Revue de réflexion politique et religieuse.

Numé­ro 127 : Le sys­tème et le contrôle social

Article publié le 25 Juin 2015 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Parmi les nom­breuses défi­ni­tions qu’il offre du mot « sys­tème », Le Tré­sor de la Langue fran­çaise indique le sens sui­vant : « L’ensemble social, l’armature éco­no­mique, poli­tique, morale, idéo­lo­gique d’une socié­té consi­dé­rée comme un ensemble social rigide et contrai­gnant. » Deux don­nées sont rete­nues : l’articulation entre des com­po­santes de deux natures dif­fé­rentes, ins­ti­tu­tion­nelles ou rele­vant de l’esprit du temps, des idées qui cir­culent, du confor­misme des conduites, des lieux com­muns sur les évé­ne­ments ou la vie en géné­ral ; et ce qui est sans aucun doute le plus impor­tant, la contrainte par laquelle tout cela est orien­té, impo­sé, sanc­tion­né. Une contrainte qui peut pro­ve­nir d’un centre unique de pou­voir, mais aus­si éma­ner d’on ne sait trop où, de mul­tiples acteurs dis­sé­mi­nés dans un milieu qui y trouve son compte et en démul­ti­plie l’influence. La confu­sion due au bruit per­ma­nent des médias et à la déstruc­tu­ra­tion cultu­relle pro­duite par un ensei­gne­ment inver­sé dis­pen­sé à plu­sieurs géné­ra­tions rend les masses mani­pu­lables et inca­pables de réac­tions signi­fi­ca­tives. Il y a long­temps que de telles ten­dances sont à l’œuvre mais la période récente a per­mis de consta­ter leur forte aggra­va­tion ; l’affaire Char­lie en est une exem­plaire illus­tra­tion.

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Le socio­logue Paul Yon­net avait ana­ly­sé, dans un article qui lui valut d’âpres qua­li­fi­ca­tions, ce qui demeure le pré­cé­dent de réfé­rence, l’affaire de couverture127 la pro­fa­na­tion de tombes juives dans le cime­tière de Car­pen­tras, en 1990, et la manière dont cet évé­ne­ment avait été immé­dia­te­ment trai­té par ce qu’il appe­lait l’inside, c’est-à-dire l’ensemble des par­tis poli­tiques « du sys­tème », les grands médias et la cohorte des « clercs » cou­vrant de leur auto­ri­té la garan­tie de l’ordre éta­bli. Ce que le socio­logue démon­trait, c’était que la méthode de trai­te­ment de l’affaire avait été lon­gue­ment mise au point, de sorte qu’il était facile, en pré­sence d’un inci­dent iso­lé mais suf­fi­sam­ment cho­quant pour y prendre appui, d’appliquer un sché­ma tout prêt, n’ayant avec l’événement que le rap­port for­tuit d’une heu­reuse sur­prise pour la classe se par­ta­geant alter­na­ti­ve­ment le pou­voir. Il évo­quait des « élé­ments épars qui ne demandent qu’une étin­celle pour flam­ber », ajou­tant une com­pa­rai­son : « Car­pen­tras est très pré­ci­sé­ment ce qui s’appelle en chi­mie une auto­ca­ta­lyse : un phé­no­mène par lequel une réac­tion chi­mique (ici, donc, sociale) engendre elle-même un corps qui lui sert de cata­ly­seur. Car­pen­tras est ce corps. » (« La machine Car­pen­tras. His­toire et socio­lo­gie d’un syn­drome d’épuration », Le Débat n. 61, 1990/4, pp. 16–31).
