Revue de réflexion politique et religieuse.

Alexis-Gilles Troude : Bal­kans, un écla­te­ment pro­gram­mé. Ex-You­go­sla­vie, 20 ans après

Article publié le 14 Fév 2013 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Cet ouvrage rédi­gé par deux frères spé­cia­listes des Bal­kans est à la fois his­to­rique et pros­pec­tif. D’une part, ils reviennent sur les dif­fé­rentes étapes de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Leur tra­vail bien docu­men­té, est une bonne syn­thèse, qui per­met d’y voir clair sur la poli­tique menée depuis vingt ans dans les Bal­kans par les Etats-Unis, sui­vis par un cer­tain nombre de pays euro­péens. Ce tableau d’ensemble est inté­res­sant à titre de com­pa­rai­son car les Bal­kans ne sont que l’un des ter­rains d’application d’une stra­té­gie mise en oeuvre dans d’autres par­ties du monde. Le cha­pitre sur le Koso­vo, « un Etat-voyou sous l’aile amé­ri­caine », en est une bonne illus­tra­tion : éli­mi­na­tion d’un pou­voir garan­tis­sant un cer­tain ordre sous des pré­textes « droits-de‑l’hommistes » en sou­te­nant une oppo­si­tion aux méthodes et aux inten­tions plus que dou­teuses, mise en place d’un pou­voir mafieux et faci­le­ment cor­rup­tible, ins­tal­la­tion phy­sique dans un pays (base de Bons­teel) pré­sen­tant des atouts stra­té­giques et éco­no­miques majeurs… Sur ce plan, la démons­tra­tion des deux auteurs, qui s’inscrit en oppo­si­tion avec une opi­nion lar­ge­ment domi­nante, gagne­rait par­fois à aller plus loin dans l’investigation et dans la pré­ci­sion au sujet des sources uti­li­sées ; on peut citer à titre d’exemple la ques­tion du tra­fic d’organes qu’est for­te­ment soup­çon­née d’avoir com­mis la mafia koso­vare en 1999, à laquelle auraient été liés des membres du gou­ver­ne­ment actuel du Koso­vo, ou bien le déve­lop­pe­ment com­mer­cial dans le même ter­ri­toire, suite à l’intervention de l’OTAN, de Brown and Root, filiale d’Halliburton, dont Dick Che­ney était le direc­teur avant d’être élu vice-pré­sident des Etats-Unis.
A. et G. Troude se livrent éga­le­ment à une réflexion sur le deve­nir des Bal­kans, le bilan de ces vingt ans d’“éclatement pro­gram­mé” étant très néga­tif : cor­rup­tion struc­tu­relle, impli­quant le pou­voir à très haut niveau, chô­mage attei­gnant des records (47% de la popu­la­tion active au Koso­vo), « pro­tec­to­rat » de l’Union euro­péenne sur la Bos­nie-Her­zé­go­vine, dur­cis­se­ment du com­mu­nau­ta­risme eth­nique, lin­guis­tique ou reli­gieux, créa­tion d’une base arrière de l’islamisme… « Dans un ave­nir proche, il est fort pro­bable que ces Etats fra­giles, mis en place par l’hyper-puissance amé­ri­caine et ses alliés, soient voués à l’éclatement » (p. 193). Le pro­ces­sus de dis­lo­ca­tion chao­tique est donc pro­ba­ble­ment appe­lé à se pour­suivre, dans la mesure où aucun obs­tacle majeur ne vient l’arrêter. Cela a bien sûr de l’importance pour les popu­la­tions de ces pays, dura­ble­ment divi­sées et meur­tries par le machia­vé­lisme des grandes puis­sances, Etats-Unis en tête, et l’incurie des appren­tis sor­ciers euro­péens. Cela en a aus­si pour celles des pays d’Europe de l’Ouest, car ce « frac­tion­ne­ment n’est pas seule­ment l’apanage des Bal­kans » : si des phé­no­mènes iden­tiques à ceux des Bal­kans n’y sont pas pré­vi­sibles, du moins à court terme, les germes d’une cer­taine conta­mi­na­tion y sont obser­vables et ne peuvent qu’inciter à la vigi­lance.

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