Revue de réflexion politique et religieuse.

L’at­trait du syn­cré­tisme

Article publié le 13 Déc 2008 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Par­ti des Etats-Unis où il est main­te­nant bien essouf­flé, le mou­ve­ment pseu­do-reli­gieux du « Nou­vel Age » (New Age) s’est déve­lop­pé en Europe du Nord avant d’atteindre aujourd’hui l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et à un moindre degré la France, l’Italie et l’Espagne. L’attrait incon­tes­table qu’il exerce en par­ti­cu­lier sur les jeunes lais­sés insa­tis­faits par un monde tech­ni­ci­sé est deve­nu un sujet de pré­oc­cu­pa­tion pour les pas­teurs d’âmes et une source de pro­fit non négli­geable. (((En effet, pour les édi­teurs. Le R.P. Josef Süd­brack, s.j., est un spé­cia­liste incon­tes­té de ce phé­no­mène en Alle­magne)))

Sommes-nous, nous autres Alle­mands, sujets à la fièvre ”des mou­ve­ments d’idées ? Le fait est que ce que l’on a appe­lé « Nou­vel Age », et qui vient d’Outre-Atlantique, a ren­con­tré chez nous un très large écho (et plus encore, il est vrai, en Autriche et en Suisse). Le mou­ve­ment repose sur des « work­shops », des ate­liers, où l’on peut apprendre une tech­nique éso­té­rique ou psy­cho­lo­gique (pour un prix rela­ti­ve­ment impor­tant). Les acti­vi­tés y sont très variées : astro­lo­gie, astro­nu­mé­ro­lo­gie, bha­jans (chants sans­crits), bio­rythmes, cui­sine macro­bio­tique, danses sacrées, des­sin libre, explo­ra­tion de la conscience, har­mo­ni­sa­tion des cha­kras, inté­gra­tion pos­tu­rale, etc. Il existe éga­le­ment des centres de médi­ta­tion ou des sta­tions de soins psy­chiques où l’on passe la fin de semaine. On trouve des gou­rous aux­quels se lier, ou bien des clubs dans les­quels on tire les tarots. Ce genre d’activités nour­rit jusqu’à 10% de l’édition, sans par­ler des films, de la lit­té­ra­ture fan­tas­tique, des voyages orga­ni­sés dans les lieux drui­diques ou sur l’île de Lan­ce­lot où émergent les forces cos­miques… Com­ment expli­quer toutes ces mani­fes­ta­tions ?

Une reli­gio­si­té sans Dieu per­son­nel

Le théo­ri­cien le plus actif du « Nou­vel Age », bien qu’il refuse ce terme, est Frit­jof Capra, né en Autriche et de natio­na­li­té amé­ri­caine. Il tra­vaille depuis long­temps aux Etats-Unis comme cher­cheur ato­miste. Ses théo­ries visent à mettre en « conver­gence la science occi­den­tale et la phi­lo­so­phie orien­tale », selon le titre d’un de ses ouvrages. Pour lui, ce que la « mys­tique » vedân­ta a tou­jours com­pris intui­ti­ve­ment, à savoir que tout est un, a été mis en évi­dence de plus en plus clai­re­ment par les sciences de l’atome. Le pas­sage de la méca­nique cor­pus­cu­laire à la méca­nique quan­tique au début du XXe siècle annon­ce­rait une époque de tran­si­tion. Tous les élé­ments dépendent les uns des autres et l’accord de l’ensemble forme la réa­li­té. Cette nou­velle manière de pen­ser cor­res­pond du point de vue astro­lo­gique à « l’ère du Ver­seau ». En cer­tains endroits de la pla­nète, cette ère, paraît-il, a déjà com­men­cé. Ain­si, par exemple, Find­horn en Ecosse est le lieu de ren­contres avec dif­fé­rents types d’entités : Dieu, les dévas (esprits de la nature), des anges et même un « centre de lumière » com­po­sé d’un groupe de pri­son­niers poli­tiques russes morts ou mou­rants et com­mu­ni­quant depuis le fond d’une mine de sel sibé­rienne… Dès 1980, le livre de Mari­lyn Fer­gu­son, The Aqua­rian conspi­ra­cy, annon­çait la nou­velle époque pai­sible du « holisme » devant mettre fin aux deux mil­lé­naires de chré­tien­té com­bat­tante.

Ce « chan­ge­ment de para­digme » a aus­si été ana­ly­sé d’un point de vue bio­lo­gique. Rupert Shel­drake, qu’il ne faut pas rendre res­pon­sable de toutes les sot­tises du « Nou­vel Age », enquête ain­si sur « les ques­tions mor­pho­gé­né­tiques » : la ruche ou la four­mi­lière ne sont-elles pas un seul orga­nisme, dont l’unité ne tient à aucune don­née scien­ti­fi­que­ment exacte, mais plu­tôt à une tota­li­té onto­lo­gique, une « âme » unique (« la mémoire de la nature ») de laquelle toutes les abeilles et les four­mis par­ti­cipent ? De même pour Maha­ra­shi, le maître à pen­ser de la médi­ta­tion trans­cen­dan­tale, l’ensemble des hommes est consti­tué orga­ni­que­ment en sorte qu’il suf­fi­rait que 3 % d’entre eux s’améliorent vrai­ment pour que soit éga­le­ment amé­lio­ré le « champ mor­pho­gé­né­tique humain ». C’est pour­quoi on parle volon­tiers « d’éthique de trans­for­ma­tion ». Ce n’est pas seule­ment de l’extérieur, c’est aus­si de l’intérieur qu’on prend connais­sance de cette âme ori­gi­nelle com­mune. Par­tant de Freud, pas­sant par Carl Gus­tav Jung et la psy­cho­lo­gie huma­niste, on en arrive à la « psy­cho­lo­gie trans­per­son­nelle ». A par­tir d’expériences qui vont d’abord au-delà de la conscience, puis dépassent la per­sonne, se découvre une « conscience de la signi­fi­ca­tion pro­fonde » com­mune à tous les hommes, le « champ mor­pho­gé­né­tique », à l’origine de toutes les valeurs, mêmes reli­gieuses.

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