Revue de réflexion politique et religieuse.

Luc Gaf­fié : Le Sans­pa­pié­risme. Où sont les papiers des sans-papiers ? Ana­to­mie d’une mani­pu­la­tion

Article publié le 8 Déc 2013 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le deuxième sous-titre de ce petit volume est jus­ti­fié : l’auteur mène son étude avec clar­té et méthode. Il com­mence par l’origine de l’expression, qui vient des Etats-Unis, comme sou­vent : « ille­gal aliens » (étran­gers en situa­tion illé­gale) deve­nant dans le cadre de la poli­ti­cal cor­rect­ness « undo­cu­men­ted wor­kers » (tra­vailleurs sans papiers). Belle opé­ra­tion séman­tique, apte à trans­for­mer l’opprobre de l’entrée par effrac­tion dans le ter­ri­toire d’autrui en objet de com­pas­sion pour d’honnêtes tra­vailleurs vic­times de tra­cas­se­ries admi­nis­tra­tives et poli­cières. Une fois tra­ver­sé l’Atlantique, ce retour­ne­ment s’intègre har­mo­nieu­se­ment à la rhé­to­rique anti­ra­ciste et hypo­cri­te­ment cha­ri­table, que dif­fusent en chœur les intel­lec­tuels orga­niques, les vedettes du « spec­tacle » (au sens large don­né par Debord) et les pleu­reuses du pro­gres­sisme cari­ta­tif. La culpa­bi­li­té col­lec­tive a pos­te­rio­ri créée autour de la « col­la­bo­ra­tion », du « colo­nia­lisme », et autres péchés col­lec­tifs sert de toile de fond à une inver­sion des valeurs. Telle « bonne parois­sienne » d’une église tou­lou­saine peut se van­ter dans la feuille parois­siale d’être entrée en résis­tance pour sau­ver un sans-papiers mena­cé de rafle et d’internement dans un « camp de la honte », tan­dis que les trots­kistes en pro­fitent pour damer le pion aux com­mu­nistes en volant au secours des tra­fi­quants de drogue. L. Gaf­fié met en évi­dence cer­taines res­pon­sa­bi­li­tés appa­rais­sant dans cette affaire comme, plus géné­ra­le­ment, dans la (non) ges­tion des flux d’immigration : la veu­le­rie des gou­ver­ne­ments, et leur col­lu­sion de fait (ou déli­bé­rée ?) avec les béné­fi­ciaires prin­ci­paux de ce phé­no­mène d’autodestruction natio­nale, cultu­relle, reli­gieuse, par la recherche du gain facile et immé­diat, aus­si bien les mafias exploi­tant les can­di­dats au voyage et à l’installation, que les entre­prises, y com­pris publiques, qui courent après une main d’œuvre « flexible » et à coût réduit : une nou­velle ver­sion du méca­nisme de la traite. L’auteur n’insiste pas sur la grave irres­pon­sa­bi­li­té de pas­teurs qui, par­tant d’un dis­cours, fon­dé mais lar­moyant et sur­tout mal appli­qué sur l’accueil du migrant indis­tinc­te­ment consi­dé­ré, font en réa­li­té le jeu de ceux qui les exploitent, sans oublier qu’une par­tie non négli­geable d’entre eux est for­mée de pré­da­teurs sans scru­pules.

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