Revue de réflexion politique et religieuse.

Domi­nique Ven­ner : Le choc de l’histoire. Reli­gion, mémoire, iden­ti­té

Article publié le 5 Mai 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Un livre pré­sen­té sous forme d’entretiens, pour le bilan intel­lec­tuel d’un jour­na­liste, écri­vain et his­to­rien pas­sé par les sen­tiers arides des dje­bels et la pri­son poli­tique. Deux lignes s’entrecroisent : une cri­tique de l’époque, appro­chée par voie d’expérience per­son­nelle, et cer­tains prin­cipes de vie, une phi­lo­so­phie construite sur le modèle d’un néo-stoï­cisme anti­chré­tien à peine mas­qué. Les lec­tures de jeune ado­les­cent y ont eu une place déter­mi­nante : la Généa­lo­gie de la morale de Nietzsche, l’Iliade et l’Odyssée, mais aus­si L’Appel de la forêt de Jack Lon­don, trois sources d’une sorte de sagesse de vie cher­chant à s’ancrer dans une tra­di­tion de l’honneur et de la nature qui ferait abs­trac­tion du Christ et de la chré­tien­té. Admi­ra­teur assez roman­tique de Mon­ther­lant et de Mishi­ma pour leur choix du sui­cide, D. Ven­ner n’est pas pour autant un déca­den­tiste. Il se défi­nit même comme un « opti­miste his­to­rique », pen­sant que la des­truc­tion actuelle de la socié­té occi­den­tale fini­ra par sus­ci­ter une réac­tion, l’artifice du mul­ti­cul­tu­rel, de la culpa­bi­li­sa­tion et du contrôle des pen­sées, même pro­fon­dé­ment des­truc­teur, ne pou­vant avoir rai­son de la néces­si­té natu­relle de la sur­vie. Ce qu’il attend, c’est que se recons­ti­tue une sorte d’élite intel­lec­tuelle et morale, un « corps mys­tique », au ser­vice d’un idéal que résume cette for­mule : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beau­té comme hori­zon ».
Le mépris non caché de D. Ven­ner pour la poli­tique lui fait pré­fé­rer l’action cultu­relle et édu­ca­tive, à l’instar du mou­ve­ment hin­douiste RSS, « sorte de scou­tisme supé­rieur qui aurait rem­pla­cé les bons sen­ti­ments par les arts mar­tiaux ». Bien qu’il garde au coeur la nos­tal­gie des corps francs chers à Ernst von Salo­mon, sa cri­tique des méca­nismes du sys­tème en vigueur s’éloigne, par son réa­lisme, de cet idéal de type esthé­tique. Ain­si sa des­crip­tion du pou­voir exer­cé par l’ancien gau­chisme désor­mais au ser­vice du mar­ché, ou encore des méca­nismes des­truc­teurs de l’américanisme. De même sa conscience de ce que « l’une des par­ti­cu­la­ri­tés du sys­tème est qu’il se nour­rit de son oppo­si­tion », et qu’il « a besoin de la contre-culture et de sa contes­ta­tion pour nour­rir l’appétit illi­mi­té du “jouir sans entraves” qui ali­mente le mar­ché ». Tout cela devrait évi­dem­ment se voir beau­coup plus déve­lop­pé que dans le petit cha­pitre cen­tral (« L’histoire d’où nous venons »). La lec­ture de la Nou­velle revue d’histoire que dirige l’auteur per­met d’apporter des élé­ments plus com­plets, entre autres sur le fonc­tion­ne­ment de ce que Péguy appe­lait le « par­ti intel­lec­tuel ».

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