Revue de réflexion politique et religieuse.

Gian Fran­co Svi­der­co­schi : Le retour des clercs. L’Église entre Clé­ri­ca­lisme et Concile

Article publié le 18 Nov 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Ce livre, publié par l’ancien numé­ro deux de L’Osservatore Roma­no est déjà un peu daté. A l’occasion de « l’Année de la Foi », décré­tée par Benoît XVI, G. F. Svi­der­co­schi s’interroge sur les motifs de crise spi­ri­tuelle tra­ver­sée par l’Eglise contem­po­raine. Loin de l’imputer aux seules muta­tions du monde comme il ne va pas, l’auteur du livre consi­dère que la crise est due, prin­ci­pa­le­ment, à la pré­sence d’un enne­mi inté­rieur au sein de l’Eglise : le « clé­ri­ca­lisme ». Par ce vocable, l’auteur dénonce « l’Eglise hié­rar­chique », une Eglise « pou­voir » et non une Eglise « ser­vice », repo­sant sur la « tutelle » des clercs et « repliée sur elle-même », sur son « iden­ti­té », sur ses dogmes, ses inté­rêts propres. Cette Eglise ins­ti­tu­tion­nelle, cen­trée sur l’Europe, appa­raît à l’auteur comme sor­tie de l’Histoire, parce qu’elle est inca­pable de sor­tir du « régime de chré­tien­té constan­ti­nien », inca­pable de ren­con­trer le monde contem­po­rain, un monde sans doute pro­fon­dé­ment nos­tal­gique de Dieu (sic !), mais un monde à qui elle ne peut pas s’adresser, car elle n’en parle tou­jours pas la langue. Ce n’est pas le monde qui ne veut pas entendre, c’est le mes­sage qui est inau­dible. Les dif­fé­rents scan­dales, en par­ti­cu­lier la pédo­phi­lie et le Vati­leaks (p. 6, pp. 47–52), qui viennent s’opposer à son auto­ri­ta­risme et à son mora­lisme, ont enta­mé la « cré­di­bi­li­té » de l’Eglise, selon un leit­mo­tiv média­tique qui revient conti­nuel­le­ment sous la plume de Svi­der­co­schi et qui explique, selon lui, la désaf­fec­tion du monde pour le mes­sage catho­lique. Nos­tra culpa. La solu­tion pro­po­sée par l’auteur est simple : il faut reve­nir cin­quante ans en arrière, il faut reve­nir au Concile – le seul, l’unique –, celui qui a trou­vé, une fois pour toutes, et serait-on ten­té de dire, par excep­tion dans l’Histoire des Conciles, toutes les solu­tions à tous les pro­blèmes. L’auteur ne fait pas un bilan cri­tique et contras­té de l’application du Concile Vati­can II, mais il en déplore l’étouffement par les pesan­teurs clé­ri­cales, les reculs de Paul VI et la peur de Benoît XVI, pré­sen­té comme un obsé­dé du schisme lefeb­vriste et de la pro­tes­tan­ti­sa­tion du catho­li­cisme (pp. 27 ss.). Par paren­thèse, l’auteur asso­cie clé­ri­ca­lisme et pas­sé, mais semble ne voir aucune contra­dic­tion à retour­ner cin­quante ans en arrière… Le droit au pas­sé idéa­li­sé ne vaut que pour cer­tains. Par­ti­ci­pant d’une culture de la repen­tance, ce livre inté­res­se­ra davan­tage le lec­teur pour ce qu’il dit de l’atmosphère de fin de règne du pape Rat­zin­ger, du regard cri­tique que les nos­tal­giques du bouillon­ne­ment des six­ties ont pu por­ter sur un pon­ti­fi­cat dont le maître mot aurait été « la peur », plu­tôt que pour l’originalité des posi­tions défen­dues par l’auteur. En véri­té, c’est un livre que l’on a l’impression d’avoir lu mille fois, fait de plus de slo­gans que d’idées, en par­ti­cu­lier dans les pages consa­crées à la consti­tu­tion Lumen Gen­tium (p. 121 sq.). Au final, le chan­tier que G. F. Svi­der­co­schi pro­pose à « l’autre Eglise », « l’Eglise du peuple », celle qui s’est levée dans les années soixante et dont la marche aurait été ralen­tie par les clercs, relève de l’idéologie domi­nante (pp. 145–149) : fémi­ni­sa­tion, autre regard sur la sexua­li­té et le céli­bat, œcu­mé­nisme, droit-de‑l’hommisme, laï­ci­té posi­tive à l’américaine, reva­lo­ri­sa­tion du laï­cat enthou­siaste au détri­ment de l’Eglise des spé­cia­listes, appel à la col­lé­gia­li­té et à la décen­tra­li­sa­tion, hori­zon­ta­lisme, tiers­mon­disme, etc. D’un cer­tain point de vue, l’ouvrage de ce vati­ca­niste devait trou­ver une réponse écla­tante et un encou­ra­ge­ment dans l’élection du pape Fran­çois, pré­ci­sé­ment venu des « péri­phé­ries » pour invi­ter l’Eglise à la « spi­ri­tua­li­té de la sor­tie » dont il a fait sa marque de fabrique, ain­si que dans la récente cano­ni­sa­tion de Jean XXIII. On l’aura com­pris, ce livre est un pur pro­duit de l’esprit du temps.

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