Revue de réflexion politique et religieuse.

Alain de Benoist : Mémoire vive. Entre­tiens avec Fran­çois Bous­quet

Article publié le 29 Mai 2013 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ce très dense livre d’entretiens pré­sente un net inté­rêt pour com­prendre l’ambiance poli­tique d’une par­tie de la jeu­nesse autour de la fin de la guerre civile en Algé­rie et en Métro­pole, à par­tir de 1960. Il éclaire sur la per­son­na­li­té intel­lec­tuelle de l’auteur. Enfin, il déve­loppe, dans un cha­pitre cen­tral, des consi­dé­ra­tions de méthode qui méritent d’être détaillées. En outre il ren­seigne sur une foule de détails, aus­si bien bio­gra­phiques que dans toutes sortes de domaines, cela en rai­son de l’encyclopédisme et de la mémoire, réel­le­ment vive de l’auteur. Sur le pre­mier point, la période de mili­tan­tisme au sein de la Fédé­ra­tion des Etu­diants natio­na­listes, les sou­ve­nirs évo­qués offrent un contraste avec beau­coup de com­por­te­ments actuels à éga­li­té d’âge. La FEN, comme d’autres orga­ni­sa­tions plus ou moins patrio­tiques, fonc­tion­na comme un creu­set de for­ma­tion au dévoue­ment extrê­me­ment exi­geant, mal­heu­reu­se­ment au ser­vice d’objectifs impré­cis quoique vou­lus comme radi­caux, ce qui explique peut-être pour une part l’évolution ulté­rieure de cer­tains. On note­ra que l’engagement per­son­nel d’Alain de Benoist dans le com­bat poli­tique de l’époque n’était pas moti­vé par la volon­té de sau­ver l’Algérie fran­çaise mais plu­tôt par une forme de roman­tisme sans objet très déter­mi­né. Il se déclare d’ailleurs, a pos­te­rio­ri, par­ti­san de l’indépendance et heu­reux de s’être entre­te­nu avec Ben Bel­la.
La per­son­na­li­té intel­lec­tuelle appa­raît tout au long du livre, autour de quelques thèmes et traits redon­dants : volon­té de se tenir à l’écart de l’action poli­tique dès la fin de l’épisode FEN, hos­ti­li­té théo­rique au chris­tia­nisme (à par­tir de l’adolescence et tou­jours plus), très grand éclec­tisme. A ce sujet on est sur­pris par la remarque de Fran­çois Bous­quet, à la fin de ces entre­tiens : « L’une des choses les plus frap­pantes dans votre iti­né­raire intel­lec­tuel, c’est l’impression de cohé­rence qui se dégage de lui ». Cohé­rence sub­jec­tive, peut-être, mais net­te­ment moins quant aux conte­nus, en per­pé­tuelle redé­fi­ni­tion au gré des lec­tures innom­brables et des ren­contres les plus variées. Le « che­min de pen­sée » qui tient lieu de cha­pitre 4 com­mence par l’énoncé d’une néces­si­té para­doxale en com­pa­rai­son de cet éclec­tisme : « Si l’on se réclame d’une véri­table concep­tion du monde, alors on doit être capable d’en déce­ler les appli­ca­tions dans tous les domaines de la pen­sée et du savoir ». C’est le fait d’être « idéo­lo­gi­que­ment struc­tu­ré ». A. de Benoist plaide pour l’effort plu­ri­dis­ci­pli­naire, à la suite de Jules Mon­ne­rot qui récla­mait des « coor­di­na­teurs-syn­thé­ti­ciens ». Et encore pour une connais­sance des par­ties en pré­sence et pas seule­ment des auteurs de son propre camp : « L’esprit par­ti­san veut igno­rer cela. La plu­part des gens ne lisent que ce avec quoi ils se sentent d’accord. Cela leur donne du plai­sir et cela les ras­sure ». Dans la même veine, A. de Benoist n’a guère d’estime pour tous ceux qui se veulent les dis­ciples d’un seul maître et n’aiment pas la dis­pu­ta­tio. Toutes choses sur les­quelles on ne peut que tom­ber d’accord.

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