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Giam­pie­ro For­ce­si : Il Vati­ca­no II a Bolo­gna. La rifor­ma conci­liare nel­la cit­tà di Ler­ca­ro e Dos­set­ti

D’abord arche­vêque de Ravenne, Gia­co­mo Ler­ca­ro fut nom­mé par Pie XII arche­vêque de Bologne en 1952. Il fut sans conteste l’une des figures emblé­ma­tiques du concile Vati­can II. Le pré­sent ouvrage couvre un champ plus res­treint, se cen­trant sur l’action de Ler­ca­ro dans son dio­cèse, et consiste prin­ci­pa­le­ment en une suite de com­men­taires de textes et de déci­sions internes au dio­cèse. Giam­pie­ro For­ce­si cherche à cla­ri­fier les étapes d’une évo­lu­tion qui condui­sit Ler­ca­ro du pro­fil d’un évêque clas­sique, carac­té­ri­sé notam­ment par un « intran­si­gean­tisme » à l’italienne (oppo­si­tion au com­mu­nisme et sou­tien à la démo­cra­tie chré­tienne, méfiance envers une culture sécu­la­ri­sée et recherche des moyens d’une recon­quête), à la figure de proue de « l’Eglise des pauvres », objet de louanges ou de cri­tiques, celles-ci condui­sant à son retrait deman­dé du siège
de Bologne, en février 1968.
L’auteur suit les deux lignes majeures d’action du car­di­nal Ler­ca­ro : la litur­gie et le rap­port à la socié­té. Pour la pre­mière, il montre une remar­quable conti­nui­té et une action en pro­fon­deur, Ler­ca­ro pro­mou­vant ses vues d’une réno­va­tion de la vie de l’Eglise ad intra et ad extra dont le coeur et le modèle seraient la com­mu­nion eucha­ris­tique ; conti­nui­té à un point tel qu’on se demande si la consti­tu­tion du concile sur la litur­gie eut concrè­te­ment plus ou moins d’importance que cette action de long terme, cou­ron­née par une « mis­sion trien­nale dio­cé­saine sur la Messe », dont Ler­ca­ro fit l’annonce solen­nelle le 4 octobre 1962, à la veille du concile. On regrette ici que l’action du car­di­nal comme pré­sident du Consi­lium soit à peine évo­quée, et qu’au-delà des dis­cours on ne sache que peu sur les recom­man­da­tions ou déci­sions de cette mis­sion dio­cé­saine. Si l’on a pu dire de ce dio­cèse qu’il avait pré­cé­dé le concile de dix ans, c’est sans doute d’abord en ce domaine ; on aurait aimé en juger plus pré­ci­sé­ment.
Sur l’autre ligne, celle du rap­port à la socié­té, l’auteur peine à démon­trer – ce qu’il semble vou­loir faire – une évo­lu­tion dans la période qui pré­cède le concile Vati­can II. La méfiance de Ler­ca­ro est suf­fi­sam­ment mar­quée pour qu’en octobre 1961, reçu en audience avec des pèle­rins de Bologne par Jean XXIII, celui-ci lui déclare com­prendre ses craintes face à l’esprit laï­ciste qui domi­nait la cité de Bologne, mais – selon les chro­niques mêmes de l’audience – « exhor­ta aima­ble­ment l’archevêque à tem­pé­rer sa dou­leur en rai­son de tous les motifs d’espoir et de confiance dans la véri­té qui s’affirme par elle-même, et dans la fécon­di­té de son tra­vail et de ceux qui chré­tien­ne­ment oeuvrent avec lui » (cité p. 166). Quant aux conclu­sions du docu­ment que Ler­ca­ro envoya en octobre 1959 à la com­mis­sion pré­pa­ra­toire du concile, l’auteur les qua­li­fie de rigides. On doit ain­si recon­naître au concile le rôle de pre­mier plan dans ce qui appa­raît – au moins dans ce livre – moins comme une évo­lu­tion que comme une forme de bas­cu­le­ment. Tou­te­fois, ce bas­cu­le­ment ne se fit pas dans un mili­tan­tisme socio-poli­tique, mais condui­sit à une supré­ma­tie abso­lue de la fra­ter­ni­té eucha­ris­tique men­tion­née ci-des­sus.
On reste mar­qué par l’autorité, voire l’autoritarisme du per­son­nage : se réfé­rant notam­ment à saint Ignace d’Antioche, il magni­fie le rôle cen­tral de l’évêque, qui se tra­dui­ra par une uni­for­mi­té impres­sion­nante dans le dio­cèse, allant par exemple jusqu’à décon­nec­ter la sec­tion dio­cé­saine de l’Action catho­lique du mou­ve­ment natio­nal. Mais, sur ce point, sont plus inté­res­santes encore les pages consa­crées à l’action de la Giu­ventù stu­den­tes­ca de don Gius­sa­ni (« ancêtre » de Comu­nione e Libe­ra­zione) : appe­lé à Bologne à l’été 1963, parce que le dio­cèse connais­sait un défi­cit de pré­sence dans le milieu lycéen et étu­diant, le mou­ve­ment de don Gius­sa­ni en fut ren­voyé en décembre 1965, parce qu’il ne s’intégrait pas dans la pas­to­rale d’ensemble, avait des rap­ports trop étroits avec les ins­tances natio­nales et régio­nales de la Giu­ventù, mais aus­si (p.345) en rai­son de son « intran­si­gean­tisme ».