Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­tures : Des nations unies aux reli­gions unies ?

Article publié le 10 Déc 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Notre époque se consi­dère comme hyper-ration­nelle car tech­nos­cien­ti­fique à l’extrême. Elle ne l’est pour­tant pas, ce qu’illustrent à la fois sa naï­ve­té et son besoin d’une sagesse com­pa­tible avec une culture de super­mar­ché. Les horo­scopes fleu­rissent dans les maga­zines ; les gou­rous pros­pèrent ; la cré­du­li­té humaine garan­tit de confor­tables reve­nus à des char­la­tans par­fois auto-intoxi­qués. Dans leur ver­sion un peu intel­lec­tuelle, ceux-ci se parent volon­tiers de déve­lop­pe­ment per­son­nel, de tra­di­tions orien­tales, de bio­psy­cho­lo­gie, d’écologisme, de méta-huma­ni­té, de fusion dans le grand tout plus ou moins mâti­né d’un vague pan­théisme ou d’eschatologie mil­lé­na­riste de boule en cris­tal. On aura recon­nu les ingré­dients à la base de mou­ve­ments comme le New Age. Cette bouillie mérite-t-elle qu’on s’y inté­resse ? Nous ne pou­vons rete­nir un mou­ve­ment de sym­pa­thie pour ceux qui répondent par la néga­tive, mais un ouvrage mis récem­ment à dis­po­si­tion sur la Toile a le mérite de pro­po­ser un abon­dant maté­riau dans un cadre solide ((. Lee Penn, False Dawn, The Uni­ted Reli­gion Ini­tia­tive, glo­ba­lism and the quest for a one-world reli­gion, [Fausse aurore. L’Initiative pour une reli­gion uni­fiée, le mon­dia­lisme et l’aspiration à une reli­gion uni­ver­selle] Sophia Per­en­nis, 2004, USA, 508 p. L’ouvrage est dis­po­nible gra­tui­te­ment en ligne (www.leepenn.org/FalseDawn_np.pdf), ce qui rend nos cita­tions faciles à retrou­ver ; contrai­re­ment à notre habi­tude, nous ne men­tion­ne­rons donc pas les pages dont elles sont tirées. )) .
Ajou­tons que ce False Dawn consti­tue un docu­ment sur l’Amérique reli­gieuse non seule­ment par son objet mais aus­si par sa forme. Son auteur, Lee Penn (le nom pour­ra faire sou­rire un Fran­çais, mais ce n’est pas une blague) témoigne constam­ment de son enga­ge­ment catho­lique ; il se place expli­ci­te­ment dans la ligne de Pas­cen­di, ce qui n’est pas si fré­quent ; il n’évite pas cer­tains risques métho­do­lo­giques ou emprunte quelques rac­cour­cis : cela fait autant d’écarts aux canons uni­ver­si­taires en vigueur, dont il n’est par­fois pas déplai­sant de s’affranchir. Plus sur­pre­nant, mais sans doute aus­si très amé­ri­cain, Lee Penn a choi­si un pré­fa­cier musul­man, et un édi­teur au moins sus­pect – tra­di­tio­na­liste au sens gué­no­nien du terme, et Lee Penn lui-même est bien indul­gent envers René Gué­non.
Lee Penn centre son pro­pos sur un mou­ve­ment peu connu chez nous, l’United Reli­gion Ini­tia­tive (URI). L’URI est née dans le cou­rant des années 1990 sous l’impulsion de l’« évêque » épis­co­pa­lien de Cali­for­nie, William Swing (né en 1936), se défi­nis­sant lui-même comme « entre­pre­neur spi­ri­tuel » et détaillant volon­tiers le mon­tant de ses inves­tis­se­ments ((. Cf. http://www.sfgate.com/news/article/Bishop-William-Swing-wants-a-U-N-for-religions2452180.php. )) . Swing entend don­ner aux reli­gions unies la visi­bi­li­té et la sta­ture des nations unies, mais, comme la route reste longue on parle d’initiative, pas encore d’organisation. Il s’agit d’œuvrer tous ensemble pour la jus­tice, la paix, la pla­nète, la liber­té reli­gieuse, la crois­sance de ses convic­tions propres au sein d’une com­mu­nau­té glo­bale, décen­tra­li­sée, accueillant des indi­vi­dus ou des groupes de toutes les croyances pos­sibles, qui sont toutes res­pec­tées et encou­ra­gées, seul le pro­sé­ly­tisme étant exclu. La ques­tion du salut éter­nel est consi­dé­rée comme éga­le­ment réso­lue une fois pour toutes et pour tous, ou bien pas­sée aux pertes et pro­fits.
En elle-même, l’URI n’est pas tel­le­ment avant-gar­diste et l’on peut même mettre en doute son rôle de cata­ly­seur d’une révo­lu­tion reli­gieuse à venir. C’est un épi­phé­no­mène révé­la­teur d’une ten­dance de fond, à savoir l’envahissement de l’espace par des pseu­do-spi­ri­tua­li­tés sans Dieu, qui nous pro­mettent tous les avan­tages de l’abandon à la Pro­vi­dence sans les exi­gences induites par la foi en un Dieu per­son­nel. […]

-->