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Lec­ture : Avant le contrat social

Les actes du Col­loque inter­na­tio­nal de Madrid tenu en 2008, sous la direc­tion de Fran­çois Foron­da, Jean-Phi­lippe Genet et José Manuel Nie­to Soria, consa­cré à la contrac­tua­li­té poli­tique à la fin du Moyen Age, viennent de paraître : Avant le contrat social. Le contrat poli­tique dans l’Occident médié­val XIIIe-XVe siècle ((. 1. Publi­ca­tions de la Sor­bonne, 2011, 726 p., 45 €.)) . Si l’axe de recherche est pré­ci­sé­ment défi­ni comme celui de la « ques­tion des fon­de­ments du pou­voir poli­tique dans l’Europe occi­den­tale de la fin du Moyen Age » (p. 6), l’on trouve en fait bien plus de contri­bu­tions sur le contrat comme mode de pou­voir que comme fon­de­ment du pou­voir, expres­sion rous­seauiste d’un impos­sible contrat social, notam­ment par « absence d’une théo­rie de la volon­té géné­rale », comme le rap­pelle A. Bou­reau (p. 242). Dans le sillage des études de Pao­lo Pro­di (Il sacra­men­to del potere. Il giu­ra­men­to poli­ti­co nel­la sto­ria cos­ti­tu­zio­nale dell’Occidente, Milan, 1992), ces trente et une com­mu­ni­ca­tions (ain­si que quatre résu­més des inter­ven­tions non publiées) se veulent une étude du conti­nuum contrac­tuel dans le champ poli­tique et social depuis la Réforme gré­go­rienne (p. 9).
Ces études furent pré­cé­dées par de nom­breuses inves­ti­ga­tions autour de la pri­van­za cas­tillane, contrat d’alliance por­tant « l’institutionnalisation d’un sys­tème de gou­ver­ne­ment » (p. 10, mais là encore pas de trace d’une ori­gine du gou­ver­ne­ment). L’enquête fut ensuite éten­due en « tirant ce fil » vers les royaumes cata­la­no-ara­go­nais, fran­çais, ita­liens, anglais et ger­ma­niques. Ain­si, l’ouvrage est divi­sé en cinq par­ties d’inégale lon­gueur, dont la pre­mière est consa­crée à la pénin­sule ita­lienne, avec six articles. L’on retien­dra entre autres celui de Patrick Bou­che­ron sur « L’Italie, terre de contrats » (pp. 17–23), qui insiste sur la pré­sence effec­tive des contrats dans de nom­breux domaines, des juristes aux mar­chands, des petites com­munes aux Etats sei­gneu­riaux. Les études de Mario Asche­ri, « Il contrat­tua­lis­mo nel­la cri­si del Regnum Ita­liae (s. IX-XII) : la ricos­tru­zione di una cultu­ra poli­ti­ca locale » (pp. 25–36) et d’Armand Jamme, « De la Répu­blique dans la monar­chie ? Genèse et déve­lop­pe­ments diplo­ma­tiques de la contrac­tua­li­té dans l’Etat pon­ti­fi­cal (fin XIIe-début XVIe siècle) » (pp. 37–79) méritent aus­si atten­tion, prin­ci­pa­le­ment quant au rôle tenu par les villes dans le jeu poli­tique, et quant à la manière dont le pacte fut un ins­tru­ment, soit de réso­lu­tion des conflits, soit de construc­tion de l’Etat, même s’il fut nié par les usages diplo­ma­tiques des chan­cel­le­ries.
L’Empire n’est abor­dé que par deux articles, de Jean-Marie Moe­glin, « Le Saint-Empire : contrat poli­tique et sou­ve­rai­ne­té par­ta­gée » (pp. 173–191) et de Mathieu Oli­vier, « L’émergence de la notion de “sujé­tion condi­tion­nelle” dans la Prusse de la pre­mière moi­tié du XVe siècle » (pp. 193–220). Il en res­sort que les « contrats de gou­ver­ne­ment » (p. 185) sont très peu nom­breux, hété­ro­gènes, pas plus que les « capi­tu­la­tions élec­to­rales », bien vite oubliées, ne remettent en cause le gou­ver­ne­ment par la grâce et l’absence de véri­table contrat. Le cas prus­sien est sem­blable, démon­trant que les périodes de crises sont riches en affir­ma­tions contrac­tua­listes, jamais ins­ti­tu­tion­na­li­sées. […]