Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­ture : Ven­dée, l’expérimentation d’un sys­tème d’extermination

Article publié le 11 Déc 2013 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Les sys­tèmes tota­li­taires ont cette grande pré­ten­tion de pou­voir condi­tion­ner les esprits jusqu’à trans­for­mer les mémoires, réécrire l’histoire. On a ain­si pu décou­vrir par exemple les ravages de l’idéologie moderne sur la popu­la­tion russe et la dif­fi­cul­té pour elle de se déga­ger de l’homo sovie­ti­cus et son cor­tège de men­songes et de déni de la réa­li­té. Mais la volon­té de l’homme de réa­li­ser sa voca­tion est la plus forte et l’ouverture, même timide, d’espaces de liber­té suf­fit à dis­cré­di­ter la pro­pa­gande du déter­mi­nisme his­to­rique.
C’est tout l’intérêt de l’ouvrage Ven­dée, les archives de l’extermination ((. Alain Gérard, Ven­dée, les archives de l’extermination, Centre ven­déen de Recherches his­to­riques, La-Roche-sur-Yon, mars 2013, 683 p., 27 € (désor­mais nous n’indiquerons que la pagi­na­tion pour les cita­tions de cet ouvrage).))  de mettre à nu le méca­nisme de la Ter­reur, jusqu’à décrire un « sys­tème » affran­chi du droit et de l’humanité. Son auteur, Alain Gérard, est cher­cheur à l’Université Paris Sor­bonne, au sein du Centre Roland Mous­nier, et fon­da­teur du Centre ven­déen de recherches his­to­riques consa­cré à la Ven­dée des ori­gines à nos jours. Ce der­nier orga­nisme pos­sède ses propres édi­tions, d’où est issu cet ouvrage ; il publie une revue, Recherches ven­déennes, et orga­nise des col­loques fai­sant le point de la recherche scien­ti­fique. Ouvrage de 683 pages, Ven­dée, les archives de l’extermination est orga­ni­sé en onze cha­pitres équi­li­brés et dont le libel­lé des titres et des sous-titres est d’une grande per­ti­nence intel­lec­tuelle que révèle le sens de la for­mule dont est pour­vu l’auteur. En fin d’ouvrage, le lec­teur peut s’appuyer sur une chro­no­lo­gie thé­ma­tique de douze pages débu­tant en 1755 et s’achevant en 1831, un index des noms de per­sonnes citées de quinze pages et d’une extrême pré­ci­sion, un index des noms de lieux de sept pages et une pré­sen­ta­tion des sources et d’une orien­ta­tion biblio­gra­phique à la fois com­men­tées et thé­ma­tiques : « 1. La ter­reur et la Ven­dée », « 2. Mas­sacres et Ven­dée », « 3. Tue­ries aux Sables, à Noir­mou­tier, Fon­te­nay, Le Mans et Angers », « 4. Car­rier et les noyades de Nantes », « 5. Tur­reau et les colonnes infer­nales ». L’étude his­to­rio­gra­phique est tout à fait appré­ciable pour qui veut com­prendre ce qu’Alain Gérard lui-même appelle « une amné­sie aus­si peu hono­rable que dif­fi­ci­le­ment sup­por­table ».
La grande force de cet ouvrage est de mon­trer com­ment la Révo­lu­tion a, en quelque sorte, orga­ni­sé la néga­tion de son crime géno­ci­daire, « le déni précé(dant) le crime », le mémo­ri­cide avant le popu­li­cide. Car, rap­pelle, l’auteur, aucun ordre écrit d’extermination glo­bale n’a été émis, « des géné­ra­tions d’historiens ont eu beau scru­ter les archives à la recherche de l’ordre écrit déci­sif qui réin­té­gre­rait l’impensable dans un sem­blant de logique com­mune », seuls des élé­ments épars mais signi­fi­ca­tifs ont été trou­vés. Ce silence a donc per­mis la néga­tion de la pla­ni­fi­ca­tion, le rejet de la res­pon­sa­bi­li­té du Comi­té de Salut public et de la Conven­tion et de ne rete­nir que la seule qua­li­fi­ca­tion his­to­rique de mas­sacres de civils lors même que les Ven­déens étaient déjà vain­cus et la Ven­dée occu­pée. Il n’empêche, cela a mar­ché : les manuels sco­laires et uni­ver­si­taires, les ensei­gne­ments, les ouvrages, les « intel­lec­tuels », tous se sont jusqu’à main­te­nant tus, atteints d’une amné­sie col­lec­tive anti­no­mique avec leur tra­vail atten­du de recherche et de remise à plat per­ma­nente de la connais­sance his­to­rique et his­to­rio­gra­phique.
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