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Ber­nard Wicht : Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne

Ce nou­veau livre pour­suit, en l’augmentant et la struc­tu­rant, une réflexion enta­mée avec Une nou­velle Guerre de Trente Ans (2011), dont on a ren­du compte dans un pré­cé­dent numé­ro (114, hiver 2012). L’intention géné­rale en est don­née par la for­mule « tra­vailler dans la marge d’erreur du sys­tème », ce qui s’entend du rai­son­ne­ment sur l’avenir qui se des­sine et des réponses géné­rales aux désordres de grande ampleur entre­vus, mais aus­si de cer­taines hypo­thèses d’organisation. Dans la pre­mière par­tie est décrite une situa­tion que nous connais­sons déjà et qui devrait aller en s’amplifiant : anar­chie, gangs, zones de non droit à base eth­no­ma­fieuses, etc., le tout pro­li­fé­rant en même temps que dépé­rit la figure moderne de l’Etat démo­cra­tique natio­nal, dépé­ris­se­ment for­te­ment sus­ci­té par la super­puis­sance qui agit à cou­vert du club fer­mé qui se qua­li­fie de « Com­mu­nau­té inter­na­tio­nale ». Ber­nard Wicht insiste sur l’anomie, moins sur les menées de cet « Etat pénal car­cé­ral » mon­dial en expan­sion, bien qu’il y consacre quelques pages. Son atten­tion prin­ci­pale se porte sur l’autonomisation de for­ma­tions mili­taires sou­mises à ces pou­voirs ano­nymes, mais trans­for­mables en autant de mafias armées, le tout sur fond de guerre civile lar­vée. La deuxième par­tie du livre cherche à ouvrir des pistes sur la sur­vie pos­sible dans ce nou­veau monde chao­tique, en tirant les leçons du déve­lop­pe­ment même de ces forces mili­taires d’un genre nou­veau. L’auteur est aidé, ou influen­cé, par les films de fic­tion – Mad Max, entre autres – qui ima­ginent des formes d’auto-organisation de « sur­vi­vants », sur la base de la pré­ca­ri­té, de la for­ma­tion sur le tas, de la sélec­tion par la capa­ci­té de défense en milieu violent et fina­le­ment sur la volon­té des indi­vi­dus. Il n’échappe pas à une contra­dic­tion : récu­pé­rant le concept de TAZ (zone auto­nome tem­po­raire) lan­cé par Hakim Bey, il ima­gine pos­sible une sorte de com­mu­nau­ta­risme nomade puis­sam­ment armé apte à recréer des espaces de vie nor­male. Les citoyens sur­vi­vants devraient être capables d’assurer eux-mêmes leur propre défense contre enne­mis et pré­da­teurs et échap­per à la vigi­lance de l’Etat car­cé­ral. Des foyers de résis­tance active devraient naître, à par­tir de l’équation « capa­ci­té éco­no­mique + sys­tème d’arme = liber­té d’action », B. Wicht pen­sant que c’est tou­jours d’une armée dotée de moyens que peut sur­gir la recons­ti­tu­tion de la cité. Sa réfé­rence est le Hez­bol­lah, qu’il renomme pour l’occasion Swiss­bol­lah à l’attention de ses com­pa­triotes. A ce stade, deux dif­fi­cul­tés se pré­sentent : celle de la déter­mi­na­tion de la fina­li­té jus­ti­fiant qu’un tel micro-Etat se consti­tue, et celle de la pos­ses­sion des moyens de l’autonomie. Le pre­mier point est essen­tiel, car il condi­tionne toute l’action et plus encore la fidé­li­té de ses pro­ta­go­nistes. Il ne suf­fit pas d’inventer une « cause » pour que des hommes se sacri­fient, il faut avant tout que cette cause soit assez noble pour jus­ti­fier le sacri­fice. Il faut enfin savoir où l’on va. Pour l’instant la lacune de cette réflexion est là : l’ordre final recher­ché, et les fac­teurs cultu­rels et reli­gieux sont omis. Quant aux moyens, la ques­tion est de savoir com­ment il serait pos­sible de pas­ser des TAZ à une « puis­sance mili­ta­ro-finan­cière sans ter­ri­toire ». L’auteur déve­lop­pe­ra sans doute sa réflexion, dont on appré­cie la qua­li­té d’être en deve­nir conti­nu.