A l’époque, la pré­oc­cu­pa­tion domi­nante était cen­trée sur la mon­tée élec­to­rale du Front natio­nal, le but étant alors d’éliminer, en le dia­bo­li­sant, un per­tur­ba­teur des jeux entre par­tis ins­tal­lés. Dans la pré­sente affaire Char­lie, les quelques ten­ta­tives pour réité­rer le même scé­na­rio qu’en 1990 se sont avé­rées trop gros­sières pour être cré­dibles et ont fait long feu, n’ayant pas de rap­port avec l’événement. Sans doute, l’objectif géné­ral reste-t-il le même, celui de pro­té­ger la sta­bi­li­té des posi­tions acquises de l’inside, le par­ti col­lec­tif dont par­lait Paul Yon­net. Mais les don­nées ne sont plus celles d’il y a vingt-cinq ans : ce qu’il s’agit aujourd’hui de garan­tir est plu­tôt la péren­ni­té de l’équilibre per­met­tant la pour­suite de l’ouverture uni­ver­selle des fron­tières requise par les besoins du mar­ché mon­dia­li­sé. Le par­ti col­lec­tif en ques­tion ne connaît d’ailleurs pas les fron­tières, comme il a tenu à le mani­fes­ter. Cette fois donc, la foca­li­sa­tion se fait sur un prin­cipe dont on vou­drait faire la quin­tes­sence de la reli­gion civile mon­diale, sans peur de la contra­dic­tion, le « droit au blas­phème ». La devise du nihi­lisme ain­si bran­die – plus rien de ce qui est sacré ne doit être res­pec­té – couvre toutes les trans­gres­sions mises à l’honneur dans la phase d’achèvement de la moder­ni­té, pour le grand bien du nou­vel ordre mon­dial et de ceux qui en pro­fitent.
Le détour­ne­ment de sens opé­ré, avec une célé­ri­té remar­quable – quelques heures tout au plus – à pro­pos d’un évé­ne­ment par ailleurs consi­dé­ré, avec immo­des­tie, comme le « 11 sep­tembre fran­çais », a l’avantage de nous offrir la vision d’une grande habi­le­té de la part d’un milieu numé­ri­que­ment très limi­té mais soli­daire et doté de la capa­ci­té d’identifier rapi­de­ment l’occasion à ne pas man­quer : au fond, doté des mêmes apti­tudes que les bons tra­ders de la Bourse. Pour le reste de l’activité déployée, on ne peut rele­ver d’originalité par­ti­cu­lière, car les slo­gans habi­tuels sont repris contre les enne­mis du sys­tème, les mêmes tech­niques d’amalgame : le conte­nu idéo­lo­gique n’est guère nou­veau, dis­so­cia­tion entre l’islam-religion-de-paix et les inté­grismes, anti­sé­mi­tisme (musul­man mais d’origine chré­tienne et vichyste)… Ce manque d’originalité, en com­pa­rai­son de l’efficacité tech­nique de la récu­pé­ra­tion de l’événement sur­prend de prime abord, mais peut se com­prendre comme une sorte de réac­tion qua­si méca­nique de régu­la­tion. Devant une menace de désta­bi­li­sa­tion quelle qu’elle soit, un réflexe de défense vient rame­ner les choses au seuil au-delà duquel le contrôle social devien­drait instable. Les menaces doivent donc être clas­sées en fonc­tion du dan­ger pou­vant peser sur la conser­va­tion du « cœur » du sys­tème. Celui-ci s’estime beau­coup plus fra­gi­li­sé par une réac­tion popu­laire épi­der­mique que par les menées d’une mino­ri­té active de fana­tiques musul­mans plus ou moins mani­pu­lés à l’échelle glo­bale. C’est du moins un cal­cul qui, à consi­dé­rer les com­por­te­ments et dis­cours asso­ciés, paraît avoir été à la base de ces étranges contra­dic­tions.
L’exploitation de l’événement a pris, presque ins­tan­ta­né­ment, une dimen­sion mon­diale. En un ins­tant un jour­nal sca­to­lo­gique en voie d’extinction est trans­fi­gu­ré en héraut de la liber­té. La bien-pen­sance glo­bale, mili­tante ou mimé­tique, se mobi­lise pour le célé­brer. Ce qui attire l’attention ici, c’est bien sûr ce phé­no­mène d’identification bien dif­fé­rent de la sidé­ra­tion ayant sui­vi les atten­tats du 11 sep­tembre 2001. Celle-ci, pour orches­trée qu’elle ait pu être, cor­res­pon­dait à un mou­ve­ment natu­rel d’épouvante face à une situa­tion extra­or­di­naire, un nombre de vic­times très éle­vé et des des­truc­tions spec­ta­cu­laires frap­pant d’autant plus l’imagination qu’elles étaient trans­mises en direct sur toutes les chaînes de télé­vi­sion de la pla­nète. Or il n’y a pas de com­mune mesure entre ce qui s’était pas­sé à New York et les meurtres du 7 jan­vier à Paris, pas de com­mune mesure non plus entre ces der­niers et les crimes contem­po­rains de Boko Haram ou des isla­mistes d’Irak et de Syrie, face aux­quels il a été dit et répé­té qu’il conve­nait de gar­der calme et pon­dé­ra­tion avant tout enga­ge­ment – à l’opposé de la « défense des droits de l’homme » en Ukraine. Tout ceci se passe donc comme si au fil des années les choses s’étaient épu­rées, nous per­met­tant d’assister au fran­chis­se­ment d’une étape sur la voie de l’arrogance et des trai­te­ments dif­fé­ren­ciés.
