Revue de réflexion politique et religieuse.

Alber­to Methol Fer­ré, Alver Metal­li : Il Papa e il filo­so­fo

Article publié le 18 Nov 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Alver Metal­li, jour­na­liste ita­lien ins­tal­lé en Argen­tine, lié à Comu­nione e libe­ra­zione, a réa­li­sé ce livre d’entretiens bien avant que l’on ne s’intéresse mon­dia­le­ment à Jorge Mario Ber­go­glio. Son inter­lo­cu­teur, qui a été en rela­tion avec ce der­nier, fut un his­to­rien et phi­lo­sophe social uru­guayen, long­temps conseiller du CELAM. Il est décé­dé en 2009. La dis­cus­sion com­mence par l’évocation de la fin dif­fi­cile du com­mu­nisme et de ses intel­lec­tuels. Conscients d’avoir été pris au piège de la pré­ten­tion du sys­tème sovié­tique de riva­li­ser en maté­ria­lisme avec leur double capi­ta­liste, cer­tains s’enferment dans la nos­tal­gie du « foquisme » de Régis Debray et du Che. D’autres cepen­dant se recon­ver­tissent dans le « natio­nal-popu­lisme », ter­rain sur lequel l’obstacle de l’athéisme s’estompe, per­met­tant un jeu d’alliance entre catho­liques et anti­li­bé­raux. Methol Fer­ré suit l’analyse de Zbi­gniew Brze­zins­ki sur les effets rava­geurs de l’abondance, et sur­tout celle d’Augusto Del Noce sur l’avènement d’un athéisme géné­ral deve­nu « natu­rel », abou­tis­sant à la perte de sens et au « liber­ti­nage de masse ». Le meilleur cha­pitre du livre détaille cet aspect. La révo­lu­tion vio­lente n’intéresse plus qu’une petite élite tan­dis que les masses subissent la pres­sion abru­tis­sante du vice. Methol Fer­ré célèbre les grands ins­pi­ra­teurs de Vati­can II (Congar, Che­nu, Danié­lou, Rah­ner, de Lubac, von Bal­tha­zar) mais en même temps il les consi­dère comme les témoins du chant du cygne de la chré­tien­té euro­péenne. Le nou­veau centre d’une syn­thèse catho­lique devrait se situer selon lui du côté lati­no-amé­ri­cain. La pers­pec­tive cor­res­pond aisé­ment au « ter­cer­po­si­cio­nis­mo » qu’affectionnait son grand modèle Juan Perón, sorte de syn­thèse inclu­sive appe­lée à mar­quer une nou­velle époque. « Com­ment résu­me­riez-vous les grands résul­tats du Concile », lui demande Alver Metal­li. Réponse : « Avec le Concile, l’Eglise trans­cende aus­si bien la réforme pro­tes­tante que l’illuminisme laïque. Il les dépasse, en ce sens qu’il assume ce qu’il y a de meilleur en cha­cun d’eux. On pour­rait aus­si bien dire : il recrée une nou­velle réforme et un nou­vel illu­mi­nisme. […] Avec le Concile, la Réforme et les Lumières deviennent fina­le­ment un pas­sé, perdent leur sub­stance et leur rai­son d’être, et réa­lisent le meilleur d’elles-mêmes dans l’intimité catho­lique de l’Eglise. L’Eglise, en se les assi­mi­lant, les abroge comme adver­saires et en recueille la puis­sance construc­tive ». Methol Fer­ré est très sen­sible à la sté­ri­li­té de la sépa­ra­tion entre le domaine reli­gieux et les sciences sociales, ce qui le rend ouvert au cou­rant de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion le plus « exis­ten­tiel » et « popu­liste », autour de Lucio Gera et Juan Car­los Scan­none – les deux maîtres de J.M. Ber­go­glio. De ces entre­tiens de qua­li­té se dégagent deux notes domi­nantes. D’une part, la convic­tion que l’Amérique latine est un labo­ra­toire où devrait se défi­nir une nou­velle « théo­lo­gie » natio­nal-popu­laire, éten­due au sub-conti­nent, repre­nant le mythe de la Patria Grande péro­niste, dont le Mer­co­sur serait le trem­plin. D’autre part, une assise théo­rique en défi­ni­tive peu nou­velle, repre­nant, quoique rajeu­nie, la vieille idée libé­ral-catho­lique d’une moder­ni­té chris­tia­ni­sée (ou d’un chris­tia­nisme moder­ni­sé). Le titre ori­gi­nal de ces entre­tiens était « L’Amérique latine au XXIe siècle ». Celui de cette tra­duc­tion sug­gère une inter­pré­ta­tion sans doute for­cée si elle est prise au pied de la lettre. Tou­jours est-il qu’entre « le pape et le phi­lo­sophe » il y a sans doute quelque fami­lia­ri­té intel­lec­tuelle.

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