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Guillaume Zel­ler : Oran 5 juillet 1962. Un mas­sacre oublié

Cet ouvrage revient sur l’un des « mas­sacres oubliés » de la guerre d’Algérie, celui du 5 juillet 1962. Ce jour-là, des groupes de musul­mans et des mili­ciens de l’ALN enle­vaient et tuaient à Oran dans des condi­tions atroces des cen­taines de civils d’origine euro­péenne ain­si que de nom­breux musul­mans, l’armée fran­çaise met­tant plu­sieurs heures, sauf ini­tia­tives indi­vi­duelles, à inter­ve­nir pour pro­té­ger les popu­la­tions. Direc­teur de la rédac­tion de la chaîne télé­vi­sée Direct 8 et du site élec­tro­nique Direct Matin, l’auteur est aus­si le petit-fils de l’un des quatre géné­raux ayant conduit le « putsch » d’avril 1961. Guillaume Zel­ler explique d’entrée de jeu l’origine de sa démarche : issu d’un milieu natu­rel­le­ment et pro­fon­dé­ment atta­ché à l’Algérie fran­çaise, il avait fini par pen­ser, avec le temps, que le récit du 5 juillet 1962 qu’il connais­sait par ses proches était « trop atroce pour être vrai ». Il a donc vou­lu « confron­ter l’héritage de son grand-père à la réa­li­té des faits » et s’est lan­cé dans une recherche appro­fon­die sur ceux-ci. Ce livre en est le résul­tat. « Ce qu’on découvre est stu­pé­fiant. Témoi­gnages, archives, études : une mul­ti­tude de docu­ments mécon­nus confir­maient qu’un mas­sacre de grande ampleur avait eu lieu à Oran ce jour-là ». Pas à pas, Guillaume Zel­ler revient sur l’ensemble des évé­ne­ments, jusqu’au mas­sacre lui-même, rap­pe­lant les ques­tions qui n’ont pas encore été com­plè­te­ment élu­ci­dées : ce que fit et avec qui par­le­men­ta le géné­ral Katz, qui diri­geait le Corps d’Armée d’Oran, pen­dant les deux heures (au moins) qui sépa­rèrent le début des exac­tions de l’intervention coor­don­née de l’armée. L’ouvrage se base sur une biblio­gra­phie abon­dante (notam­ment plu­sieurs livres de Mau­rice Faivre ou Jean Mon­ne­ret), sur quelques sources directes et sur des témoi­gnages recueillis auprès de témoins sur­vi­vants. Si l’auteur ne pré­sente pas de nou­veau­té majeure sur ce dos­sier hon­teux, son prin­ci­pal apport est plu­tôt celui de la péda­go­gie et de la trans­mis­sion de l’histoire. Par la pré­ci­sion his­to­rique de son pro­pos, sa plume alerte et la pro­fonde atten­tion qu’il porte à la com­pré­hen­sion des faits, Guillaume Zel­ler contri­bue à faire connaître auprès d’un large public ces évé­ne­ments très igno­rés et à conti­nuer d’ébranler, de ce fait, la chape de plomb qui recouvre ces crimes, déjà fis­su­rée par les tra­vaux menés par un panel d’historiens à par­tir des années 2000. Même si l’auteur semble avoir peu d’espoir à ce sujet, il est à sou­hai­ter que de tels tra­vaux se mul­ti­plient afin que, une fois le seuil de la recherche his­to­rique fran­chi, la strate admi­nis­tra­tive et poli­tique se sente enfin contrainte de recon­naître que l’attitude des diri­geants de l’époque, sur la jour­née du 5 juillet 1962 et sur le dénoue­ment de la guerre d’Algérie en géné­ral, a été par­ti­cu­liè­re­ment irres­pon­sable, et pour tout dire, scan­da­leuse.