Revue de réflexion politique et religieuse.

Phi­lippe Dufay : Ber­na­nos

Article publié le 11 Mai 2014 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

« On sou­hai­te­rait l’aimer ; il aime­rait l’être. C’est dif­fi­cile. On ne sait devant lui si c’est à un ami ou à un enne­mi qu’on a affaire. Dans la même heure : l’un et l’autre ». Cette cita­tion des Mémo­rables de Roger Mar­tin du Gard reste de l’ordre des impres­sions exté­rieures et manque de bien­veillance, mais elle tra­duit assez bien la dif­fi­cul­té à cer­ner le grand auteur que fut ce « che­va­lier éga­ré dans un monde qui ne lui cor­res­pon­dait pas », comme l’a écrit récem­ment une jour­na­liste. Ber­na­nos est en effet un per­son­nage com­plexe, comme doté de deux per­son­na­li­tés super­po­sées, l’une supé­rieure, pro­fon­dé­ment chré­tienne, très juste à l’égard des tra­vers du XXe siècle et de la médio­cri­té de ceux qui auraient dû être ses plus proches amis, l’autre exces­sive, instable, tumul­tueuse, ayant une vie de famille à la fois ran­gée pour l’époque et le milieu lit­té­raire, mais sou­vent proche de la bohême. Mal­gré leurs enfants – insup­por­tables et livrés à une sorte d’anarchie per­ma­nente –, Ber­na­nos et sa femme changent à cadence accé­lé­rée de rési­dences, puis de pays (les Baléares, le Bré­sil, la Tuni­sie…), pas­sant de l’aisance momen­ta­née que rap­portent les œuvres qui se vendent (Sous le soleil de Satan, La grande peur des bien-pen­sants, plus tard, Le Jour­nal d’un curé de cam­pagne, Les grands cime­tières sous la lune) à des périodes de qua­si-misère une fois le « magot » épui­sé. Cette bio­gra­phie hon­nête, vivante et métho­dique sait rendre le cadre sub­jec­tif d’un auteur génial et incon­trô­lable.

-->