Revue de réflexion politique et religieuse.

Par­ti­ci­pa­tion publique, démo­cra­tie pri­vée

Article publié le 5 Fév 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

La démo­cra­tie, dans ses formes les plus contem­po­raines, mul­ti­plie les expé­ri­men­ta­tions visant à dépas­ser son essouf­fle­ment autant que ses impasses auto­ri­taires ou oli­gar­chiques, et à obte­nir un regain d’intérêt dans un contexte d’anéantissement crois­sant de toutes les formes sym­bo­liques du pou­voir et de dis­pa­ri­tion du poli­tique. Ces expé­ri­men­ta­tions sont mul­tiples et d’origines diverses : éco­no­mique et ges­tion­naire, avec le nou­veau mana­ge­ment de l’action publique (dont il s’agit de « chan­ger le logi­ciel » selon l’expression révé­la­trice en vogue), idéo­lo­gique et davan­tage poli­tique, comme dans le cas de la « bonne gou­ver­nance » et de ses déri­vés au pre­mier rang des­quels se situe la démocratieparticipative. A l’image de la gou­ver­nance, celle-ci illustre cette ten­dance à la dis­lo­ca­tion des orga­ni­sa­tions poli­tiques, pro­dui­sant des formes dis­sé­mi­nées de pou­voir, d’intérêts pri­vés à l’origine d’une ingou­ver­na­bi­li­té crois­sante des socié­tés actuelles. Le pro­pos ici déve­lop­pé vise donc à déga­ger quelques traits saillants de cette nou­velle confi­gu­ra­tion, en s’appuyant sur le cas des exer­cices de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive aux­quels sont désor­mais contraintes nombre de pro­cé­dures régle­men­taires dans le cadre de l’aménagement du ter­ri­toire et de l’urbanisme.

Recom­po­si­tions du mili­tan­tisme poli­tique

Les poli­tiques d’aménagement et d’urbanisme consti­tuent un excellent lieu d’observation de la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive comme de l’évolution des formes de mobi­li­sa­tions spon­ta­nées qui la pré­cèdent. L’espace et l’environnement maté­riel immé­diat ont en effet cris­tal­li­sé ces vingt der­nières années un nombre crois­sant de mobi­li­sa­tions pri­vées (indi­vi­duelles ou col­lec­tives), qui témoignent des pré­oc­cu­pa­tions propres aux socié­tés bour­geoises avan­cées. La nature de ces reven­di­ca­tions spon­ta­nées n’a plus rien de com­mun avec les révoltes spon­ta­nées des classes popu­laires dans les grandes métro­poles du XIXe siècle contre leurs condi­tions scan­da­leuses de misère. Les per­sonnes « mobi­li­sées » sont aujourd’hui sur­tout des par­ti­cu­liers en colère en vue de défendre le confort impli­qué par le mythe de l’americanwayoflife (vivre en paix dans son pavillon, loin de la ville), déran­gés par la pers­pec­tive de l’implantation d’une nou­velle déchet­te­rie, d’un aéro­port ou d’un pro­gramme de loge­ment social. Sou­li­gnons que les conflits de voi­si­nage sont en tête des sta­tis­tiques de plaintes ; la mobi­li­sa­tion dite poli­tique n’est ain­si par­fois qu’une ten­ta­tive d’extension d’intérêts pri­vés dans la sphère publique. Le « syn­drome NIMBY » résume les traits géné­raux de cette ambi­va­lence consis­tant à vou­loir les avan­tages de la vie moderne sans les nui­sances asso­ciées. On y trouve pêle-mêle des motifs dif­fi­ciles à dénouer depuis une vul­gaire xéno­pho­bie à l’égard de réfu­giés jusqu’à une colère légi­time suite à des vols et dégra­da­tions répé­tés, une insur­rec­tion contre un équi­pe­ment public jugé bruyant, etc. […]

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