Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­ture : Cor­ne­lio Fabro, phi­lo­sophe et théo­lo­gien

Article publié le 17 Fév 2012 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Il n’est pas facile d’écrire une bio­gra­phie qui ne soit pas seule­ment la syn­thèse d’un ensemble de sources. Rédi­ger une bio­gra­phie, c’est faire revivre, d’une cer­taine manière, celui qu’elle a pour objet, ani­mer les pages d’un livre des pos­si­bi­li­tés concrètes qui se sont pré­sen­tées à cette per­sonne, des déci­sions qu’elle a prises, des hos­ti­li­tés qu’elle a sup­por­tées, de ses réa­li­sa­tions, de l’attitude dont elle a fait preuve. C’est faire émer­ger des carac­tères impri­més la den­si­té humaine, laquelle, comme pour toute per­sonne, est inef­fable ; comme le met en évi­dence Kier­ke­gaard, sa sin­gu­la­ri­té en tant qu’être est inac­ces­sible par la voie déduc­tive. En d’autres termes, évo­quer une per­son­na­li­té humaine implique de tra­cer sa figure intel­lec­tuelle et morale, les appré­cia­tions qu’elle por­tait, ses habi­tudes, la valeur morale de son enga­ge­ment.
Un tel effort est à plus forte rai­son dif­fi­cile lorsqu’il est ques­tion d’évoquer la phy­sio­no­mie d’un acteur de la culture phi­lo­so­phique qui a contri­bué acti­ve­ment à son orien­ta­tion, qui a eu des posi­tions théo­riques par­ti­cu­liè­re­ment fortes, qui a été confron­té à d’autres acteurs de la vie intel­lec­tuelle à un niveau inter­na­tio­nal, qui a pris posi­tion – par une argu­men­ta­tion par­ti­cu­liè­re­ment claire – dans les affron­te­ments entre les cou­rants de pen­sée les plus impor­tants de son temps.
En ce sens on peut dire qu’une bio­gra­phie revêt une dimen­sion phi­lo­so­phique forte, plus encore qu’historiographique, puisque ce qui est en ques­tion est la capa­ci­té de com­prendre l’humanité de l’homme, d’un cer­tain homme, dont l’intériorité, qui est ce qui le qua­li­fie inti­me­ment et de manière fon­da­men­tale, reste en soi inac­ces­sible. Elle ne l’est que dans la mesure où elle est mani­fes­tée par ses actes, ses habi­tudes et par tout ce qui a ou peut avoir valeur de signe de sa pen­sée et de sa volon­té.
Ceci est la tâche que s’est consciem­ment fixée Rosa Goglia ((. Rosa Goglia, Cor­ne­lio Fabro, pro­fi­lo bio­gra­fi­co cro­no­lo­gi­co tema­ti­co da inedi­ti, note di archi­vio, tes­ti­mo­nianze, Edi­trice del Ver­bo Incar­na­to (EDIVI), Segni, 2010, 303 p.)) , avec le poids de la res­pon­sa­bi­li­té que cela com­porte, puisque éta­blir une bio­gra­phie de Fabro implique la charge de rendre compte d’une grande par­tie des tra­vaux de phi­lo­so­phie et de théo­lo­gie qui se sont dérou­lés sur un siècle. Et Rosa Goglia a accom­pli cette tâche à par­tir d’un obser­va­toire pri­vi­lé­gié : non seule­ment parce qu’elle a pu comp­ter sur un ensemble d’archives qu’elle a elle-même recueillies au cours de plu­sieurs décen­nies mais aus­si parce qu’elle a pu uti­li­ser la mémoire vivante issue de sa connais­sance per­son­nelle du phi­lo­sophe du Frioul, qui a diri­gé son doc­to­rat et avec lequel elle a col­la­bo­ré, Cor­ne­lio Fabro, phi­lo­sophe et théo­lo­gien spé­cia­le­ment de 1978 à 1995. En outre, elle a à son actif dif­fé­rentes publi­ca­tions phi­lo­so­phiques consa­crées au phi­lo­sophe : Cor­ne­lio Fabro, filo­so­fo del­la liber­tà (Gênes, 2000), La novi­tà meta­fi­si­ca in Cor­ne­lio Fabro (Venise, 2004), Cor­ne­lio Fabro filo­so­fo e teo­lo­go, tra san Tom­ma­so e Kier­ke­gaard nel post­mo­der­no (Naples, 2007), ain­si que de nom­breuses contri­bu­tions sur la pen­sée du père Fabro, parues dans les actes de col­loques et dans des Mélanges. Ce livre s’inscrit dans la conti­nui­té des pré­cé­dents, pro­lon­ge­ment exis­ten­tiel des consi­dé­ra­tions essen­tielles qui y avaient déjà été déve­lop­pées, l’objectif étant tou­jours de péné­trer la pen­sée de l’auteur et d’en expo­ser les élé­ments les plus impor­tants. Des pages de Rosa Goglia émerge pro­gres­si­ve­ment la figure de Cor­ne­lio Fabro, homme, reli­gieux (de la congré­ga­tion des Saints Stig­mates de Notre-Sei­gneur), prêtre, cher­cheur, phi­lo­sophe, consul­teur auprès de dif­fé­rentes Congré­ga­tions du Saint-Siège et expert au concile Vati­can II. […]

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