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Aidan Nichols o.p. : Chré­tien­té, réveille-toi ! Redy­na­mi­ser l’Église dans la culture

L’auteur est un domi­ni­cain très Bri­tish dans son style d’exposition, cour­tois, déten­du, très culti­vé, mais aus­si très affir­ma­tif dans l’exposition de ses opi­nions. Par­tant du constat d’évidence que l’inculture atteint des som­mets dans le cli­mat géné­ral de décom­po­si­tion post­mo­derne, il milite pour une reprise dans les sec­teurs prin­ci­paux de la vie chré­tienne. On pour­rait dire que cet ouvrage, publié en 1998 dans sa ver­sion ori­gi­nale, est un pro­gramme de redres­se­ment lan­cé à l’attention de l’Eglise du temps post­con­ci­liaire, dans une optique très « réforme de la réforme » (tirant de manière pré­fé­ren­tielle vers le tra­di­tion­nel, mais avec des conces­sions). C’est expli­ci­te­ment le cas en matière litur­gique mais aus­si, par exemple, en phi­lo­so­phie à pro­pos du post­mo­der­nisme et de ses consé­quences. Cha­cun des cha­pitres reçoit pour titre un mot d’ordre : réen­chan­ter la litur­gie, relan­cer la phi­lo­so­phie chré­tienne, recons­ti­tuer une socié­té de foyers, resa­cra­li­ser la culture maté­rielle, repo­si­tion­ner la spi­ri­tua­li­té moderne, et ain­si de suite. Le cha­pitre VI (« Réima­gi­ner l’Etat de chré­tien­té ») prend la forme d’une dis­cus­sion avec un théo­lo­gien angli­can, Oli­ver O’Donovan. Pre­nant acte de la perte d’unité reli­gieuse dans la socié­té, Aidan Nichols, s’inspirant de MacIn­tyre, Simone Weil et Chris­to­pher Lasch, Tho­mas Mol­nar ou Álva­ro d’Ors, consi­dère que la laï­ci­sa­tion avan­cée de la socié­té jadis chré­tienne résulte de la dégra­da­tion anté­rieure de la manière de vivre ensemble et vou­drait donc voir récu­pé­rer « cer­tains des aspects d’une socié­té chré­tienne » pour rendre à nou­veau pos­sible une vie conforme à l’évangile, qu’il sup­pose – sans cri­tique pous­sée sur ce point – utiles pour « libé­rer l’Etat démo­cra­tique moderne des consé­quences débi­li­tantes de sa propre his­toire ». L’auteur se montre sen­sible à la dégra­da­tion de l’image de la fonc­tion poli­tique, à sa « désym­bo­li­sa­tion », avec pour consé­quence inévi­table une perte de légi­ti­mi­té – un phé­no­mène que, par manière de mimé­tisme, on retrouve lar­ge­ment dans l’Eglise actuelle. Si bien qu’il ima­gine mal un nou­vel « Etat de chré­tien­té » sans ce qu’il nomme le « retour d’une cohé­rence » à l’intérieur même de l’Eglise. « Ce n’est pas cher­cher l’expansion et l’autopromotion de l’Eglise que de deman­der à celle-ci de désa­vouer le terme « plu­ra­lisme », euphé­misme par lequel ses dons spi­ri­tuels et magis­té­riels se trouvent neu­tra­li­sés (la répu­blique d’Irlande offre à cet égard un exemple ins­truc­tif) » (p. 106). Cet ouvrage a les défauts de ses qua­li­tés : agréable à lire, il fraye de nom­breuses pistes à par­tir d’une réflexion per­son­nelle authen­tique et ouverte sur l’avenir, mais il ne faut pas en attendre d’exposés métho­diques ni d’argumentations ser­rées.