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Yves Chi­ron : Benoît XV. Le pape de la paix

Chacun sait que le pre­mier conflit mon­dial est né d’un embal­le­ment pro­gres­sif débou­chant rapi­de­ment sur un engre­nage fatal. Benoît XV (Gia­co­mo Del­la Chie­sa) accède au trône pon­ti­fi­cal un mois après le déclen­che­ment des hos­ti­li­tés. Il res­te­ra le « pape de la guerre » et pour beau­coup de Fran­çais de divers bords, le « pape boche ». Yves Chi­ron consacre une large par­tie de son tra­vail à pré­sen­ter l’activité diplo­ma­tique du Saint-Siège durant la période, en vue d’arrêter le conflit ou tout au moins le rame­ner à des pro­por­tions moins catas­tro­phiques. Benoît XV s’efforçait d’éviter les maux de la guerre aux civils, d’obtenir une baisse d’intensité dans les actions mili­taires et de manière géné­rale de réduire ce qui pou­vait enve­ni­mer les choses. Il ne fut géné­ra­le­ment pas com­pris, dans une atmo­sphère de natio­na­lismes exa­cer­bés, de guerre totale et d’affrontements idéo­lo­giques, sur­tout peut-être en rai­son de la grande pru­dence avec laquelle il s’efforça de ne pas paraître prendre par­ti pour un camp ou un autre (l’auteur cite le cas de la prise de Jéru­sa­lem par le géné­ral Allen­by, consi­dé­ré par beau­coup comme un évé­ne­ment libé­ra­teur de la chré­tien­té, célé­bré par toutes les cloches de Rome sauf celle de la basi­lique Saint-Pierre, de manière à mar­quer la neu­tra­li­té du Saint-Siège). Lorsque l’Italie entre­ra en guerre à son tour (mai 1915), Benoît XV cher­che­ra à empê­cher tout amal­game entre la pré­di­ca­tion de l’Eglise et les envo­lées natio­na­listes – à peu près en vain, dans le cli­mat pas­sion­nel de l’époque. C’est cette constante volon­té, non de res­ter à l’écart dans une atti­tude de fuite, mais d’appeler toutes les par­ties en cause à une cer­taine rete­nue qui en fera un grand incom­pris. Il cher­che­ra aus­si à sau­ve­gar­der cer­taines situa­tions favo­rables à l’Eglise (Autriche, Pologne) et à évi­ter de nou­velles menaces, en Espagne notam­ment. Cela dit, Benoît XV s’occupa de bien d’autres affaires. Pui­sant lar­ge­ment dans les archives vati­canes et fran­çaises, Y. Chi­ron évoque le mas­sacre des Armé­niens par les Otto­mans (1915) et les démarches du pape pour en obte­nir l’arrêt ; ses inter­ven­tions face à l’insurrection irlan­daise, à la révo­lu­tion bol­ché­vique, à la situa­tion des Eglises d’Orient, ou encore à la paci­fi­ca­tion des ordres mis­sion­naires tra­ver­sés par les anta­go­nismes natio­na­listes. La ques­tion moder­niste, loin d’avoir été réglée par saint Pie X, per­sis­tait, et nour­ris­sait des réac­tions que Benoît XV vou­lait contrô­ler. Y.Chiron consacre un cha­pitre spé­cial au sujet (« La défense de la foi »), afin de tirer au clair l’idée selon laquelle le pape Del­la Chie­sa aurait pris le contre-pied de la poli­tique répres­sive de son pré­dé­ces­seur. Il résume : « Pour ce qui est de la défense de la doc­trine, […] le « fond » ne chan­gea pas, mais les « pro­cé­dés » et l’esprit chan­gèrent. » Par pro­cé­dés, il faut entendre la mes­qui­ne­rie intel­lec­tuelle de cer­tains pour­fen­deurs du moder­nisme, en voyant les traces même là où il ne se trou­vait pas. Benoît XV, vou­lant y mettre bon ordre, sup­pri­me­ra le Soda­li­tium Pia­num, ce réseau d’investigation mis en place par Mgr Beni­gni du temps de saint Pie X, et inter­di­ra d’accoler un qua­li­fi­ca­tif quel­conque au titre de catho­lique (du genre « inté­griste », « tra­di­tio­na­liste », etc.). Le jeu était cepen­dant déli­cat, et ce retour au centre du balan­cier n’atteindra pas son but, comme on le sait. Bien d’autres ren­sei­gne­ments se ren­contrent dans cet ouvrage bien docu­men­té, qui vient rehaus­ser une figure assez sou­vent mécon­nue de la papau­té du XXe siècle.