Revue de réflexion politique et religieuse.

Judas est en enfer

Article publié le 19 Juin 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

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Le titre n’entend pas seule­ment pro­vo­quer, puisque l’abbé Pagès s’attache, en der­nière par­tie de sa réflexion, à démon­trer que l’apôtre traître qui a choi­si son des­tin l’a fait irré­ver­si­ble­ment, mais le pro­pos est avant tout d’établir l’existence actuelle de l’enfer, à l’encontre prin­ci­pa­le­ment de Hans Urs von Bal­tha­sar qui, en met­tant en cause la réa­li­té d’une dam­na­tion éter­nelle, ne pro­pose rien d’autre, selon l’auteur, qu’une nou­velle ver­sion de la doc­trine de l’apocatastase — la récon­ci­lia­tion finale —, en dépit des for­mules les plus nettes du Nou­veau Tes­ta­ment, citées de manière tron­quée pour les besoins de la cause. Il semble bien que le grand théo­lo­gien d’Einsiedeln ait en l’occurrence lais­sé de côté la ten­sion dra­ma­tique qui donne au reste de son oeuvre une hau­teur, une noblesse ajus­tées à la gran­deur de l’oeuvre du Rédemp­teur et à la pro­fon­deur du mal­heur humain comme à celle de l’amour divin. Aus­si ne pou­vons-nous qu’adopter de pré­fé­rence avec Guy Pagès, non la for­mule « espé­rer pour tous », mais cette autre : « espé­rer pour le plus grand nombre pos­sible », dont les avan­tages sont remar­qua­ble­ment pré­sen­tés.
Il est cer­tain que la pré­di­ca­tion des peines de l’enfer a été aban­don­née ou édul­co­rée au pire moment où une telle ten­dance à évi­ter de par­ler de l’enfer ne peut qu’encourager nos contem­po­rains à y aller tout droit, comme ils en prennent glo­ba­le­ment le che­min d’une manière indis­cu­table pour tout obser­va­teur de l’état de déla­bre­ment moral et spi­ri­tuel de notre monde, pour tout lec­teur impar­tial des mys­tiques, pour tout fidèle à qui on n’a pas occul­té des révé­la­tions aus­si impor­tantes et graves que celles de Fati­ma et d’autres. Aus­si ne peut-on que révi­ser la ten­dance pla­te­ment opti­miste à dédai­gner pure­ment et sim­ple­ment la thèse théo­lo­gique, tra­di­tion­nelle et même patris­tique, du petit nombre des sau­vés.
L’originalité de ce livre tient au fait que le carac­tère effrayant des pers­pec­tives des­si­nées n’est que le revers d’une théo­lo­gie per­son­nelle et d’une pré­di­ca­tion morale dont on voit clai­re­ment qu’elles se fondent tota­le­ment sur la révé­la­tion de l’amour et, en consé­quence, du bon­heur infi­ni pro­mis à ceux qui lui auront fait accueil. Il vau­drait la peine d’analyser et de dis­cu­ter point par point cet ouvrage impor­tant, ce qui sera fait, nous l’espérons, quand paraî­tra une nou­velle édi­tion actuel­le­ment en pro­jet.
On se bor­ne­ra à sou­hai­ter que les dif­fé­rents niveaux d’interprétation des textes magis­té­riels, théo­lo­giques ou mys­tiques, soient ana­ly­sés et com­pa­rés, l’importance du sujet requé­rant ce tra­vail déli­cat et extrê­me­ment dif­fi­cile.
L’auteur demande que, pour le bien des âmes, un dogme paraisse sur l’actualité de l’enfer. On com­prend ce qui motive une pareille requête. L’Eglise cepen­dant a tou­jours essayé, en toute der­nière ana­lyse, d’éviter le pas­sage à la limite, sinon sur l’existence d’une dam­na­tion éter­nelle, du moins sur le nombre de ceux qui la subissent, en dépit de décla­ra­tions nom­breuses revê­tues d’une auto­ri­té indis­cu­table. Nous nous trou­vons devant un mys­tère tota­le­ment écra­sant que seule la Sagesse du Père est à même de mesu­rer et d’assumer.

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