­ver­nants en un bien pour le peuple qui subit leur tyran­nie.
L’homo oeco­no­mi­cus, l’idéal bor­né et alié­nant offert par le socia­lisme et l’hédonisme de la consom­ma­tion, ne peut qu’être reje­té, de même que l’homo poli­ti­cus des dif­fé­rents types de libé­ra­lisme, ce modèle auto­ré­fé­ren­tiel qui se fonde sur une culture sans autre hori­zon que la cité ter­restre. C’est à l’homo catho­li­cus que nous devons pen­ser, qui intègre ce qui relève des deux pre­mières caté­go­ries mais les dépasse de beau­coup, parce que sa conscience pre­mière est pré­ci­sé­ment celle d’un ministre de Dieu dans le monde. C’est ce qui le pousse à dési­rer l’instauration de la seule forme sociale qui réponde aux plans éter­nels de Dieu, le règne social de Notre Sei­gneur Jésus-Christ. En tant que catho­li­cus, il est un homme com­plet, enra­ci­né dans l’humus de l’histoire de la cité et de la nation dans les­quelles Dieu l’a pla­cé. Il n’est pas cos­mo­po­lite, mais uni­ver­sel, enra­ci­né dans une culture humaine, car la Foi doit faire pous­ser ses racines dans une nation déter­mi­née et la trans­for­mer. Sans entrer dans le long pro­ces­sus his­to­rique de la sécu­la­ri­sa­tion, et donc aus­si de la désa­cra­li­sa­tion de l’autorité poli­tique, on constate que beau­coup de régimes contem­po­rains tentent de se légi­ti­mer au moyen de cer­taines formes de sacra­li­sa­tion. Leur quête est une confir­ma­tion assez directe que de même que l’être humain a besoin de Dieu même s’il le nie expli­ci­te­ment, il a aus­si besoin que l’autorité poli­tique se fonde sur des bases qui ne soient pas exclu­si­ve­ment sécu­lières et ratio­na­listes.
Ain­si en va-t-il des Etats-Unis, où s’est déve­lop­pée une sorte de reli­gion civile basée sur le mythe des « Pères fon­da­teurs », puis sur celui qui veut que ce pays soit la terre bénie de Dieu, un lieu où tous les hommes ont la pos­si­bi­li­té d’être pros­pères et heu­reux. Que l’on pense de même aux rites civils, de nature qua­si reli­gieuse, qui se pra­tiquent dans le culte de la per­son­na­li­té des diri­geants, phé­no­mène bien connu en Rus­sie sovié­tique et dans l’Allemagne nazie, et encore visible en Chine com­mu­niste et dans cer­tains régimes popu­listes lati­no-amé­ri­cains, et d’ailleurs aus­si sen­sibles dans cer­taines mani­fes­ta­tions poli­tiques des démo­cra­ties occi­den­tales [Anto­nio Carile, La sacra­li­tà rituale dei ΒΛΣΙΛΕΙΣ bizan­ti­ni, in Per me Reges Regnant – la rega­li­tà sacra nell’Europa medie­vale, Fran­co e Maria Sal­ta­rel­li (dir.), Il Cer­chio (Rimi­ni) et Can­ta­gal­li (Sienne), 2002, p. 53]. La dog­ma­ti­sa­tion de la démo­cra­tie peut évi­dem­ment être consi­dé­rée comme rele­vant de ten­dances tota­li­santes, visant à exclure de l’ordre poli­tique qui­conque refu­se­rait cette nou­velle forme d’orthodoxie publique [Rafael Gam­bra, « La Demo­cra­cia como Reli­gión – La fron­te­ra del mal », Ver­bo [Madrid], n.229–230, oct.-déc. 1984, p. 1215.].

-->