Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­ture : L’homme et l’animal en débat

Article publié le 3 Avr 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

L’ani­mal est-il une per­sonne ? La réponse affir­ma­tive à cette ques­tion mal posée a four­ni à Yves Chris­ten, spé­cia­liste des neu­ros­ciences, la matière d’un épais ouvrage.
Yves Chris­ten est un ami des bêtes, agréable à lire lorsqu’il nous parle d’elles. Pour le reste, son livre est un tis­su de péti­tions de prin­cipe, de contra­dic­tions internes, de sophismes et de contre­sens phi­lo­so­phiques. Il prend pour point de départ un « maté­ria­lisme irré­pro­chable » (p. 359). Mani­fes­te­ment fier de sa for­mu­la­tion, il nous assène à deux reprises : « Le cer­veau secrète la pen­sée comme le rein l’urine » (pp. 310 et 361). Il aurait dès lors pu se dis­pen­ser d’un gros volume : si tout est maté­riel, on explique immé­dia­te­ment l’homme sans l’homme et la vie sans la vie. Un para­graphe aurait suf­fi à tout dire. Chris­ten n’est pour­tant pas par­ve­nu à se taire ; il consacre près de six cents pages à défendre labo­rieu­se­ment des conclu­sions qui pour­raient se déduire aus­si­tôt de ses pré­sup­po­sés ; cela rend son maté­ria­lisme sus­pect d’inconséquence.
D’ailleurs, pour­quoi défendre la digni­té du singe plus que de la molé­cule ? Qu’est ce que cette éthique non fon­dée ? Dans sa décla­ra­tion sur les droits des grands singes (pp. 277–278), Chris­ten en appelle à la créa­tion d’orphelinats pour pri­mates, et de mai­sons de retraite où ils seraient trai­tés « avec des égards com­pa­rables à ceux dont béné­fi­cient les per­sonnes âgées » ; il leur recon­naît le droit à l’euthanasie « pour mettre fin à leur souf­france », sans noter que cela ne cor­res­pond à aucune demande de leur part (à notre connais­sance, l’animal arrête par­fois de se nour­rir, mais ne se sui­cide pas). Mais avant tout Chris­ten veut inter­dire qu’on mange du singe. Sachant qu’il prêche paral­lè­le­ment pour la recon­nais­sance d’un esprit chez les inver­té­brés (pp. 334 ss.), on peut en conclure qu’il est soit végé­ta­rien, soit mau­vais logi­cien. Il faut hélas ! pen­cher pour la deuxième hypo­thèse. Et puis, si l’on recon­naît une conscience aux mol­lusques, pour­quoi la refu­ser aux végé­taux ? Au détour d’une page, il avoue avec can­deur : « Les motifs qui poussent à la défense de l’animal demeurent encore obs­curs et dar­wi­nien­ne­ment par­lant, je ne suis pas cer­tain de savoir les inter­pré­ter de façon satis­fai­sante » (p. 373). Effec­ti­ve­ment. Nous atten­dons avec impa­tience son pro­chain ouvrage pour savoir quel est l’avantage que lui pro­cu­re­ra son refus de se nour­rir. […]

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