L’affaire Char­lie pré­sente des aspects qui, à cer­tains égards, peuvent sem­bler des fai­blesses. Si les foules ont occu­pé la rue dans un cli­mat émo­tion­nel aux relents de hap­pe­ning, et mal­gré l’unanimité appa­rente d’une iden­ti­fi­ca­tion autour du slo­gan « Je suis Char­lie », la cause motrice de cette una­ni­mi­té, au-delà du gré­ga­risme, demeure équi­voque et ne cor­res­pond donc pas néces­sai­re­ment au désir de ceux qui ont impul­sé le mou­ve­ment. De la conju­ra­tion élé­men­taire du péril (pas de ça chez nous !) au rejet d’une pré­sence isla­mique de plus en plus voyante, les foules réunies dans la rue risquent fort d’avoir été lar­ge­ment tein­tées d’un« popu­lisme » assez dis­tinct de l’adhésion aux « valeurs » impo­sées. Le slo­gan a plu, mais il est ambi­gu, pou­vant signi­fier pour les uns (ses concep­teurs, et ceux dont ils expriment les aspi­ra­tions) le par­tage de l’idéologie de la socié­té ouverte, idéal com­mun des classes domi­nantes mon­dia­listes et de l’homo ludens finis­sant, tan­dis que pour d’autres, anxieux devant les signes de crise éco­no­mique ou les menaces de désordres eth­niques, sou­vent en dif­fi­cul­té du fait d’une vie quo­ti­dienne déso­cia­li­sée, l’identification à « Char­lie » paraît aus­si, dans une cer­taine mesure, tra­duire, para­doxa­le­ment en l’espèce, une aspi­ra­tion à la conser­va­tion de l’ordre et un rejet qua­si for­mel de la « diver­si­té ».
Même si elle a don­né l’image d’un sur­saut popu­laire, la très rapide mise en mou­ve­ment de cette démons­tra­tion s’est vite ache­vée, à cause de son carac­tère fac­tice, mais aus­si peut-être en rai­son de cette ouver­ture inat­ten­due de la boîte de Pan­dore. Depuis il est de bon ton dans les médias de sou­li­gner que les popu­la­tions s’accommodent de l’entrée dans leur vie de nou­velles contraintes de sécu­ri­té, sans qu’ait été le moins du monde modi­fié le cours des poli­tiques à l’origine des situa­tions qui les jus­ti­fient. La mani­pu­la­tion de l’opinion est ici trop criante pour être contes­tée. Mais est-ce vrai­ment une fai­blesse ? Tout se passe, en effet, comme si l’on gagnait en trans­pa­rence, c’est-à-dire en cynisme, en même temps qu’en volon­té d’impressionner.
