Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­ture : L’édifice et le culte. La leçon du roman nor­mand

Article publié le 6 Mai 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Avec Les églises romanes de Nor­man­die, de Valé­rie Chaix ((. Picard, novembre 2011, 359 p., 70 €.)) , c’est à nou­veau un bien beau livre sur l’architecture litur­gique médié­vale que nous pro­posent les édi­tions Picard, peu de temps après le col­lec­tif, plus cen­tré sur les ori­gines, qu’avait diri­gé Pao­lo Piva ((. Pao­lo Piva (dir.), Art médié­val, Les voies de l’espace litur­gique, Picard, 2010, 287 p.)) . S’il montre de belles pho­tos et des plans nom­breux, ce n’est pas un guide de tou­risme cultu­rel. C’est un ouvrage de fond sur l’architecture litur­gique de cette époque, à par­tir du carac­tère par­ti­cu­liè­re­ment repré­sen­ta­tif de la Nor­man­die. Les monu­ments décrits sont choi­sis dans les limites his­to­riques du duché de Nor­man­die au XIe siècle, pro­vince qui, l’auteur le sou­ligne, est à l’origine de l’application de l’adjectif roman à l’architecture : « C’est l’archéologue nor­mand, C. de Ger­ville  (1769–1853), qui pro­pose en 1818 de reprendre le terme de roman pour carac­té­ri­ser le style régnant aux XIe et XIIe siècles, terme jusque-là uti­li­sé pour dési­gner l’état inter­mé­diaire de notre langue entre le bas-latin et le fran­çais déjà bien carac­té­ri­sé du XIIIe siècle. » (pp. 9–10). Cet épa­nouis­se­ment archi­tec­tu­ral de la Nor­man­die romane, un peu plus d’un siècle après la séden­ta­ri­sa­tion et la chris­tia­ni­sa­tion des Vikings, allait faire ensuite des adeptes, dans un mou­ve­ment por­té par la geste du Conqué­rant.
Pour­tant, les édi­fices choi­sis comme exemples par Valé­rie Chaix sont rela­ti­ve­ment peu nom­breux (dix-huit), bien que tou­jours majeurs. Pour cer­tains (notam­ment les cathé­drales de Cou­tances et de Rouen), l’auteur se réfère sur­tout à un état anté­rieur aux restruc­tu­ra­tions gothiques, qua­si­ment seules visibles de nos jours. Pour quinze d’entre eux, dont la par­tie demeu­rée romane de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, une réca­pi­tu­la­tion, monu­ment par monu­ment, occupe la der­nière par­tie du livre. Mais c’est la syn­thèse qui est ici essen­tielle ; elle culmine dans la conclu­sion d’un ouvrage qui est tout sauf des­crip­tif, cher­chant par­tout à faire com­prendre une étape essen­tielle de l’architecture litur­gique.
La pers­pec­tive est en effet ici celle de l’approche fonc­tion­nelle des édi­fices. Ceux-ci ne trouvent leur signi­fi­ca­tion réelle que par les céré­mo­nies pour les­quelles ils ont été construits ; c’est bien le geste litur­gique qui consacre l’espace dans lequel il prend place, ain­si que le montre le P. Bouyer dans Le rite et l’homme, récem­ment réédi­té ((. Cerf, 2009, 206 p.)) . Plus pré­ci­sé­ment, Valé­rie Chaix se réfère aux tra­vaux de Carol Heitz, fon­da­teurs en ce sens, lar­ge­ment cités tout au long de l’ouvrage, dont les Rap­ports entre l’architecture et la litur­gie à l’époque caro­lin­gienne ((. Ecole Pra­tique des Hautes Etudes-Paillart, 1963, 280 p.))  sont sans doute la réca­pi­tu­la­tion la plus claire, pour une période qui porte en ges­ta­tion toute l’architecture médié­vale, romane puis gothique, mais qui a été aus­si essen­tielle pour com­prendre l’expansion et l’adaptation de la litur­gie romaine en Europe de l’Ouest au Haut Moyen Age. Si elle défend les rec­ti­fi­ca­tions locales qu’imposent selon elle les exemples nor­mands, Valé­rie Chaix reprend la démarche de Carol Heitz, qui accorde à chaque sous-par­tie de l’édifice une atten­tion propre. Cette par­ti­tion donne éga­le­ment l’architecture du livre, puisqu’elle en ordonne les cha­pitres, d’ouest en est, selon l’orientation des églises, qui n’a pra­ti­que­ment souf­fert aucune excep­tion chez nous, au moins jusqu’à la fin du XVIe siècle.
On va ain­si des « extré­mi­tés occi­den­tales » aux « extré­mi­tés orien­tales » en pas­sant par « les nefs », avec à chaque fois une ana­lyse pous­sée, repo­sant sur une vision très sûre des exemples nor­mands étu­diés mais inté­grant aus­si des com­pa­rai­sons avec ce qui a sui­vi (notam­ment en Angle­terre) et avec ce qui a pré­cé­dé, éga­le­ment en Ita­lie et dans les églises caro­lin­giennes. […]

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