Revue de réflexion politique et religieuse.

Michel Labour­dette : Cours de théo­lo­gie morale, Tome 2. Morale spé­ciale

Article publié le 6 Sep 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le tome 1 (Morale fon­da­men­tale) était paru en 2010. Expert au moment du concile, le P. Labour­dette (1908–1990), alors direc­teur de la Revue tho­miste et proche des posi­tions de Charles Jour­net et de Jacques Mari­tain, est rapi­de­ment pas­sé dans le camp nova­teur, sans pour autant aller aus­si loin qu’Yves Congar ou d’autres domi­ni­cains « de choc », loin de là (Cf. sur cet aspect la pré­face du car­di­nal Schön­born à l’ouvrage col­lec­tif Tho­mistes ou de l’actualité de saint Tho­mas d’Aquin, Parole et Silence, 2003). Ce nou­veau volume en témoigne, par son aspect glo­ba­le­ment conser­va­teur, et seule­ment de temps à autre favo­rable aux nou­veau­tés de l’époque conci­liaire. En posi­tif, on remarque d’emblée la pré­sen­ta­tion de ces cours, qui n’est pas celle d’un manuel néo-sco­las­tique, mais d’une expres­sion presque fami­lière, peut-être trans­crip­tion d’une expli­ca­tion orale linéaire de la Somme théo­lo­gique, entre­cou­pée de remarques de bon sens, d’allusions à des auteurs phi­lo­so­phiques, d’exemples tirés de la vie cou­rante. Le revers de la médaille, ou de la méthode, c’est qu’elle n’est pas constam­ment rigou­reuse (par exemple au sujet des exi­gences de véri­té, ou encore de l’illicéité de la « pilule » ; un cer­tain flot­te­ment sur le sui­cide : cas de Ian Palach, p. 520 ; un autre sur le volon­taire indi­rect et l’avortement thé­ra­peu­tique, p. 536 ; des pro­pos mi-figue, mi-rai­sin sur le freu­disme…) Com­pa­ré à la Théo­lo­gie morale fon­da­men­tale de Jean-Pas­cal Per­renx (6 vol., Téqui, 2008), on est sur­pris par l’aspect sur­vo­lé de cer­taines sec­tions et l’absence qua­si totale de biblio­gra­phie cri­tique.
La par­tie « poli­tique » retient néces­sai­re­ment l’attention dans le contexte pré­sent. Le pro­pos est la plu­part du temps clas­sique et en retrait sur le per­son­na­lisme (pp. 399–400 : la cité ne peut se réduire au rang de moyen pour la per­sonne, affirme le mora­liste). Mais la dépen­dance envers Mari­tain appa­raît ensuite quand il s’agit de la laï­ci­té. Ce terme vou­lant « sou­li­gner cette véri­té que la socié­té poli­tique, étant chose de ce monde et pour la vie pré­sente, doit nouer son uni­té à un niveau natu­rel et humain, sur des valeurs acces­sibles à tous ses membres. « […] – L’Eglise peut non seule­ment condam­ner la pra­tique [de l’avortement] mais affir­mer que cette condam­na­tion fait par­tie de l’enseignement chré­tien ; – L’Etat ne peut pas deman­der de pen­ser que l’avortement est inad­mis­sible, mais il a le devoir de l’interdire comme tout meurtre » (p. 177). Pro­pos contra­dic­toire, dans la mesure où l’interdiction, si elle se veut une loi et non un acte posi­tif arbi­traire, doit reven­di­quer la confor­mi­té à la rai­son, et celle-ci tient que l’avortement est inad­mis­sible ! Quant à la liber­té reli­gieuse dont le prin­cipe a été posé par Vati­can II (Digni­ta­tis huma­nae), il s’agit clai­re­ment pour Labour­dette du « droit inalié­nable […] de pro­fes­ser libre­ment la reli­gion de son choix et de la pra­ti­quer », et, dit-il, « il est inutile, à mon avis, de s’ingénier à prou­ver que “l’Eglise aurait tou­jours ensei­gné cela”. Non, et il est sûr que ce n’est pas facile à conci­lier avec une foule de ses décla­ra­tions anté­rieures »… (p. 178).
Au total, on ne peut s’empêcher de regret­ter qu’une masse aus­si consi­dé­rable de tra­vail soit par­se­mée d’insuffisances et de conces­sions.

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