Revue de réflexion politique et religieuse.

Karim Schel­kens (éd.) : The coun­cil notes of Edward Schil­le­bee­ckx. 1962–1963

Article publié le 5 Mai 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le père domi­ni­cain Edward Schil­le­bee­ckx, décé­dé en 2009, a eu la répu­ta­tion d’appartenir, voire de conduire, l’aile la plus avan­cée, la plus pro­gres­siste, des théo­lo­giens. C’est donc avec inté­rêt qu’on lit ses « notes de concile ». Et il s’agit bien de notes, d’abord par leur briè­ve­té : les 106 pages du pré­sent fas­ci­cule en contiennent une ver­sion bilingue, en fla­mand et en anglais, intro­duite et anno­tée de manière assez consé­quente (on salue­ra ici le remar­quable tra­vail d’édition) ; réduite à lui-même, le texte ori­gi­nal court sur seule­ment 25 pages. Notes encore, tant il est mani­feste que le théo­lo­gien belge n’avait pas en vue leur publi­ca­tion ; notes enfin, parce que seules les deux pre­mières ses­sions du concile sont concer­nées. Quant à leur conte­nu, les notes sur la pre­mière ses­sion sont assez des­crip­tives des évé­ne­ments et inter­ven­tions prin­ci­paux dans l’assemblée conci­liaire, mais aus­si de l’activité de l’auteur, en marge de celle-ci. Les quelques pages sur la deuxième ses­sion pré­sentent essen­tiel­le­ment un déve­lop­pe­ment sur la notion de col­lé­gia­li­té épis­co­pale.
Ce n’est donc pas à un jour­nal du concile, style Congar ou Lubac, auquel nous avons affaire. Cepen­dant, c’est un sen­ti­ment iden­tique qui en res­sort, ren­du ici plus aigu par la conci­sion de notes prises au jour le jour : celui d’une exal­ta­tion (« eupho­rie », p. 24) face à l’opportunité offerte à l’Eglise de se réno­ver pro­fon­dé­ment, exal­ta­tion au sein de laquelle est assu­mé le par­ti pris d’un com­bat à mener contre un camp. Ain­si, après le vote du 20 novembre 1962, où le seuil des 2/3 per­met­tant un rejet du sché­ma I pré­pa­ré par la Curie fut man­qué de 100 voix, Edward Schil­le­bee­ckx s’évertue-il à faire la part, conti­nent par conti­nent, pays par pays, des forces en pré­sence, entre par­ti­sans de la « nou­velle théo­lo­gie » et par­ti­sans de la « théo­lo­gie curiale » (cf. p. 23). Plus expres­sive encore des dis­po­si­tions d’esprit, cette nota­tion du 25 octobre 1962 : « J’ai appris que le car­di­nal Siri pré­pa­rait une impor­tante attaque contre le Sché­ma sur la Litur­gie. Ses objec­tions m’avaient été envoyées. Mgr Bek­kers était pré­vu pour prendre la parole après Siri. J’ai donc éla­bo­ré un nou­veau dis­cours dans lequel je réfu­tais une à une les objec­tions de Siri. Mgr Jan­sen trou­va ce pro­cé­dé inélé­gant ! (On doit être pru­dent : Jan­sen ne fait rien ! Excur­sions exclues, il ne recherche aucun contact avec les évêques, etc.) » (pp. 10–11).
Le domi­ni­cain s’active beau­coup, allant de confé­rences pour des évêques en réunions entre théo­lo­giens. Tou­te­fois, c’est auprès des évêques hol­lan­dais qu’il agit par­ti­cu­liè­re­ment, évêques dont il est un conseiller et plus encore un « nègre », mais dont il ne sera jamais un expert offi­ciel­le­ment appoin­té, sans doute en rai­son de son impli­ca­tion dans l’écriture du docu­ment publié en 1960 par l’épiscopat des Pays-Bas sur le concile et sa phase pré­pa­ra­toire (cf. p. XVII). Cette acti­vi­té – la sienne et celle des autres experts – est telle, quant à son ampleur et à son impor­tance, qu’il écrit : « Après tout, il y a “deux conciles’’ : l’officiel à Saint-Pierre, les dis­cus­sions mutuelles pré­pa­ra­toires et les chan­ge­ments conti­nuels de tac­tique » (p. 12).
Les pages consa­crées à la col­lé­gia­li­té méri­te­raient de plus amples remarques ; notons sim­ple­ment que le théo­lo­gien belge, au cours de la deuxième ses­sion, met son espé­rance dans l’affirmation doc­tri­nale de la col­lé­gia­li­té épis­co­pale : elle est, pour lui, indis­pen­sable à la mise en oeuvre du renou­veau de l’Eglise com­men­cé par le concile, celui-ci étant déjà la mani­fes­ta­tion de cette col­lé­gia­li­té. La col­lé­gia­li­té est un point de ren­contre et d’influence réci­proque entre doc­trine et minis­tère pas­to­ral : « Le concile pas­to­ral devient doc­tri­nal, pré­ci­sé­ment en rai­son de son carac­tère pas­to­ral […] Le gou­ver­ne­ment col­lé­gial de l’Eglise est le fon­de­ment doc­tri­nal de l’aggiornamento pas­to­ral actuel. Tout le reste en découle » (p. 37).
Au final, dans ces notes, loin d’être l’extrémiste que l’on pré­sente par­fois, Edward Schil­le­bee­ckx appa­raît comme un théo­lo­gien par­mi d’autres ; et s’il prend peut-être, durant le concile, une ampleur par­ti­cu­lière, c’est sans doute aus­si parce qu’il est au ser­vice d’un des épis­co­pats les plus enga­gés : tous les évêques hol­lan­dais étaient membres d’une com­mis­sion. On rejoint alors l’éditeur dans le sou­hait qu’il for­mule d’une étude plus appro­fon­die du rôle de l’épiscopat hol­lan­dais (en y ajou­tant les nom­breux évêques mis­sion­naires) durant le concile.

-->