Revue de réflexion politique et religieuse.

Un nou­veau Sta­tut très déce­vant

Article publié le 28 Juin 2013 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le nou­veau Sta­tut de l’Enseignement catho­lique ne consti­tue pas selon nous un pro­grès par rap­port au pré­cé­dent (1992). Dis­pa­rate, tech­no­cra­tique, long, mal struc­tu­ré, riche en contra­dic­tions internes, exempt des néces­saires défi­ni­tions, ce texte ne plaide pas en faveur de la cré­di­bi­li­té de l’Enseignement catho­lique. Sur le fond, il n’affirme pas avec la net­te­té requise les prin­cipes fon­da­men­taux que l’Eglise doit défendre dans la socié­té en matière d’éducation ; il ne répond que très impar­fai­te­ment aux défis qui se posent actuel­le­ment aux éta­blis­se­ments se vou­lant catho­liques ; enfin, il fait preuve d’un faible inté­rêt pour la dimen­sion aca­dé­mique de l’école.
Ce sta­tut aurait gagné à pré­ci­ser les prin­cipes sur les­quels l’Eglise invite à ins­tau­rer un ordre édu­ca­tif juste. Aurait dû être rap­pe­lé le droit de cette der­nière à fon­der et diri­ger des écoles de sa propre auto­ri­té (Code de droit cano­nique, can. 800 § 1). Au contraire, le texte limite sans état d’âme l’intervention de l’Eglise à l’espace que lui concède l’Etat. L’avertissement limi­naire est expli­cite : « Ces dis­po­si­tions ne sau­raient modi­fier ou rem­pla­cer celles résul­tant des lois et règle­ments appli­cables aux éta­blis­se­ments d’enseignement pri­vés aux plans civil, aca­dé­mique, social ou autres. » Cela ne vaut-il pas recon­nais­sance de la supré­ma­tie du droit posi­tif sur le droit de l’Eglise et plus lar­ge­ment sur le droit natu­rel que l’Eglise défend ? Qui cher­che­rait appui dans le sta­tut pour refu­ser d’enseigner le gen­der par exemple serait déçu, dès lors qu’une loi régu­liè­re­ment adop­tée y oblige.
Le droit qu’a tout enfant d’accéder à une édu­ca­tion catho­lique n’est pas affir­mé, pas plus que le devoir des parents de lui en don­ner une. Le devoir de l’Eglise est rap­pe­lé mais de manière limi­tée et ambi­guë dans le cha­pitre inti­tu­lé « La contri­bu­tion édu­ca­tive de l’Eglise ». Si le texte indique bien que l’Eglise a pour mis­sion de « faire connaître la Bonne Nou­velle » (art. 8), c’est pour sou­li­gner de manière désuète et floue qu’il s’agit de « mani­fes­ter sa soli­da­ri­té avec le genre humain » ain­si que sa volon­té d’apporter une contri­bu­tion ori­gi­nale et spé­ci­fique à la construc­tion de la cité et au renou­vel­le­ment de la socié­té humaine « dans un esprit de dia­logue et de coopé­ra­tion ». Le terme de « contri­bu­tion » mani­feste à lui seul que l’Eglise pense son inter­ven­tion comme une par­mi d’autres.
A contra­rio les rédac­teurs du sta­tut mani­festent un besoin insis­tant de recon­nais­sance éta­tique du rôle de l’école publique dont ils mettent en avant le « carac­tère public » (art. 12) et le « ser­vice d’intérêt géné­ral » qu’elle rend à la socié­té. L’école catho­lique a besoin de l’Etat pour rece­voir de lui un cadre légal, non sa légi­ti­mi­té, laquelle est en Dieu. Alors que les ministres les plus laï­cistes confient leurs enfants à des écoles catho­liques, que les listes d’attente s’allongent, la preuve n’est-elle pas faite de la recon­nais­sance uni­ver­selle de son rôle d’intérêt géné­ral ! En se pré­va­lant d’être « asso­ciée au ser­vice public d’éducation », le sta­tut semble reven­di­quer le droit de l’école catho­lique à être trai­tée comme un pur délé­ga­taire de ser­vice public lié par le res­pect d’un cahier des charges qui, par défi­ni­tion, lui est impo­sé uni­la­té­ra­le­ment par l’Etat. Pour­quoi affir­mer être asso­ciée au ser­vice public d’éducation alors que la loi Debré ne parle que d’association à l’Etat ?
Par­mi les prin­cipes fon­da­men­taux omis on note, à côté de l’affirmation de la néces­si­té de la liber­té sco­laire pour tous, du libre choix de l’école par les parents, de l’obligation qu’a l’Etat de garan­tir ce libre choix y com­pris finan­ciè­re­ment, l’absence dans le sta­tut de la moindre remarque sur l’illégitimité de la dis­cri­mi­na­tion finan­cière que subissent aujourd’hui les familles choi­sis­sant une école non éta­tique. Une simple reprise du Code de droit cano­nique (can. 797) aurait pour­tant suf­fi : « Il faut que les parents jouissent d’une véri­table liber­té dans le choix des écoles ; c’est pour­quoi les fidèles doivent veiller à ce que la socié­té civile recon­naisse cette liber­té aux parents et, en obser­vant la jus­tice dis­tri­bu­tive, la garan­tisse même par des sub­sides. » De même, le sta­tut aurait dû affir­mer le droit des éta­blis­se­ments de déve­lop­per leurs propres cur­ri­cu­lum et diplômes libre­ment, dénon­çant ipso fac­to le mono­pole de la col­la­tion des grades qui ané­mie l’école libre depuis Napo­léon.
Alors que le sta­tut de 1992 rap­pe­lait dès l’article 2 la valeur consti­tu­tion­nelle de la liber­té d’enseignement, il faut attendre l’article 133 dans le pré­sent sta­tut. Et encore la consti­tu­tion­na­li­té de la liber­té d’enseignement n’y est pas mise en avant comme un droit fon­da­men­tal mais sim­ple­ment comme le cadre d’existence de l’établissement. De même le droit au libre choix de l’école par tout parent est réduit au droit des parents à choi­sir entre les écoles catho­liques.
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