Cette affaire remar­quable, tant par son inten­si­té que sa briè­ve­té, illustre la nou­velle pro­cé­dure de légi­ti­ma­tion du sys­tème. Il faut rap­pe­ler que la « démo­cra­tie », qui théo­ri­que­ment n’a d’autre moyen de se légi­ti­mer vis-à-vis d’elle-même qu’au tra­vers des majo­ri­tés élec­to­rales, contraint l’oligarchie qui lui est inhé­rente à recou­rir au rituel régu­lier des élec­tions pour y pui­ser sa propre jus­ti­fi­ca­tion, en d’autres termes pour appa­raître comme ser­vante du peuple sou­ve­rain. Ces pro­cé­dures de double légi­ti­ma­tion deviennent tou­jours plus arti­fi­cielles dès lors qu’elles débordent les cadres natio­naux, l’oligarchie for­mant une caté­go­rie trans­ver­sale, com­man­dée par des impé­ra­tifs échap­pant au cadre limi­té des anciens Etats-nations. En consé­quence l’exercice pério­dique du suf­frage est aisé­ment vidé de son pou­voir, déjà assez abs­trait dans l’ancienne confi­gu­ra­tion. A cet égard, les récentes élec­tions grecques risquent fort de consti­tuer un cas d’espèce des plus inté­res­sants. L’arrivée au pou­voir d’un gou­ver­ne­ment de coa­li­tion en prin­cipe fran­che­ment hos­tile aux exi­gences finan­cières exor­bi­tantes impo­sées à ce pays par les orga­nismes ban­caires supra­na­tio­naux a sem­blé consti­tuer un cas emblé­ma­tique de révolte des peuples. Il semble pour­tant que le tra­di­tion­nel méca­nisme de confis­ca­tion ait de bonnes chances de fonc­tion­ner, le pre­mier ministre Tsi­pras appa­rais­sant, à peine deux mois après son élec­tion, comme un agent de plus de la poli­tique euro­péiste avec laquelle il avait reçu man­dat et avait pro­mis de rompre défi­ni­ti­ve­ment.
Les élec­tions per­dant de leur uti­li­té imposent de pra­ti­quer des formes plus directes d’appel à l’acceptation consen­suelle de l’oligarchie. Les grands évé­ne­ments dans le style de ce mois de jan­vier pari­sien et mon­dial per­mettent peut-être quelques gains anec­do­tiques dans les son­dages de popu­la­ri­té, mais est-ce là réel­le­ment le pro­blème ?
En réa­li­té, il semble bien que nous nous trou­vions en face d’un tour­nant, d’un moment cri­tique. Si la com­pa­rai­son métho­do­lo­gique nous ren­voie aux années 1990, et en dépit du res­sas­se­ment des mêmes dis­cours d’intimidation, cer­taines choses changent. Rete­nons-en deux : une manière rela­ti­ve­ment nou­velle de pra­ti­quer le coup de force per­ma­nent, et la fin amor­cée.
Le coup de force est constant et mul­ti­forme. Cha­cun a en mémoire la manière dont les mani­fes­ta­tions de masse contre le pré­ten­du mariage pour tous ont été trai­tées, par les médias comme par les forces de police, cha­cun dans un genre dif­fé­rent mais convergent, les uns ten­tant de réduire à l’inexistence ceux qui s’écartaient de leurs normes, les autres pra­ti­quant une répres­sion dis­pro­por­tion­née. Dans un autre domaine, mal­gré l’impopularité des mesures concer­nées, un tour de vis en direc­tion du libé­ra­lisme éco­no­mique a été impo­sé en France, à peine plus d’un mois après l’affaire Char­lie, par recours gou­ver­ne­men­tal à la pro­cé­dure d’urgence (l’article 49–3 de la consti­tu­tion) per­met­tant d’éviter tout débat par­le­men­taire qui aurait ris­qué de gêner leur accep­ta­tion. Des pro­cé­dés ana­logues sont employés dans beau­coup d’autres pays pour impo­ser les trans­for­ma­tions conformes aux pro­jets éla­bo­rés dans les cercles res­treints de l’oligarchie mon­diale. Le champ du lan­gage comme celui de l’école sont à ce titre des domaines de véri­fi­ca­tion édi­fiants, puisqu’ils font l’objet de pres­sions conjointes et mul­tiples depuis que la néga­tion des dif­fé­rences entre sexes a été dog­ma­ti­sée. L’euthanasie est impo­sée de la même façon. On remarque que la sépa­ra­tion des pou­voirs ne joue pas dans ce genre d’interventions, pas plus d’ailleurs que la dis­tinc­tion entre ins­tances éta­tiques et organes finan­ciers indé­pen­dants. Juges, experts, police, agents média­tiques, cher­cheurs uni­ver­si­taires et mili­tants « issus de la socié­té civile », pro­vo­ca­teurs sti­pen­diés – pen­ser aux Femen – font conver­ger leurs efforts dans la même direc­tion pour impo­ser leurs déci­sions. On note la conco­mi­tance fla­grante des pres­sions exer­cées sur les légis­la­tions natio­nales pour qu’elles pro­meuvent les valeurs nou­velles de la « socié­té ouverte », venant ébran­ler les fon­de­ments mêmes de la famille, ouvrir le droit au sui­cide assis­té, à l’euthanasie des malades, vieillards et han­di­ca­pés, l’infanticide néo­na­tal et autres per­ver­sions. Le « droit au blas­phème » résume fina­le­ment très bien ce pro­gramme, en cours de réa­li­sa­tion sous nos yeux, On com­prend dès lors que ces mêmes pres­sions ne puissent pas­ser à côté d’une occa­sion comme le synode romain sur la famille, dans un cli­mat ecclé­sial plus confus que jamais. Quant au domaine des rela­tions inter­na­tio­nales, la manière dont est mené l’encouragement aux guerres civiles en Ukraine et en Syrie, pour ne citer que deux exemples fla­grants, donne l’occasion de véri­fier une même impu­dence dans la manière d’intervenir, sous une forme certes dif­fé­rente. La contrainte exer­cée par le sys­tème domi­nant n’est pas un vain mot.

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Il s’avère que le phé­no­mène croît, comme le désert de Nietzsche. Il devient voyant, pres­sant, per­dant toute rete­nue au fur et à mesure que le temps passe. Com­ment faut-il inter­pré­ter la chose ? Entre deux hypo­thèses oppo­sées – la domi­na­tion du sys­tème est totale, il lui est inutile de se cacher, ou bien au contraire il arrive à une impasse et tente le tout pour le tout pour se sur­vivre – il est dif­fi­cile de tran­cher, bien que du point de vue de la logique phi­lo­so­phique de la moder­ni­té, ce soit la seconde qui paraisse la plus juste. La moder­ni­té arri­vant à son achè­ve­ment se révèle à elle-même comme une impos­si­bi­li­té. Le pré­cé­dent du com­mu­nisme, qui fut un temps son rameau d’avant-garde, est là pour mon­trer qu’une implo­sion est envi­sa­geable, la phase finale étant tou­te­fois pleine d’incertitudes et grosse de dan­gers.
Plu­tôt que de conti­nuer à offrir ses bons et loyaux ser­vices à ce sys­tème simul­ta­né­ment odieux et mori­bond, il convien­drait, certes, de s’en tenir à l’écart, d’éclairer tous ceux qui com­mencent sérieu­se­ment à le trou­ver insup­por­table, de mettre à l’ordre du jour une réflexion sur la pré­pa­ra­tion des len­de­mains. Il ne fait aucun doute que sur ce che­min des obs­tacles impor­tants sont à lever. Par­mi eux, rete­nons ici deux d’entre eux, d’inégale gra­vi­té. Le pre­mier est la carence de moyens qui rend dif­fi­cile de fran­chir le stade où l’on entre­voit le mal sans être capable de l’identifier et moins encore de conce­voir les remèdes. Cette carence est tout sim­ple­ment le résul­tat de la culture domi­nante et de son accep­ta­tion. Le second obs­tacle est bien plus grave, car il appelle une conver­sion. Il est propre à tous ceux qui auraient pu, et dû, éclai­rer les esprits sur la réa­li­té mais qui se sont tout au contraire effor­cés d’édulcorer le mal, d’anesthésier les esprits par des dis­cours « modé­rés », avant de se faire pure­ment et sim­ple­ment les zéla­teurs de l’alignement. On com­prend dès lors l’importance sym­bo­lique qu’aurait pour le sys­tème un acquies­ce­ment com­plet de l’Eglise, ce qui explique l’intensité des manœuvres pour y arri­ver.
L’intervalle entre les deux ses­sions syno­dales sur le sort de la famille se pré­sente alors comme une épreuve de véri­té, puisqu’on y voit res­sur­gir des mou­ve­ments internes rap­pe­lant les moments les plus ten­dus de l’époque du concile Vati­can II. On y voit aus­si sur­gir, après une longue période d’inertie, une sorte d’insurrection de la conscience en défense du dogme catho­lique et de la morale natu­relle. Si le fait inté­resse au plus haut point les grands médias inter­na­tio­naux, ce n’est pas sans rai­son : là en effet se joue une par­tie dont l’issue sera riche de consé­quences, dans un sens ou dans l’autre. Comme sou­vent, ce qui se passe dans le creu­set romain fait écho, en les concen­trant, aux mou­ve­ments du monde.

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